Just for you : juste pour rire !

Ceci est le fruit d’une fiction : toute ressemblance avec une personne, un lieu ou un événement n’est que pure coïncidence.
A la naissance, on pleure et tout le monde autour s’en réjouit ; à la mort, l’idéal serait de faire pleurer le monde et de s’en réjouir dans la tombe. Sagesse africaine.
Depuis bientôt deux ans, Ndumbélaan s’est choisi volontairement un roi. Ce roi s’est appuyé sur des courtisans (aujourd’hui relégués au second plan, en marge du pouvoir) qui lui ont prêté leurs moyens financiers et matériels, leur légitimité administrative, leurs voix pour accéder au trône. Il sortait tout juste de ndungsiin° et atterrissait sur le trône sans rien comprendre à ce qui lui arrivait subitement (ma xazaa -c’est quoi ceci en arabe-, se demandait-il partout où il se faisait applaudir).
Ce roi est un taciturne né : il donne l’impression de ne pas exister, mais au fond, il fait et dit des choses en secret. Il a une main de fer dans des gants de velours et puis, on sait de lui que «bu mattee, xamul yabbi». Ce qui irrita fort son vizir, le vizir qu’il s’est choisi parce qu’ils ont conquis ensemble le monde, leur monde ; un monde séduit par le slogan inextricable (pour une tête qui raisonne juste) : «Buur mooy Jaraaf ; Jaraaf mooy Buur.»
Si le roi a des courtisans sans relief aucun, le vizir, lui, s’appuie sur une armada de partisans zélés, la bave à la bouche, prêts à mordre tels des bulldogs affamés par une longue disette. Le vizir (et ses fidèles qui l’idolâtrent à la limite du blasphème) pense que seule sa popularité, son aura et son rayonnement sont à la base du couronnement du roi : sans sa notoriété, le roi ne régnerait même pas sur les modiques cases de sa concession familiale.
Le vizir est donc aussi puissant que Hamaan° sous le règne de Firaouna° dans l’Egypte antique. En vérité, ce vizir (que le roi veut volontiers fort et grand, il est autorisé même à lorgner le trône) ne porte pas aujourd’hui la couronne parce la justice alambiquée, corrompue et inféodée à l’ancienne dynastie, l’a traitreusement empêché. Pour une langue qui a simplement fourchu (sur une information donnée aux adeptes inconditionnels sur un détournement de fonds supposé) et une toute petite faiblesse de la chair (par analogie ou par métaphore, que le premier coq qui n’eut jamais picoré une succulente graine perdue lui lance son cocorico), la justice scélérate de la dynastie déchue lui a obstrué malhonnêtement la voie vers ce succès, vers le triomphe total.
Ce vizir, aigri jusqu’à la moelle des os, irrité par la posture désinvolte du roi (à l’égard de sa défense dit-il contre les crocs acérés de ses pourfendeurs au quotidien) finit -devant ses affidés exaltés par sa sainteté immaculée comme jamais et par infaillibilité légendaire dans le geste comme dans le verbe- par accuser le roi d’un manque d’autorité notoire. Il réclame à la fin qu’on le laisse gouverner. Un éminent membre de l’assemblée du trône enseigna dans la foulée -pour ceux qui l’ignorent encore- que le roi n’est que légal, mais que la légitimité véritable est au vizir. Sacré Ndumbélaan !
Le tollé qui suivit les lamentations du vizir eut à la fin raison de la « résistance» du roi : il lui céda une partie non négligeable de ses attributions constitutionnelles : les cabinets royaux de la justice et de la sécurité intérieure. Notre vizir peut maintenant dérouler, même s’il sait -nous dit-il- pourquoi le Seigneur des deux mondes «defu ko muy» le guide suprême du royaume.
Depuis, toute la cour, les membres, les dignitaires et les sympathisants de la dynastie déchue ne peuvent plus passer par l’aéroport international ; tous ceux qui ont une voix contraire aux sirènes de ses «fatwa» infaillibles sont effacés. Les maisons de presse (jugées ennemies) sont étouffées, les «mauvais» magistrats jetés au loin et les autres ridiculisés à tout vent. Mieux, tout individu qui a eu une seule fois, dans le passé, une embrouille avec le grand vizir, voit les portes de ndungsiin° s’ouvrir à lui.
Des dossiers sans fondements juridiques réels sont créés pour embastiller les dignitaires de l’ancienne dynastie ; les hommes d’affaires rattrapés par des rapports préfabriqués à dessein. C’est comme si à Ndumbélaan, il est maintenant un crime odieux d’être un homme riche. A l’exception des nouveaux dirigeants et de leurs affidés, tous les ndoumbélaniens doivent tendre la main pour survivre ; c’est la démocratisation du paupérisme exténuant et de la pauvreté suffocante.
Mon professeur de philosophie, dans les années quatre-vingts, dans une discussion sur la dictature en Ouganda de Idi Amin Dada (de 1971 à 1979), m’apprenait que pour régner de manière absolue, le tyran s’appuie sur trois leviers infaillibles : affamer son peuple (la marmite à bouillir affole actuellement), crétiniser le peuple (désinformation crescendo par la manipulation et la peur, abrutir le système éducatif) et rendre malade son peuple (désarticuler le système sanitaire). Voila comment naissent les Etats-policiers comme aujourd’hui à Ndumbélaan°.
Dans un Etat-policier, on poursuit et on emprisonne les uns et les autres par simple vue de l’esprit (des dignitaires accusés avec fracas par des propagandistes éhontés sont aujourd’hui libérés tout bonnement, des hommes de valeurs obligés d’aller chercher secours en dehors des frontières, des chroniqueurs mis sous les verrous pour leur liberté de ton). Le plus grave encore, c’est le manque de confiance des capitaines d’industrie qui délocalisent promptement, des investisseurs qui s’éloignent au plus vite et des citoyens qui retournent au nafa° traditionnel au détriment de la bancarisation de leurs avoirs.
Cette érosion progressive des libertés, cet essai inlassable de contrôler les médias et l’information, la criminalisation de l’espace et du climat des affaires, la répression des opposants montrent que Ndumbélaan° entre progressivement, mais subtilement, dans le processus de sa transformation systémique et systématique ; il entre dans la sphère maléfique des pays autoritaires.
Beaucoup de ndumbelaniens° ont conscience du danger qui les guette et deviennent de plus en plus critiques. En emprisonner un, c’est ouvrir la voix à mille autres. Des Bachir, des Madiambal, des Nguer, des Gadiaga, il en existera toujours des milliers et des milliers.
Revenons à Goebbels Joseph (criminel nazi parmi les plus sanguinaires) qui prophétisait, comme s’il parlait à lui-même et à ceux qui veulent lui emboiter le pas : «Il viendra un jour où tous les mensonges s’effondreront sous leur propre poids, et la vérité triomphera à nouveau.»
Vivement ce beau jour !
Amadou FALL
Inspecteur de l’enseignement à la retraite à Guinguinéo
zemaria64@yahoo.fr