Le Directeur-fondateur de l’Association Mémoires et partages ne décolère pas contre la manière dont les autorités de l’Etat se sont comportées face au massacre qui vient d’avoir lieu en Casamance. Il fustige aussi bien Macky Sall qui ne s’est pas rendu auprès des familles éprouvées, Aly Ngouille Ndiaye qui s’est vanté de l’argent remis aux familles, et Youssou Ndour, ministre-conseiller, qui n’a pas jugé bon de renoncer à son concert du Cices le samedi dernier.

Les réactions à la suite du massacre de Bofa ne cessent de tomber. L’une de toutes dernières qui nous est parvenue est celle de Karfa Diallo, Sénégalais établi à Bordeaux, en France, et fondateur-Directeur de Mémoires et partages, fortement impliqué dans la lutte pour les réparations dues à l’esclavage, entre autres. M. Diallo s’est offusqué de la gestion par les autorités sénégalaises des suites de cette tragédie.
Il a estimé que le chef de l’Etat, Macky Sall, a manqué à tous ses devoirs envers la Nation sénégalaise, en ne se rendant pas en personne, toutes affaires cessantes, auprès des familles des victimes, et au chevet des blessés du massacre de la forêt de Bofa. «Le seul fait que le Président ne se soit pas rendu dans cette forêt, et surtout auprès des familles, est pour moi un signe qu’il n’a pas assumé ses responsabilités en tant que chef de l’Etat.» Et M. Diallo rappelle qu’il y a à peine deux ans, en janvier 2015, Macky Sall s’était empressé d’aller à Paris rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo. «Au­jourd’hui, il n’a pas jugé bon de se déplacer pour des gens tombés dans son propre pays», se désole-t-il. Mais le pire pour M. Diallo est que la première réaction de l’envoyé du chef de l’Etat, le ministre de l’Intérieur, qui a été d’annoncer une remise d’argent aux familles, est encore plus choquante. «C’est comme si on voulait ramener toute cette tragédie à des questions d’argent. C’est comme si, une fois de plus, on avait voulu acheter la paix avec de l’argent, comme on a eu à faire pendant des longues années, sans résultat.»
Et parlant d’argent, ce qui a le plus offusqué encore Karfa Diallo est le fait que Youssou Ndour n’a pas jugé bon d’annuler son concert au Cices. Et l’homme qui revendique ses origines de Bignona de poser la question qui fâche : «Si ce massacre avait eu lieu à Dakar, Youssou Ndour aurait-il maintenu son concert ?» La question se justifie à ses yeux par les fonctions étatiques qu’occupe M. Ndour. «Même si c’est de manière symbolique, Youssou Ndour occupe des fonctions gouvernementales, et il est rémunéré avec les deniers de l’Etat. Cela aurait été un autre artiste, comme Baba Maal, Omar Pène ou n’importe qui, et qui n’annulerait pas son concert, ce serait grave. Mais ici, le fait que nous ayons affaire à quelqu’un qui, en plus, a une représentation officielle, montre que la place de Youssou Ndour n’est pas dans le gouvernement, et il ne doit plus continuer à bénéficier des privilèges de l’Etat. Il serait temps que le Président Macky Sall le décharge de ses fonctions pour qu’il aille faire ce qui lui plaît le plus.»
Même le fait d’avoir décrété le deuil national ne trouve pas grâce aux yeux de Karfa Diallo. Pour lui, cette action est venue tard et a été noyée par l’absence du chef de l’Etat auprès des familles des victimes, et plus encore, par le concert de Youssou Ndour «dans l’indifférence générale. C’est comme si, dans ce pays, on s’est habitué à trouver normal qu’il y ait des morts en Casamance. On n’a pas pris conscience des enjeux de la paix qui demande une présence, un sacrifice de tous et surtout des autorités de l’Etat».
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