L’exposition itinérante «Le savoir fer des ingénieurs fondateurs du Bélédougou ancien» a démarré ce week-end dans la région de Kédougou. Des vestiges liés à la sidérurgie ancienne et datant du 9ème siècle avant Jésus Christ environ ont été identifiés dans le périmètre minier de Sabodala gold operation (Sgo), une filiale du groupe Endeavour mining qui est à Massawa (Kédougou). Les prospections et les fouilles qui ont été menées par des archéologues de l’Unité de recherche en ingénierie culturelle (Urica/Ifan-Ethos) ont permis des découvertes qui renvoient au balbutiement d’une véritable industrie sidérurgique fondée sur des savoirs endogènes.Par Ibrahima Diabakhaté

– L’exposition itinérante Le savoir-fer des ingénieurs fondateurs du Bélédougou ancien ira à la rencontre des communautés locales pour dialoguer avec elles sur ces pans importants de notre passé aujourd’hui en déliquescence. L’ex­position accordera toutefois un intérêt particulier au public scolaire. «Nous sommes à Kédougou aujourd’hui pour partager les résultats des travaux récemment effectués dans la zone de Massawa. Ces résultats, bien entendu, c’est une portion infime des nombreux résultats d’études en tous genres menées dans la région. Mais cette initiative est heureuse parce qu’elle est nouvelle et ce que nous partageons, c’est un savoir-faire, un savoir penser, un savoir être et un savoir vivre qu’on a commencé de perdre depuis plusieurs années. Et pour nous, il est important de décentraliser ces savoirs qui, le plus souvent, lorsqu’ils sont collectés, sont amenés à Dakar. On fait les expositions là-bas alors que les communautés n’y ont pas accès», a expliqué le Professeur Ibrahima Thiaw de l’Urica/Ifan. L’exposition est le résultat d’une collaboration puisque c’est en effectuant des travaux que la Sgo a découvert la présence d’un patrimoine sidérurgique très ancien à Massawa. La société minière fera alors appel au Pr Thiaw dont les fouilles ont permis de mettre à jour des objets qui témoignent d’une présence ancienne d’une technologie de sidérurgie complexe. Pour permettre aux populations de découvrir ce patrimoine, un bus va donc sillonner la région à la rencontre des communautés scolaire et estudiantine pour exposer les trouvailles de l’équipe d’archéologues. «Au niveau national, il y a eu des efforts pour développer l’enseignement de la science, de la technologie et de l’ingénierie. Nous pensons que ces savoirs sont enseignés dans nos écoles de manière trop souvent extravertie. On va chercher les supports ailleurs, alors que le plus souvent nous piétinons des savoirs extraordinaires relevant de l’ingénierie de nos ancêtres. J’aime bien rappeler que dans le monde global où nous nous trouvons, si vous allez les mains vides, c’est le patrimoine des autres que vous contribuez à développer. Pour participer pleinement à la société globale, il faut y aller avec son propre patrimoine. Ce patrimoine est notre chaire nourricière sans laquelle nous perdons notre identité. Par conséquent, il est important de partir de notre savoir-faire traditionnel et de notre savoir vivre et savoir penser pour bâtir un avenir meilleur qui tient compte de nos réalités. C’est tout l’esprit de cette exposition pour rencontrer les communautés de Massawa, de la communauté scolaire et estudiantine et revoir le curricula», a rappelé le Professeur Ibrahima Thiaw.

Un patrimoine raconté aux populations
Le vernissage a été présidé par le gouverneur de la région de Kédougou qui a salué cette belle initiative de l’exposition itinérante. «En réalité, il s’agit de montrer aux populations de Kédougou le patrimoine qui existe chez eux et que nous avons ignoré pendant longtemps. Cette découverte est une infime partie de ce qui existe comme patrimoine à Kédou­gou. Cela prouve la richesse de la région en termes de patrimoine culturel. Si on se limite à la ressource naturelle, nous avons des ressources naturelles qui sont épuisables. L’or va finir bientôt, mais le patrimoine culturel va rester. Il est bon que nous partagions ce patrimoine», a dit Saër Ndao, gouverneur de la région de Kédou­gou. Il a demandé aux populations de Kédougou de préserver ce patrimoine. «Pour amorcer une leçon sur l’âge des métaux avec un enfant de Kédougou, il est bon de le renvoyer à son milieu naturel. Le patrimoine est très important et nous devons faire en sorte qu’il nous accompagne dans l’acquisition des connaissances. Nous voulons promouvoir l’apprentissage des sciences et effectivement, parmi nos ancêtres, il y avait des ingénieurs et des techniciens, mais on ne les connaît pas. Certains n’ont jamais pensé que le fer, la sidérurgie étaient là à côté à Massawa. Aujourd’hui grâce à l’expertise sénégalaise avec le Professeur et son équipe, on a pu comprendre qu’à Massawa, on a un patrimoine immense», souligne le gouverneur Ndao. «Au-delà des élèves, il faut aller vers les enseignants et les outiller. Un enfant de Kédou­gou, vous lui parlez du Bélédougou, il va vous écouter. Vous lui parlez de Massawa, il va vous écouter. Mais si vous le renvoyez à l’Europe du sud ou de l’est, vous le déconnectez de la matière.»
Selon les chercheurs, le patrimoine nous rattache à notre passé, notre identité et à notre commun vouloir de vivre ensemble, mais aussi à notre devenir, «d’où nous venons, qui nous sommes, ce qui nous lie», indiquent-il en soulignant que l’on est dans l’erreur en pensant que la préservation et la valorisation de notre patrimoine ne sont pas compatibles avec le développement économique ou l’essor scientifique et technique.
Correspondant