Véritable coup de massue sur la communauté sérère !
Simplement trois pages (627-640 et 641 du volume 1/A du tome 3) pour enterrer à jamais un vaillant peuple, fondement, pilier, et socle de la Nation sénégalaise.
Pourtant, la Commission nationale sait parfaitement qu’elle a l’obligation de dire toute la réalité à partir de sources fiables, de récits d’actions et d’évènements relatifs à l’évolution du Peuple. Ainsi, il ne devrait pas s’agir de copinage mais d’associer surtout des sages des «Pinth» des anciens royaumes, qui demeurent toujours des sources de la tradition.
Quel mépris affiché pour la communauté sérère, dont les fils ont balisé la voie du Sénégal vers l’indépendance : Léopold Sédar Senghor, le lion de Joal, et Valdiodio Ndiaye, preux Guelewar sans peur.
Disons-le tout haut. De Fandène à Joal-Fadiouth, de Diamniado à Diakhao, Kahone, Paoscoto, Paos-diba et la minorité de la Casamance, nous sommes déçus et ulcérés. Quelles belles pages d’histoire des pays autonomes sérères, des lamanes et guelewars du Sine et du Saloum !
Le colonel Louis Faidherbe savait toute la hargne et la détermination du sérère à défendre l’intégrité de son terroir.
Ce 17 mai 1859, à la bataille de Fatick, précisément à Logandème et après la victoire éclatante du 13 à Djilass de l’armée du Sine sur la colonne française, Faidherbe use de toute sa stratégie pour défaire les preux «salmakors» sous le commandement de Sanoumone Faye, alors vice-roi.
«Ces gens-là, on les tue, mais on ne les déshonore pas», disait-il au commandant de Gorée, Pinet Laprade.
Propos repris par le Président Léopold Sédar Senghor pour la devise de l’Armée nationale : «On nous tue, mais on ne nous déshonore pas.»
Pour une première, un canon fut tiré à partir du bateau «Le Podor» et sur la rive du Sine (ANS-G10 pièce 180-1859).
Pour une première, on note l’unique présence de Louis Faidherbe dans un champ de bataille. Parce que la France se sentait humiliée après la défaite de Djilass. De fermes instructions furent données au colonel par le ministre de la marine française pour un règlement sans délai de l’épineuse question du Sine.
Pour mémoire, la communauté sérère et pour le Sine, a toujours été une terre d’asile pour Damels et Teignes déchus à cause d’un voisinage sans heurts.
1855 : Teigne Thieyacine Fall, chassé du Baol par Damel Birima Fall pour la couronne de Damel-Teigne, se réfugie à Diakhao auprès de Bour Sine Coumba Ndoffène Fa Mack.
1861 : A la mort de Birima Fall, une crise éclate au Cayor à cause de l’ambition de Madiodio Deguène Fall de la lignée des «Dorobes» et de Macodou Fall de celle des «guelewars du Sine», sa mère Codou Diouf étant fille de Cheikh Diouf de Galagne, père de Souka Ndella et grand-père du Bour Sine Coumba Ndoffène Fa Mack.
Madiodio a le soutien de la France, à condition de céder le Cap Vert, Diender et une bande de terre le long de la côte entre le Cayor et Saint-Louis, pour l’installation du télégraphe entre Dakar et Saint-Louis. Damel Macodou, affaibli, abandonné par les dignitaires du royaume, se réfugie auprès de son cousin Bour Sine Coumba Ndoffène Fa Mack.
1863 : Le jeune Lat Dior Ngoné Latyr Diop a 20 ans. En compagnie de Demba War Sall, Maissa Mbaye Sall, Ibra Fatim Sall, il bat Madiodio Deguène Fall, aidé par la colonne française à Louga, Mékhé et Ngol Ngol.
Entre 1863 et 1864, les Français organisent la riposte. Madiodio Deguène Fall défait Lat Dior à Loro, le 12 janvier 1864. Il demande asile auprès de Coumba Ndoffène Famack surmommé le «roi des rois» par Pinet Laprade.
Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1864, Lat Dior, avec sa suite, est installé à Ndiob auprès du vice-roi Sémou Mack Diouf.
Le nouveau Damel Madiodio envoie une correspondance au gouverneur Faidherbe en date du 14 janvier 1864. «Lat Dior est au Sine en compagnie de Demba War Sall, Maissa Mbaye Sall, Sanghoné Sall, Maissa Dior Mbaye et Kouli Koumba». (ANS.G13-Piece 271-1864)
Lat Dior quitte Diakhao pour le Rip le 20 mars 1864 après un séjour de deux mois et huit jours.
1859 : L’Almamy El Hadj Omar Foutiyou Tall, en guerre sainte pour l’instauration d’un état islamique, rencontre l’opposition des chefs musulmans du Fouta Toro qui font appel aux Français.
Pour contrecarrer ces réformes expansionnistes en vue d’un protectorat, l’almamy El Hadj Omar entreprend une tournée de sensibilisation auprès des chefs indigènes du Walo, du Ndiambour, du Cayor, du Baol et du Sine.
Il n’a nulle part l’assentiment des rois indigènes à cause de la supériorité en nombre et en armement de l’Armée française.
Au Sine, l’Almamy reçoit un accueil triomphal digne de son statut de chef supérieur de la Tarikha Tidjan en Afrique de l’Ouest et l’adhésion du roi à ses réformes.
«Les nobles qualités sont au Sine, seul reste l’islam et il viendra un jour», confiait-il au souverain du Sine.
Paroles prophétiques. A présent, les Sérères sont en majorité musulmans, toutes confréries confondues. A Kabacoto, dans le Rip, il dira à son talibé Amadou Hampathé Bâ de porter le titre d’Almamy, de continuer la guerre sainte en son absence mais d’épargner le Sine qu’il a déjà béni. «Dans ta mission, épargne le Sine. J’ai déjà béni le royaume.» Deux ans après cet entretien en 1861, Amadou Hampathé Bâ devient le porte-étendard de la religion musulmane dans le Saloum et se proclame Almamy sous le nom de Maba.
Le 07 Juin 1903 : Bour Sine Coumba Ndoffène Fa Ndeb (junior) plaide non coupable Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké devant le conseil colonial présidé par le gouverneur Merlin, en présence des chefs supérieurs favorables au projet de liquidation physique du saint homme : Brack du Walo, Sa Ndiambour, Bourba Djoloff, Mbaye Mbayar, Bour Nianing et Bour Saloum occidental.
Absence de Damel Samba Laobé Fall et Teigne Tanor Ngoné pour acte d’allégeance au Cheikh.
La réunion du conseil privé, convoquée par le gouverneur sur les agissements du Cheikh, taxé de vouloir prêcher une guerre sainte, était formelle.
La décision de liquider physiquement le saint Ahmadou Bamba était mûrie, suite aux dénonciations et calomnies des chefs supérieurs.
Entre le 4 janvier et le 25 avril 1903, le gouverneur Merlin reçut une dizaine de correspondances et de télégrammes des administrateurs de Thiès, de Diourbel, de Tivaouane, de Louga, de Dagana et du Sine-Saloum sur les agissements du Cheikh.
Mettant en gage son manteau royal pour la véracité de ses propos, Bour Sine Coumba Ndoffène Fa Ndeb demande au gouverneur Merlin d’envoyer un contingent de la colonne française perquisitionner la demeure de Darou Marnane où il ne trouvera que le saint coran et des objets pour la prière.
Les conclusions du rapport du 14 juin 1903 du contingent furent conformes au témoignage.
Pendant ce temps, parents, talibés et proches du Cheikh retenaient le souffle.
La vérité fut au-dessus du mensonge, de l’intrigue et des privilèges.
Les valeurs sérères étaient au-dessus de tout.
Coumba Ndofféne savait qu’il entrait pour l’éternité dans l’histoire.
Ce témoignage d’un sérère aux nobles qualités fruste et irrite certains chroniqueurs, communicateurs, journalistes et même biographes du saint homme, qui s’emploient en toute occasion à l’ensevelir avec acharnement, à dessein, à tout prix.
Peu importe, Touba reste reconnaissante et les petits-fils du Bour Sine sont toujours les bienvenus dans la cité religieuse.
Par-delà le Sine, les communautés sérères des pays autonomes sérères, du Saloum et de la minorité de la Casamance ont toujours été aux premières rampes pour l’émergence d’un Sénégal véritablement souverain.
Ainsi, comme recommandations, nous souhaitons de la Commission nationale, la reprise des travaux sur l’espace sérère en associant des compétences avérées du milieu.
A défaut, parce qu’il s’agit d’un mépris affiché, un mal nécessaire, nous devons, toutes composantes sérères confondues, unir nos énergies créatrices pour écrire notre propre histoire si riche et variée.
Mahawa Sémou DIOUF
Comité des sages du Sine.
Mbour
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