Les liaisons dangereuses d’Ousmane Sonko avec le Mfdc
Tout le monde s’était senti préoccupé, inquiet et révolté par l’assassinat de quatre soldats et la prise d’otage, depuis le 24 janvier 2022, de sept autres militaires sénégalais en mission en Gambie, par des rebelles du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (Mfdc). Une seule voix a manqué à ce concert de désapprobation ou de condamnation de cet acte ignoble posé et revendiqué par le chef rebelle Salif Sadio : c’est celle d’Ousmane Sonko, le nouveau maire de Ziguinchor. Son silence était très audible d’autant qu’Ousmane Sonko avait habitué son monde à toujours parler comme le Mfdc, et il a même pu se poser en donneur d’ordres aux combattants du Mfdc. Est-il besoin de rappeler ses injonctions publiques aux combattants du Mfdc à déposer les armes au lendemain de sa propre libération en mars 2021, après que des hordes de manifestants eurent fini de semer le désordre dans de nombreuses villes du Sénégal et principalement à Dakar, cherchant ainsi à empêcher la comparution du leader de Pastef devant la Justice pour une affaire de viol dont l’accuse la dame Adji Sarr ? Nous avions souligné dans ces colonnes, avec des éléments factuels précis, l’implication de rebelles, convoyés à Dakar depuis la Gambie, dans les casses et tueries des 6, 7 et 8 mars 2021. Relisez les bonnes vérités de la chronique du 22 mars 2021 : «Pour l’honneur d’un fils de Casamance». Par la suite, Ousmane Sonko avait poursuivi sur le registre des déclarations qui épousaient les thèses du Mfdc. On croyait que la coupe était pleine quand il préconisait, avant même d’être élu à la tête de la Mairie de Ziguinchor, de battre une monnaie locale pour la Casamance. Cette annonce reprenait un vieux projet du Mfdc, comme nous le soulignions dans un texte en date du 3 janvier 2022 intitulé «Abbé Diamacoune n’a jamais parlé comme Ousmane Sonko l’a osé !».
C’est dire que l’attaque perpétrée par des éléments du Mfdc contre un convoi de l’Armée sénégalaise ne pouvait déranger Ousmane Sonko. Nous le savions si bien que nous l’avions interpelé dans ces colonnes en lui déniant tout droit au silence dans cette histoire et que c’était pour lui l’occasion de parler du cancer que constitue le Mfdc pour le Sénégal ou de se taire à jamais (Voir chronique du 31 janvier 2022). C’était sans doute trop lui demander car jamais personne n’a entendu Ousmane Sonko condamner ou se démarquer du Mfdc. Il reste qu’il n’y a pas au Sénégal ou encore dans la région naturelle de Casamance, un responsable politique, une voix qui compte, autre qu’Ousmane Sonko, qui n’ait pas daigné condamner le dernier coup de Salif Sadio et exiger la libération des otages. Tout le monde en a sans doute conscience : si la paix est revenue dans cette région meurtrie par quarante années de guerre et d’insécurité, pour que des caravanes politiques puissent battre campagne tranquillement dans certaines localités, c’est justement grâce aux douloureux sacrifices de l’Armée nationale.
Et puis, qui va nous expliquer comment on peut aspirer à la fonction de Chef de l’État, avec ses attributs de Chef suprême des Armées et garant de l’intégrité nationale, et montrer une telle désinvolture devant la situation la plus dramatique vécue par l’Armée sénégalaise depuis le massacre de Mandina Mancagne du 19 août 1997, un autre triste jour où le Mfdc avait tendu un guet-apens pour décimer une colonne militaire ? Ousmane Sonko sait pourquoi il n’a pas osé fustiger le Mfdc. Il n’a même pas daigné se féliciter, comme tous les autres citoyens sénégalais épris de paix et de concorde nationale, de la libération des militaires qui étaient gardés en otages. Tout semble lui être interdit face au Mfdc. Et pour cause ! Pourtant Ousmane Sonko clamait urbi et orbi qu’il détient les clefs pour le retour d’une paix définitive en Casamance. Quel cynisme que de laisser alors le Sénégal s’empêtrer dans cette guerre fratricide !

Ousmane Sonko dans le collimateur de Salif Sadio
Le nouveau Maire de Ziguinchor en est arrivé à parler comme les principaux responsables du Mfdc, avec une tendance manifeste à éviter de prononcer le nom du Sénégal et de ne parler que de la Casamance qui se trouverait être une entité plus ou moins autonome en Afrique. Le premier acte du nouveau maire de Ziguinchor, portant baptême de rues et places publiques, en a été une bonne illustration. Ousmane Sonko a choisi de baptiser la rue du capitaine Javelier du nom de rue du Tirailleur africain, essayant ainsi de travestir l’histoire, car il doit avoir appris dans tous les manuels d’histoire que les tirailleurs engagés aux côtés de l’Armée française portaient le nom de Tirailleurs sénégalais (D’ailleurs le maire semble ignorer qu’il ne pourrait baptiser des rues classées dans la voirie d’État sans l’autorisation des services compétents de l’État du Sénégal, mais c’est une autre histoire !)
En effet, Ousmane Sonko ne voudrait point, Il faut bien le dire, effaroucher le Mfdc. Il n’est pas libre de ses faits et gestes sur les affaires concernant le Mfdc. Il a sans doute fait comme la plupart des hommes politiques de la région de Ziguinchor, en cherchant de solides alliances dans les milieux favorables au Mfdc. «Chaque responsable politique de la Casamance a ses rebelles», pestait Balla Moussa Daffé de Sédhiou. Ousmane Sonko s’est inscrit dans cette dynamique et a choisi d’avoir ses accointances avec César Atoute Badiate, l’un des chefs de factions du Mfdc. Cette relation a provoqué l’ire de Salif Sadio qui voue une adversité morbide à César Atoute Badiate, chef de ce qui est appelé Front Sud du Mfdc, qui sévit à la frontière du Sénégal avec la Guinée Bissau, tandis que Salif Sadio règne sur le Front Nord, c’est-à-dire à la lisière de la frontière gambienne. La rivalité entre les deux chefs de guerre a culminé avec notamment l’attaque de la nuit du 28 décembre 2000, à l’issue de laquelle César Atoute Badiate a chassé Salif Sadio de sa base de Kassolol. En 2006, avec l’aide de militaires bissau-guinéens du temps du régime de Nino Vieira, César Atoute Badiate a chassé Salif Sadio du front Sud pour en devenir le «maître». Salif Sadio rumine son désir de vengeance et a bien clairement fait savoir à Ousmane Sonko que «l’ami de son ennemi est son ennemi». Salif Sadio a menacé Ousmane Sonko de lui faire sa peau.

Macky Sall a le devoir de s’occuper de Salif Sadio
Il n’en demeure pas moins que le dernier bras d’honneur de Salif Sadio à l’endroit du Sénégal ne doit pas rester impuni. L’Armée nationale a été humiliée et il est fort regrettable que les médias sénégalais aient participé à cette sordide opération d’humiliation de nos soldats. Le traitement dégradant qui leur a été réservé devant les caméras de télévision le 14 février 2022, jour de leur libération, est inacceptable. En montrant ces soldats pris en otage, agenouillés et entravés, les médias ont fait le jeu de l’ennemi. Si nous pouvons jouir de nos espaces de liberté et profiter de ce climat et cette ambiance de paix et de sécurité, nous le devons aux militaires et autres forces de défense et de sécurité qui montent la garde, veillent pendant que nous dormons. Nous leur devons soutien et assistance pour vaincre toute velléité de saper l’unité nationale. Diantre, a-t-on jamais vu des médias soucieux de patriotisme et de l’intégrité de leur territoire national montrer des soldats humiliés de la sorte ? Qui a déjà vu des télévisions françaises ou américaines par exemple, quelles que soient leurs lignes éditoriales ou leurs obédiences, montrer des actes d’humiliation de leurs propres militaires ? Nous jouons avec le feu, quand on sait qu’au Mali et au Burkina Faso voisins, des militaires avaient pris prétexte de gestes d’humiliation des troupes militaires et d’une prétendue absence de soutien de la classe politique pour perpétrer des putschs dont les conséquences vont fatalement enfoncer ces pays dans la tragédie.
Salif Sadio pouvait afficher un sourire satisfait, mais force est de dire qu’il devra payer chèrement cet esclandre. Le Sénégal doit se donner les moyens de s’occuper de lui. Nous en revenons à notre supplique du 8 janvier 2018 après le massacre de 14 civils innocents à Boffa Bayotte dans la banlieue de. Ziguinchor : «Le temps d’en finir définitivement avec le Mfdc». Assurément, nous disions que «l’Etat du Sénégal a fait toutes les concessions imaginables dans ce conflit. L’Armée nationale et les autres forces de sécurité ont essayé de jouer leur partition de sauvegarder l’intégrité du territoire national. Malheureusement, chaque fois que les rebelles du Mfdc sont pris en étau et sont lourdement affaiblis, ils trouvent des faiseurs de paix pour engager des négociations. En conséquence, l’étau se desserre et cela permet aux rebelles de reprendre des forces. Surtout que les négociations de paix sont accompagnées d’un volet de distribution d’argent qui permet aux rebelles de se refaire ainsi une santé, de panser les blessures et peut-être même d’acheter de nouvelles armes avec l’argent fourni par le gouvernement du Sénégal. Trop de personnes vivent de cette guerre ! Cette politique n’a que trop duré. Que l’Etat du Sénégal nous dise s’il a bien les moyens de régler ce conflit et ne plus laisser des citoyens sénégalais exposés à des battues lâches du genre. Personne ne se trouve en sécurité en Casamance. Des coupeurs de route peuvent surgir de n’importe quel buisson pour attaquer. Des voyageurs ou des paisibles agriculteurs ou éleveurs sont attaqués et dépossédés de leurs biens et même tués. Cette situation d’insécurité ne saurait encore être acceptable.
Il urge donc de prendre toutes les mesures nécessaires pour traquer ces bandits qui, il faut le dire, ne sont point mus par un élan de combat patriotique, mais plutôt sont des brigands qui cherchent à exercer une terreur pour continuer à rançonner l’Etat du Sénégal. L’Armée sénégalaise qui a été dotée ces dernières années d’une puissance de feu qui devrait l’autoriser à expurger les rebelles de leurs dernières caches doit être lancée, sans répit, aux trousses des agresseurs. Il ne doit plus rester un centimètre carré du territoire national qui servirait de sanctuaire à des groupes rebelles armés. Les cantonnements rebelles doivent tous être éradiqués et leurs occupants rudement pourchassés. Le choix doit être clair pour tout le monde : c’est celui de quitter le maquis ou d’être traité comme un vulgaire terroriste et tueur. Le Sénégal est dans une situation de légitime défense face à des hordes qui assassinent et massacrent d’innocents citoyens. Il nous faut être clair. Le Sénégal ne doit continuer de souffrir de voir ses fils et filles tués sur son propre sol (…). Les rares moments où le Sénégal a pu vivre une période d’accalmie restent les rares fois où l’Armée sénégalaise n’avait pas lésiné sur les moyens et avait utilisé à volonté sa puissance de feu. (…) Il faudra rester sourd à des appels d’organisations dites humanitaires et qui interviennent à chaque fois que les rebelles du Mfdc sont en mauvaise posture. Un rapport de forces doit être imposé aux groupes rebelles, jusqu’à ce qu’ils acceptent un désarmement sans condition». Peut-être que si, il y a quatre ans, le Sénégal s’était occupé de Salif Sadio, on n’en serait pas aujourd’hui à déplorer cette attaque du 24 janvier 2022, à partir de la Gambie, contre des militaires sénégalais. Un État qui se respecte doit pouvoir mettre hors d’état de nuire ses ennemis publics intérieurs, qui prennent des armes de guerre contre la Nation. Cette prise de position nous avait valu d’être qualifiés de «chiens de guerre» par d’éminents «cadres casamançais» dont le jeu trouble vis-à-vis de la rébellion a toujours été sujet à caution. Au demeurant, cette conviction forte, je la porte en bandoulière et d’ailleurs en 2009, je m’en étais ouvert directement au Père Don Angelo, un des principaux responsables de la Communauté Sant‘ Egidio qui joue au faiseur de paix entre Salif Sadio et le gouvernement du Sénégal. Cette congrégation religieuse a encore joué aux bons offices pour la libération des militaires otages de Salif Sadio.