De profonds changements sont opérés dans notre vouloir vivre ensemble et ces chocs ont des origines diverses : sociale, économique et politique.
Pour comprendre l’importance des mutations survenues au niveau global, il faut examiner les nouveaux comportements du Sénégalais lambda sur la perspective sociale, économique et politique.
La vie sociale semble fragilisée puisque le rôle de protection, d’éducation et d’accompagnement se désagrège de plus en plus au sein de la famille qui doit demeurer le socle de la cohésion au Sénégal. La répartition des rôles et des tâches change au gré des progrès économiques et technologiques qui accentuent des influences externes par une importation de «valeurs» tous azimuts. Ainsi, le tissu social se déchire progressivement et en même temps un système de validation de ces «valeurs» venues d’ailleurs s’installe sans résistance. La complaisance et la partisanerie prennent le dessus sur les vertus cardinales. Etant donné que le changement est inéluctable, il faudrait se muer sans abandonner l’essentiel qui est de toujours se référer à notre culture sénégalaise dans sa belle diversité convergente. Seul l’ancrage à notre culture authentique peut sauver ce qui reste, réinventer et donner un nouveau souffle à la société sénégalaise. Pour cela, il urge de disséquer les sources de bouleversement de notre système de valeurs familiales et par ricochet sociétales.
En premier, l’abandon de nos traditions culinaires entraînant l’installation de maladies socialement inconnues autrefois, un pouvoir d’achat au rabais car tout s’achète maintenant. La manière de s’alimenter est un palier hautement culturel qu’il faut impérativement rétablir afin de réduire les risques sanitaires très coûteux. Pour restituer une bonne morale collective, il est nécessaire que chacun de nous puisse manger à sa faim sans gêne ni dépendance externe. Notre plus grand combat doit être contre la faim, car elle est la source de tous les maux du tissu social et le plus grand frein du développement tout court. En effet, la faim est la source de la pauvreté et non l’inverse, l’être humain se déploie plus rapidement s’il parvient à extraire de ses pensées la recherche de la pitance et à réveiller son potentiel inné de vicaire sur terre, c’est-à-dire de bâtisseur.
En second, la percée des médias avec des programmes en complet déphasage, au détriment des traditionnelles veillées nocturnes autour d’une histoire, d’un conte ou de débats d’idées. Les réseaux sociaux occupent nos journées, même pas le temps d’une petite réflexion pour une meilleure utilisation, toujours à la recherche de vues et tout est ouvert, tout est permis, la retenue semble s’éloigner à jamais. Tout s’échappe, nous échappe et personne ne s’en soucie, ainsi le père n’est plus le repère que la mère t’exhorte à suivre. Ils sont devenus de simples géniteurs pour leurs progénitures. L’autre, l’inexploré est le repère sans être le repaire. Le gîte familial se vide de plus en plus par cette présence virtuelle. Pour dire de manière lapidaire que la cellule familiale, qui est le socle de toute vie sociale, doit se reprendre et se déployer pour jouer son rôle fondamental d’agent économique en tant que ménage. Le ménage peut se définir comme un gouvernement domestique et tout ce qui concerne la dépense et l’entretien d’une famille. Pour dire que la famille est aussi le pilier économique primordial d’une Nation. Tout part de cette cellule, donc pour aspirer à un véritable développement, il faut la replacer au centre de la vie économique.
Actuellement, ce gouvernement domestique peine à jouer pleinement son rôle d’acteur économique malgré son énorme potentiel. Tous les agents économiques proviennent de ce gouvernement, quelle que soit leur position dans le système. Alors, il est impératif de réveiller ce potentiel qui somnole en chacun de nous, pour espérer la prospérité, car le but ultime de toute société est de mettre à profit tous ses membres afin d’atteindre un développement harmonieux et intégré. Cela passe irrémédiablement par l’inculcation d’une citoyenneté exemplaire par l’éducation, et surtout par la culture qui détermine notre manière de vivre dans notre milieu. Cet éveil fera de sorte que chaque citoyen s’appropriera le développement de son quartier, de sa commune, ainsi de suite, jusqu’à devenir le Sénégalais que nous appelons de tous nos vœux. Un Sénégalais ayant le culte du travail bien fait, de la responsabilité et de la justice. Cette dernière est la synthèse de trois qualités que nous devrions emprunter à la balance dont l’objectif ultime est l’équité qui peut se traduire par l’équilibre et non l’égalité.
La première est la sensibilité qui incombe à toute personne qui aspire à diriger ses semblables, donc du chef de famille, en passant par le maire, jusqu’au chef de l’Etat. La sensibilité s’érige ici en qualité essentielle et ne signifie nullement faiblesse, car c’est le courage, dans toute sa splendeur, ainsi détaché de la témérité et de la lâcheté dans les prises de décisions.
La deuxième qualité est la justesse qui s’invite pour indiquer les règles à suivre afin d’installer la cohésion sociale en respectant nos us et coutumes dans tous les compartiments de la vie de notre Nation. Au plan national, l’Assemblée nationale devrait s’approprier cette qualité pour voter des lois qui nous ressemblent et nous rassemblent.
La troisième est la fidélité qui est très utile pour toute relation qui veut durer et instaurer la confiance. Dans l’espace familial, cette qualité est en perdition à cause du non-respect de l’application des règles édictées culturellement et cultuellement par la société. Le pouvoir judiciaire doit, au plan étatique, appliquer avec rigueur et intelligence, pour ne pas dire fidèlement, les lois votées par les représentants du Peuple sans parti pris. Sans cela, la sensibilité de l’Exécutif et la justesse des lois du Législatif ne serviront à rien, car l’absence de fidélité masquerait tous les efforts en direction d’une cohésion sociale, car sans la justice rien ne peut marcher. L’injustice ressuscite le monstre qui sommeille en chacun de nous, seule la justice, qui a pour symbole la balance, est capable de l’arrêter.
Et là, on est de plain-pied dans la politique qui a rapport aux affaires publiques, au gouvernement d’un Etat ou aux relations mutuelles des divers Etats, donc cet espace immense et exaltant demande des formations dynamiques et informations infaillibles, d’où la nécessité pour les partis de mettre la formation de leurs militants et sympathisants en priorité afin qu’ils puissent avoir les qualités requises pour servir et non se servir.
Rallumer l’enthousiasme qui a fini de s’éteindre à cause de l’injustice ambiante dans toutes nos interactions socio-économiques ainsi que politiques. Plus rien n’est à l’endroit, la loi du plus fort continue de régner et plus personne ne se soucie de ce que nous avons en commun : le Sénégal
La partisanerie prend pied et dicte ses lois, et cela détruit la cohésion sociale car plus personne ne cherche la vérité, mais plutôt à avoir raison. Et là, ce sont les signes d’un pays en perdition non pas par le manque de démocratie électorale, mais par l’absence d’une démocratie de vie où chacun se sent concerné, non cerné. Notre démocratie est toujours en construction pour les concernés qui ont cerné les défaillances dans la quête et l’exercice du pouvoir. Pour vaincre ces défaillances et parachever notre démocratie, il nous faut affronter avec rigueur les dures réalités de la vie en inversant les rôles pour discerner la vérité sans nous la décerner.
La vérité unique est que nous devons nous unir pour susciter l’espoir et bâtir un Sénégal prospère, en passant impérativement par le Sénégalais développé humainement. Sans cohésion, rien ne sera possible, malgré nos ressources naturelles multiples, alors aidons-nous mutuellement, avec sincérité et sagesse, à travers d’abord la famille qui engendrera un citoyen modèle ancré dans ses traditions, mais ouvert au monde avec compétitivité.
Souleymane SECK – Citoyen sénégalais