Elle n’est ni intellectuelle ni politique mais Korka Diaw est certainement aujourd’hui l’une des femmes les plus influentes du Nord et même de notre pays. Née en octobre 1958 à Richard Toll, Korka, comme on l’appelle, a quitté l’école en classe de Cm2 avant d’être donnée en mariage.
C’est un exemple de persévérance. A l’opposé de ses camarades, elle a vaincu la fatalité qui les condamnait à devenir des ménagères. Korka Diaw est une héroïne à Richard-Toll. Elle a débuté sa riche carrière dans les affaires par un maigre capital : avec 10 mille F Cfa, elle s’engage en 1976 dans la vente de la friperie, puis avec ses économies elle se paie un réfrigérateur et emploie trois personnes pour la vente de crème glacée. Quelques années après, Korka Diaw décida de s’essayer au tissage et à la vente de tissus. Elle emploie des tisserands venus de la Casamance et du Fouta pour la confection de pagnes Mandjack écoulés à Richard Toll, à Dakar et en Mauritanie. Ses économies devenues plus consistantes, Korka voit ensuite grand. Elle ouvre une boutique pour la vente de divers objets dont des ustensiles de cuisine, des matelas et des tissus. L’appétit venant en mangeant, elle décide de se lancer dans l’agriculture sans même en maîtriser les techniques les plus élémentaires. Elle s’en ouvre à un de ses amis, feu Ndarao Diagne, qui lui prête 1 ha et demi. Une surface qu’elle exploite avec beaucoup de difficultés mais avec de très bons rendements qui ont fait de cette activité une expérience bien concluante. Elle décida alors de ne pas s’arrêter, elle prit l’option de donner à son activité agricole une dimension beaucoup plus grande. Pour relever ce défi, elle sollicite des terres de l’ancienne communauté rurale de Ronkh. Le Pcr de l’époque lui octroie 30 ha qui malheureusement ne lui serviront pas à grand-chose car lui permettant seulement de s’adonner à la culture maraîchère alors que son objectif principal était de produire du riz. Déçue mais loin de lâcher prise, Mme Diaw introduit une nouvelle demande et obtint une nouvelle fois 30 ha mais cette fois-ci pour cultiver du riz. Quelques années après, l’exploitation sera agrandie avec une nouvelle acquisition de 150 ha.
Disposant d’assez de terres pour mener à bien l’activité de ses rêves, elle se heurte cependant aux problèmes de moyens, obligée de faire des kilomètres à pied pour s’occuper de son activité, elle se heurte aussi à l’insuffisance de matériel agricole et à l’accès difficile au financement. Les difficultés s’accumulent d’ailleurs avec les pluies de contre saison de 2000 et 2002 qui frappent le Nord du pays. Comme beaucoup de producteurs, elle subit d’énormes pertes de production. Korka Diaw ne cède pas pour autant au découragement. Son courage et sa ténacité en bandoulière, elle relance ses activités de production et réussit à se faire une place dans le cercle restreint des grands producteurs de la vallée à la faveur des nombreux aménagements faits par le gouvernement, qui a équipé les producteurs.
Aujourd’hui, elle est une sucess story. Elle dispose d’un important parc de matériels agricoles composé entre autres d’une moissonneuse-batteuse d’une valeur de 100 millions F Cfa subventionnée par l’Etat et d’un tracteur dont le prix est estimé à plus de 40 millions. Comme toujours elle décide de s’essayer à autre chose. En effet, à côté de ses activités de production, elle se lance dans la transformation en ouvrant en 2008 une unité de transformation du riz Paddy. Là également les débuts sont difficiles, l’unité de transformation ne disposant pas de trieuse et de nettoyeuse, éléments indispensables, le riz produit est de piètre qualité.
Armée de sa ténacité, elle se dote des moyens d’acquérir une rizerie digne de ce nom d’une valeur de plus de 100 millions de F Cfa, qui lui permet de mettre sur le marché du riz de très bonne qualité. L’unité installée à Richard Toll, pour marquer son attachement à son terroir, produit plusieurs milliers de tonnes de riz blanc par année, écoulé sur le marché national. Toutes ces activités font de Korka Diaw une véritable chef d’entreprise. La production de riz lui permet en effet d’employer 38 personnes en permanence alors que pour la transformation, elle a engagé 28 personnes soit 60 emplois directs en plus des centaines de journaliers qui à chaque fois que le besoin se fait sentir sont engagés pour des tâches ponctuelles. Tous ces efforts ne sont pas restés vains car Korka Diaw est aujourd’hui devenue l’une des femmes les plus influentes du Nord et dans le milieu de la production et de la transformation du riz qui rythme désormais son quotidien. Cette reconnaissance, elle l’a aussi obtenue aussi auprès des autorités étatiques en gagnant le Grand prix du chef de l’état pour les femmes en 2008, un prix qu’elle avait reçu des mains du Président Abdoulaye Wade et pour avoir été élevée au grade de chevalier de l’Ordre national du mérite par le Président Macky Sall compte non tenu des nombreuses autres distinctions reçues des organisations paysannes nationales et internationales surtout à l’occasion des foires organisées hors du pays et auxquelles elle participe souvent. Cette réussite ne surprend guère car, se rappelle-t-elle, dans son enfance alors qu’elle était sans revenu, elle pêchait déjà de petits poissons dans le fleuve Sénégal pour les frire et les revendre dans la rue devant sa maison familiale. A l’occasion de la célébration de la journée du 8 mars dédiée aux femmes, Korka Diaw, comme elle en a l’habitude, porte le plaidoyer : elle invite le gouvernement à leur faciliter l’accès à des financements à long terme et à travailler pour l’amélioration des aménagements. Il pourrait contribuer à améliorer les conditions de vie des femmes paysannes qui ont besoin d’être soutenues.
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