La troisième guerre du Golfe, comme la fameuse «guerre de Troie, n’aura pas probablement lieu». La troisième guerre du Golfe entre les Etats-Unis et l’Iran ne va pas dépasser la phase du jeu d’échecs qui oppose les Américains et les Perses. Le Président Trump est un très mauvais joueur d’échecs parce qu’il est entouré de faucons, comme son conseiller à la Sécurité nationale John Bolton et le secrétaire d’Etat Mike Pompeo qui réduisent la politique américaine vis-à-vis de l’Iran à du ressentiment. Un ressentiment qui remonte à 1979, avec la prise d’otages des diplomates de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Quarante ans après, le ressentiment est encore tenace chez les faucons qui pensent que 40 ans après, les Ayatollahs doivent payer cette offense faite à la grande Amérique. A ce niveau de responsabilités, réduire une question aussi sérieuse que le nucléaire à du ressentiment est en soi un problème de sécurité nationale pour les Etats-Unis. Le manichéisme de Bolton face à l’Iran est aujourd’hui le premier problème de sécurité nationale pour les Etats-Unis et le monde. «Comment peut-on être persan ?», demandait Montesquieu de façon méprisante dans ses Lettres persanes, parce que pour lui, le Persan était l’incarnation de la différence, de l’altérité, pour ne pas dire du barbare. Bolton et Pompeo ont le même prisme et le même jugement que Montesquieu et se demandent comment peut-on vivre sous les mollahs. C’est pourquoi ils rêvent de changer le régime en Iran, mais font tout pour défendre le régime en Arabie Saoudite et en Egypte, alors que sur le plan des libertés, les Perses sont en avance sur ces deux alliés des Etats-Unis.
La guerre du Golfe n’aura pas lieu parce que si Pompeo et Bolton sont dans l’idéologie, Trump ne l’est pas. Il cherche un deal, un meilleur deal pour régler son obsession de dépasser Obama. Trump ne fera pas la guerre à l’Iran. Il veut, par la terreur, obliger les mollahs à aller à Canossa. Les mollahs qui sont de grands joueurs d’échecs ont compris sa stratégie. Le jeu d’échecs est un divertissement intellectuel qui demande beaucoup de patience. Ce que Trump n’a pas du tout. Bolton, Pompeo et les faucons rêvent d’une autre bataille de Salamine (victoire des Grecs sur les Perses qui, une fois, avaient incendié le Parthénon) pour laver l’affront de 1979. La bataille n’aura pas lieu, parce que même si nous avons l’impression d’assister à une sorte de bis repetita de la marche vers la deuxième guerre du Golfe qui avait entraîné la chute de Saddam, Trump ne va pas ouvrir la boîte de Pandore pour deux raisons. Premièrement, l’Iran n’est pas l’Irak (plusieurs communautés antagoniques où on peut avoir des alliés). L’Iran est un pays relativement homogène, qui n’est pas une création artificielle des accords de Sykes-Picot. Deuxièmement, l’Iran a des alliés dans la région, notamment en Syrie, au Yémen et au Liban. Une guerre contre l’Iran serait forcément une guerre régionale. En plus, une guerre contre l’Iran entraînerait une fermeture du Detroit d’Ormuz, avec une augmentation automatique du prix du baril, et Trump n’a pas envie d’un suicide électoral en engageant une guerre à quelques mois des élections. Comme il est peu probable qu’on ait encore une autre bataille de Salamine, le jeu d’échecs entre Trump et les Perses aboutira à d’autres noces de Suze (quand Alexandre le Grand, vainqueur des Perses, obligea ses généraux à épouser des femmes perses, car une fois à Babylone, il s’était rendu compte que les Perses n’étaient pas aussi barbares que son précepteur Aristote les décrivait). C’est une erreur fondamentale de réduire l’Iran aux Ayatollahs, dont la longue survie est en grande partie due à l’hostilité permanente des Etats-Unis. Ce qui était le cas de Cuba sous Castro.
«Paix impossible, guerre improbable», disait Raymond Aron de la guerre froide. Entre les Etats-Unis et l’Iran, la guerre est improbable, mais la paix est possible même si les deux pays jouent à se faire peur. Cette drôle de guerre entre les Etats-Unis et l’Iran ne fait que renforcer la plus grande menace pour les Etats-Unis, à savoir la Corée du Nord. Si Trump peut décider sur un coup de tête de déchirer l’accord international sur le nucléaire iranien, comment la dynastie des Kim de Corée du Nord peut-elle lui faire confiance ? D’où cette concomitance entre la drôle de guerre contre l’Iran et le rapprochement entre la Corée du Nord et la Chine, mais aussi entre la Corée du Nord et la Russie. Eh oui ! Quand on ne peut plus faire confiance au gendarme du monde, on trouve des alternatives pour se défendre.

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