Nous entrons dans un contexte de l’argent cher et rare. La Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a décidé, à travers son comité de politique monétaire, de relever son taux directeur, qui passe à 3, 25%. Le Gouverneur Kassy Brou, qui donnait cette information le mercredi 6 septembre dernier, a justifié la décision par la nécessité pour eux, de limiter les risques d’inflation. Le patron de la Banque centrale se félicite de la tendance baissière de l’inflation dans la région qui, selon lui, serait à 3, 4%, donc pas loin de l’objectif régional, qui se situe entre 1 et 3%.

Mais des «risques», notamment exogènes, qui existent, et menaceraient de peser sur l’économie, ont poussé à relever le taux d’inflation. En d’autres termes, la «persistance des tensions inflationnistes, le renchérissement des conditions financières sur les marchés internationaux», ou bien le fait que nous soyons importateurs nets des produits que nous consommons, comme le pétrole ou certaines denrées de consommation courante, ont poussé notre Banque centrale à nous priver d’argent, pour nous contraindre à consommer moins, donc à dépenser moins.

Cette logique de privation ne semble pas être porteuse de développement. La Banque centrale ne semble pas se préoccuper des impacts qu’aura sa décision sur les taux des crédits pour les Petites et moyennes entreprises, ainsi que pour les ménages. Puisque nous sommes obligés d’importer des produits pétroliers, que la situation politique internationale induit une hausse des prix du baril, ainsi qu’une augmentation des prix des produits comme le riz ou le lait, les esprits savants de notre Banque centrale ont trouvé la solution pour éviter la hausse des prix : il suffit de rendre l’accès au crédit si cher que les consommateurs décident de s’en passer.

On comprend que dans ces conditions, il y ait plein d’économistes qui nous expliquent que le franc Cfa n’est pas une monnaie de développement. Notre banque ne devrait-elle avoir pour mission principale que la lutte contre l’inflation ? A quoi me servirait-il d’avoir des produits à bas prix si je n’ai pas les ressources financières suffisantes pour m’en procurer ? Quand pourrions-nous entamer le tournant d’une production endogène si les entrepreneurs locaux n’ont pas accès à des crédits à taux supportables ? Les banquiers centraux se sont félicités des performances réalisées dans la sous-région, qui se traduisent par un taux de croissance moyen de plus de 5%. Ils indiquent des crédits à l’économie de l’ordre de 16%.

Si l’on en juge par les déficits budgétaires affichés par les gouvernements de la sous-région, et par les difficultés des populations à obtenir des denrées de première nécessité à moindre coût, on peut se demander où nous mène la politique monétaire conduite par la Bceao. On ne peut pas reproduire comme un calque les politiques menées par des pays ou des régions dont les cadres macroéconomiques sont plus solides que les nôtres. La France, l’Angleterre ou les Etats-Unis d’Amérique peuvent se permettre de mettre en place des politiques de lutte contre l’inflation et s’en sortir. D’abord, ces pays ont une structure agro-économique qui leur permet d’assurer le minimum à leur population. De plus, même quand le taux d’intérêt est fort, leurs entreprises s’endettent dans leur propre monnaie, et à des taux moins rébarbatifs. Ces deux choses font défaut à la zone Uemoa. Alors, les dirigeants de la Banque centrale devraient nous expliquer, quand le crédit cher étouffe l’économie dans nos régions, qui en profite ?

Par Mohamed GUEYE / mgueye@lequotidien.sn