Dira-t-on jamais d’un filou qui prend la livrée d’une maison pour faire son coup commodément, qu’il rend hommage au maître de la maison qu’il pille ? Non : couvrir sa méchanceté du dangereux manteau de l’hypocrisie, ce n’est point honorer la vertu, c’est l’outrager en profanant ses enseignes ; c’est ajouter la lâcheté et la fourberie à tous les autres vices ; c’est se fermer pour jamais, à tout jamais, tout retour à la probité. Réponse de Jean-Jacques Rousseau au roi de Pologne, Duc de Lorrain.
Cette même réponse-boutade° peut aujourd’hui être balancée aux journalistes, aux «chroniporozet° (chroniqueurs du Projet) et autres influenceurs tapis dans l’ombre du net, qui se lèchent les babines tels des carnassiers voraces en se délectant de l’inconfort de concitoyens simplement cités par les rapports de la Centif ou de la Cour des comptes.
Leurs plateaux de télévision aux relents d’illettrisme avéré, leurs live accusateurs et schizophrènes, et leurs chroniques incultes et fumistes donnent l’impression d’un tribunal du temps de l’inquisition. Tous se prennent, devant micros et caméras, pour le si célèbre et lugubre procureur hitlérien, l’obscur, le fanatique et le sanguinaire Roland Freisler. Et c’est loin d’être exagéré : on oublie volontiers la présomption d’innocence, et bonjour les «autodafés» visant l’humiliation, l’enfoncement calculé, l’avilissement et la dégradation du statut social des citoyens indexés. Dieu sait pourtant qu’ils essaient de rouler dans la boue des hommes et des femmes dont les œuvres au service de l’Etat, du Peuple, de la République et de la Nation ne souffrent d’aucune contestation possible. Parfois, ces croque-morts (ils vivent de la déchéance de leurs prochains, c’est-à-dire de leur chair) oublient l’avertissement du Christ (PSL) : le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que Jean Baptiste. Nanu yéenente jamm, di waxal sunuy mbokk jamm !
Devant un micro ou face à une caméra, chaque communicateur doit répondre convenablement aux aspirations profondes de son Peuple (être juste), épouser les réalités ontologiques de ce même Peuple (wax loo xam, def loo mën). En termes plus clairs, pour rester cohérent, un journaliste digne de ce nom, un chroniqueur sachant, chacun en ce qui le concerne, pense et s’exécute en toute harmonie avec les réalités accommodantes (mandu, dëggu), ordinaires (yemele, wax lu baax) et culturelles (yërmande, yeene bu rafet) de sa race. Autrement, il devient un cauchemar, un zombie, un spectre effarant pour ceux qui l’écoutent, pour ses concitoyens tout court.
Je sais que les Sénégalais n’ont pas un centime, le moindre centime à dépenser chez un vendeur de vent. Kenn duñu sëlëm* comme il veut, quand il veut et dans ce qu’il veut ! A bon entendeur…
Il y a une question très sérieuse qu’il faut se poser : qui fait «fuiter» les rapports de la Centif et de la Cour des comptes ? Pourquoi ? Comment ce timing bien huilé ? Qui y trouve son intérêt ?
Pourtant, Ndumbélaan s’horrifie chaque jour des fuites organisées dans le milieu scolaire, et a même posé des jalons non négligeables pour combattre le fléau. Xanaa fuite dou fuite rekk, me demande mon petit doigt ?
Subitement (par accointance politicienne, haine et aversion), doit-on changer de conviction ? Je sais seulement que la conviction se distingue de la croyance en ce qu’elle participe à la construction de l’identité individuelle (il y a maintenant trop d’aigris, de haineux et de malveillants dans notre espace vital). Un bon citoyen, épris de justice, ne peut pas changer de conviction du jour au lendemain, au risque de devenir dangereux pour notre Nation. Il a toujours été enseigné que toute violence (ici renonciation à notre humanisme et à notre humanité), même involontaire (sic..), à l’égard d’une conviction (réfutation de la présomption d’innocence surtout, infraction comme dire des contrevérités incontestables) est en conséquence perçue comme une attaque contre les personnes et le corps social concerné ; un viol des plus abjects fait aux consciences faibles qui peuplent majoritairement le paysage ndumbelanien°. Un de mes professeurs me disait qu’on appelle «mauvaise foi» les convictions d’autrui qu’on ne partage pas ! Dans l’histoire comme dans l’actualité, c’est principalement l’aspect social de la conviction qui lui donne son rôle.
La vérité, seulement la vérité voudrait dire que ne sont coupables de la prévarication de nos deniers publics que seuls ceux qui ont été déjà jugés comme tels. A l’An, avec la Haute cour de justice (où il entendit des vertes et des pas mûres de la part de députés plus malveillants que de rigueur) et avec l’odieux matraquage médiatique qui suivit, Mansour Faye passait pour un vil criminel. Aujourd’hui, libre d’aller jusqu’en Australie (nous apprend son avocat, l’inégalable El Hadj Diouf), il a tout simplement perdu quatre mois de sa vie pour des peccadilles nous semble-t-il. L’adage, le beau adage de chez nous nous indiquant que «bant lumu yaag-yaag ci ndox, du soppleeku mukk jasig» : simple accusation n’est en rien culpabilité définitive !
Mais que se passe-t-il à Ndumbélaan, s’interroge-t-on en Afrique et dans le reste du monde ? Existe-t-il une main invisible qui fait et défait les réputations des uns et des autres ?
En tout cas, par simple observation de la vie sociopolitique depuis un peu plus d’une décennie, tous ceux qui ont une seule fois eu affaire (brouilles ou autres intérêts contraires) au prince absolu de Ndumbélaan -futur héritier incontesté du trône comme le pensent ses partisans zélés- ont gagné un séjour plus ou moins long à ndungusiin°. Nous savons tous, avec Noam Chomsky, que dans un Etat totalitaire, ce que les gens pensent importe peu parce que le gouvernement peut contrôler les gens par la force de la matraque. Mais quand on ne peut plus contrôler par la force, il faut contrôler la pensée. Pour se faire, la manière habituelle est d’utiliser la propagande (la fabrication du consentement par l’unanimité faite autour de la chasse aux prédateurs des deniers publics, la création d’illusions dites nécessaires comme le recouvrement de l’argent public détourné), de marginaliser l’opposant ou de le réduire à l’apathie. Pourtant, «la vraie foi consiste à ne jamais renier dans les ténèbres des autres ce qu’on a entrevu dans notre propre lumière».
Et il aurait été surprenant que Diagne Naar (et sa famille du reste) échappât à la tourmente. Walaahi, ce dont beaucoup sont sûrs, c’est que dawul, dafa utti doole°.
Si je prends Jésus (Psl) au mot, je lui dirai (à Madiambal, tout comme à Gadiaga, à Nguer, à Farba, à Lat et aux autres) qu’il existe une pauvreté bien plus grande encore que celle des Sdf : ne pas se sentir aimé, désiré, compris, écouté, être marginalisé pour ses idées et pour ses convictions.
Amadou FALL
Inspecteur de l’enseignement à la retraite à Guinguinéo
zemaria64@yahoo.fr