Même si au cours des dernières années, des efforts en matière d’enquêtes et de poursuites des crimes internationaux au niveau national ou en Afrique de l’Ouest ont été faits, la culture de l’impunité est toujours très prégnante sur le continent. Les différents acteurs de la chaîne judiciaire plaident le renforcement des institutions judiciaires nationales car, selon eux, la justice internationale, comme la Cpi, intervient seulement si les juridictions internes ne font pas le travail.Par Ousmane SOW –
«On note de nombreuses violations des droits humains, de nombreux crimes internationaux dans toute l’Afrique de l’Ouest, notamment en Côte d’Ivoire, au Liberia, en Gambie, au Mali… Et la réponse donnée par les juridictions internationales ne suffit pas.» C’est une révélation de Margaux Wipf, la coordonnatrice principale du Programme pour la promotion de l’Etat de droit en Afrique subsaharienne, à l’occasion du colloque international portant sur la Justice pour les crimes internationaux : enjeux et stratégies en Afrique de l’Ouest et ailleurs. Cette conférence réunissait les acteurs nationaux et internationaux pour se pencher sur la lutte contre l’impunité dont jouissent les auteurs de ces crimes. Ce dialogue entre acteurs permet de trouver des synergies meilleures pour la mise en place d’une justice internationale d’un côté, et le renforcement de la justice nationale de l’autre côté.
Institutions judiciaires nationales fortes
Jusqu’ici, la Cour pénale internationale semble avoir un succès mitigé et continue à provoquer des réactions outrées en Afrique, le continent qui compte le plus de dirigeants poursuivis par l’institution installée à La Haye. Malgré l’existence de ces outils de répression, les enquêtes et les poursuites des crimes contre l’humanité, génocide, crimes de guerre et les efforts notés durant ces dernières années, il reste encore un défi à relever, a souligné Aissé Gassama Tall, Secrétaire générale du ministère de la Justice. E lle insiste sur la promotion d’institutions judiciaires nationales fortes pour mettre fin à l’impunité. Elle déclare : «Les Etats devraient jouer pleinement leur rôle pour que la justice soit rendue par les Africains pour les crimes qui sont commis sur leur territoire, fussent-ils des crimes internationaux. Nous devrons également offrir un système judiciaire performant, à même de répondre aux exigences des instruments internationaux en matière de procès équitable. C’est seulement à ce prix que nous pourrons, urbi et orbi, clamer haut et fort la justice nationale pour les crimes internationaux en Afrique de l’Ouest et au-delà.»
Aujourd’hui, l’ex-Agent judiciaire de l’Etat est convaincu que la lutte contre l’impunité passe «inéluctablement» par un renforcement des institutions judiciaires nationales pour traiter des questions de crimes internationaux. «La Cpi ne peut enquêter et poursuivre des crimes internationaux que lorsque le manque de volonté ou l’incapacité d’un État est manifeste. Il apparaît clairement qu’en signant le Statut de Rome, la communauté internationale, y compris les États africains, notamment ceux de l’Afrique de l’Ouest, ont fait le choix de la primauté des juridictions nationales. Ce choix doit être vigoureusement assumé et ne devrait point se réduire en peau de chagrin ou être simplement analysé bon gré mal gré, comme un instinct mal placé de conservation du principe de la souveraineté des États», a-t-elle déclaré.
Aujourd’hui, la Cpi est très active en Afrique de l’Ouest, avec le Mali et la Côte d’Ivoire qui font l’objet d’enquêtes, alors qu’un examen préliminaire est en cours en Guinée et qu’un autre s’est achevé au Nigeria. Autant de dossiers qui montrent que les systèmes judiciaires nationaux ne fonctionnent pas correctement. «Toutes ces affaires en cours sont des exemples symptomatiques de la vulnérabilité de nos systèmes judiciaires ou des difficultés que rencontrent nos États pour prendre en charge convenablement des problématiques inhérentes aux violations graves du droit humanitaire», regrette Mme Gassama. Une idée que partage Serge Brammertz, Secrétaire général adjoint des Nations Unies : « Il y a des juridictions internationales qui font un travail important. Mais les juridictions nationales ont un rôle très important à jouer. Donc, je pense que la justice sera toujours mieux rendue auprès des communautés affectées. Alors, je suis absolument en faveur des solutions nationales.» Serge Brammertz enchaîne : «La justice internationale intervient seulement, quand la justice nationale ne fait pas son travail.»
Stagiaire