De sa naissance approximative en 510 jusqu’à sa mort en 632, le Prophète de l’islam n’eut cesse de travailler pour parfaire son caractère et celui de toute l’humanité pour laquelle il fut envoyé. Par le truchement des hadiths rapportés et par Al-bukhârî dans «Al-adab Al-mufrad» (273) et Ahmad Ibn Hanbal dans le «Musnad» (2/381), le Prophète Mouhammad (Psl) déclara : «J’ai été envoyé pour parfaire la noblesse du comportement.»

D’Indonésie jusqu’au Sénégal, en passant par les coins les plus reculés du monde, l’ombre de l’homme plane dans les cœurs de musulmans et de non-musulmans, la seule invocation de son nom suscite l’amour sublime et le respect révérenciel sur dose d’une grande charge émotionnelle qui échappe à tout entendement humain. Et même mort, l’homme continue jusqu’aujourd’hui de subir les invectives les plus acerbes, les calomnies les plus viles, pour avoir simplement prêché les articles de la foi et l’adoration exclusive de Dieu. Ayant bien compris que le Message pour lequel il a été envoyé à l’humanité réside dans l’élévation spirituelle, dans le pardon et le dépassement de soi pour une hauteur spirituelle, le Prophète ne s’est jamais échiné pour répandre la miséricorde divine sur la surface de la terre. Ainsi, tout au long de sa mission prophétique, il a entretenu avec musulmans, chrétiens, juifs, des rapports humains d’humilité fondés sur la miséricorde divine.

Quels messages pour le Sénégal ?
Tout ce que nous disons du Prophète est loin de résumer l’énormité et la complexité des dimensions à la fois humaine et spirituelle du Prophète de l’islam. En revanche, il s’agit bien d’en tirer une leçon pour le Sénégal qui semblait bien naviguer à contre-courant des actions et dires du Prophète Mouhammad (Psl) dont la célébration de sa naissance, ce mercredi 27 septembre 2023, semble donner à cet évènement les allures d’un écran de fumée qui cache mal les nuages d’une société sénégalaise capitaliste et hypocrite dont l’avoir et le pouvoir, plus que la foi, influent sur les rapports humains.

N’étant pas capable d’épuiser la béatitude des caractères du Prophète de l’islam, nous allons en prendre deux pour mesurer l’état général de dégradation du thermomètre  spirituel sénégalais à la veille de ce Mawloud 2023.

Le message de la miséricorde  
La course effrénée vers l’argent a opéré de profondes mutations spirituelles dans le psychique de certains Sénégalais. L’argent, ce concret illusoire, détruit les relations parentales, détruit des mariages scellés sur l’autel de l’amour du confort matériel, et déforme les relations amicales construites dans les labyrinthes de l’enfance et des soubresauts de la vie d’adolescence. Les esprits frêles, souvent sous le joug de Satan et ses armées tapies sous l’ombre des réseaux sociaux, pensent que ce qui définit l’Humain, c’est le matériel, et peu importe la manière peu orthodoxe de l’acquérir. Entendons-nous bien ici, il n’est pas interdit de posséder, mais prendre les possessions comme finalités et non comme moyens contribuerait de façon destructive à ralentir la marche de l’Homme vers ce chemin de la perfection et de la plénitude. (Al-Isan Al-Kamil).  Celui ou celle qui se trouve dans cette catégorie ne comprend pas le Message du Prophète (Psl). Ce dernier n’a jamais cessé de référer l’Humanité aux nombreux versets coraniques qui attestent que nos possessions ne sont que des «parures de la vie», des moyens dont l’ultime finalité se trouve être inscrite dans les praxies de faire vivre le Pauvre et aider le Nécessiteux. La paix du cœur, c’est celle-là que nous devons viser. Pourquoi certains Sénégalais vivent dans le luxe des voitures, des immeubles à n’en plus finir, des comptes bancaires bien remplis, des maisons bien construites alors qu’ils n’arrivent jamais à avoir une paix intérieure ? La réponse est simple et tombe comme un couperet : elle réside dans le fait que nous pensons toujours avoir un corps à entretenir, mais nous oublions que nous avons aussi une âme à entretenir. Et si nous savions le Bonheur que procure l’âme apaisée, nous nous contenterions de peu dans cette vie terrestre à l’instar de ces figures emblématiques, notamment Cheikh Ahmadou Bamba Ba, El Hhadji Malick, Cheikh Ibrahima Niasse, qui ont su très tôt tourner le dos aux appâts de la vie terrestre.

Le message d’humilité
Tout au long de sa vie prophétique, le Prophète Mouhammad (Psl) n’a jamais cessé d’être rappelé à l’ordre de la pratique d’humilité face aux plus démunis, aux plus vulnérables et les laissés-pour-compte de la société. De Taïf, face au jet de pierres d’une jeunesse déboussolée, en passant par la guerre de Uhud avec la remise en cause de son autorité horizontale dans le positionnement de ses troupes, jusqu’à l’aveugle qu’il avait négligé pour le compte d’autres richards de la contrée, la question de l’humilité occupe une place importante dans beaucoup de versets coraniques. A bien étudier la notion de l’humilité et à bien la comprendre dans le contexte sénégalais, il nous semble que le Sénégal a un grand chemin à parcourir sur la voie de l’humilité prophétique.

D’abord, ce manque d’humilité se remarque au sommet de l’appareil étatique avec des discours dilatoires qui tressent les lauriers à longueur de journées sur les plateaux à des hommes au pouvoir et sous-estiment le degré de souffrance et de pauvreté d’un grand nombre dans la population sénégalaise.

Ce manque d’humilité est aussi symptomatique d’une myopie intellectuelle qui secoue certains milieux universitaires sénégalais où certains professeurs exercent un terrorisme intellectuel sur certains étudiants, suivant une vision géocentrique de l’enseignement où l’étudiant-e est un vase-vide à remplir de connaissances. Or, le savoir ne devient savoir que quand il est déconstruit et déchiqueté dans un partenariat égal où l’étudiant-e peut tester ses hypothèses de connaissances acquises contre celles de son professeur sans y être réduit au silence forcé.

-Ce manque d’humilité fait loi dans certaines écoles et lycées où certains maîtres terrorisent leurs élèves et les poussent à s’adonner à des exercices de mémorisation de contenu produisant des élèves «qui répètent comme des perroquets et imitent comme des singes».

-Ce manque d’humilité est devenu un cas d’école dans une Assemblée nationale sénégalaise où certains députés qui, souvent galvanisés par leur appartenance politique voire confrérique, s’expriment et légifèrent arrogamment, séance tenante, sur des sujets dont ils/elles n’ont aucune expertise.

-En fin de compte, ce manque d’humilité n’épargne pas certaines confréries religieuses dont certains des chefs se substituent au pouvoir divin pour prédire l’avenir et dire des énormités alors qu’ils savent ne rien savoir sur le décret divin. Pire encore, certains chefs confrériques trahissent le message prophétique et coupent le cordon spirituel les liant aux disciples pour de l’argent et/ou du pouvoir. Ne parlons pas des charlatans qui investissent les réseaux sociaux pour décider la mort et de la vie de certains de nos concitoyens…

Bref, si la célébration de la naissance du Prophète Mouhammad (Psl) est certes une innovation car ne se trouvant ni dans le Coran ni dans la Sunna du Prophète, le seul message qu’on puisse en tirer, c’est la belle occasion de retrouvailles et de souvenir pour nous regarder dans la glace du Message prophétique avec l’espoir sincère de nous reformer intérieurement, réaliser son message subversif à travers les propos rapportés par Boukhari dans son Sahih n°13 et Mouslim dans son Sahih n°45 : «Aucun de vous ne sera croyant jusqu’à ce qu’il aime pour son frère (1) ce qu’il aime pour lui-même (2).»
Que reste-t-il vraiment des nombreuses célébrations annuelles de la naissance du Prophète au Sénégal, si ceux et celles qui prétendent la célébrer, ce sont ceux et celles-là qui s’adonneraient aux pires calomnies de leurs frères en islam, fabriqueraient des mensonges et commettraient les pires atrocités humaines ?
Words to the wise!!
Dr Moustapha FALL