La confiance est le socle des relations humaines et sociales. Pour cela, on dit des crises économiques et financières qu’elles sont surtout des crises de confiance. Quand la confiance diminue, les humains prennent des décisions motivées par la peur, ce qui n’est généralement pas bon. Ces décisions sont inspirées par le cerveau primitif et non par le néocortex, le premier étant le siège des réactions instinctives, le second celui de la réflexion.

Ainsi, quand il y a une crise de confiance, les humains vendent leurs actions en masse, entraînant la baisse des cours boursiers. Ils retirent leur argent de leurs comptes, créant une panique et la faillite des banques qui sont perçues comme les moins solides. Ils n’investissent plus, ils consomment moins.

En 2007, lors de la crise des subprimes, inquiets à l’idée de perdre leurs dépôts bancaires, les clients firent la queue devant les différentes agences de la Northern Bank -une banque britannique- pour retirer leurs fonds. Ces images augmentèrent la panique bancaire. Ayant appris les leçons de cette crise, les régulateurs américains, en 2023, dès la faillite de la Silicon Valley Bank, assurèrent que 100% des dépôts des clients seraient garantis, pour éviter une panique bancaire et une ruée sur les guichets.

Pourquoi cela ? Les banques ne possèdent pas en liquide tout le montant déposé par les clients, à cause de l’effet multiplicateur du crédit — le multiplicateur de crédit est un indicateur mesurant le phénomène par lequel les établissements de crédit peuvent distribuer plus de crédits qu’ils ne reçoivent de dépôts, par leur pouvoir de création monétaire. Cette défiance des clients envers les banques aggrave la situation. Les banques les moins solides déposent le bilan, et par un effet domino, elles contaminent tout le système financier.

Comment les gouvernements réagissent-ils pour lutter contre la crise économique ? Ils essaient de rétablir la confiance, par des actions préventives et correctives. Dans l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa), un Fonds de garantie des dépôts et de résolution a été créé par les Etats membres et est chargé d’indemniser les déposants des institutions financières en cas de faillite d’une banque ou d’un Système financier décentralisé (Sfd). Pour les banques, le montant maximal d’indemnisation s’élève à 1 400 000 F Cfa, et pour les Sfd, à 300 000 F Cfa.

Egalement, pour rassurer les populations sur les banques, la Commission bancaire de l’Umoa a été créée en 1990, à la suite de la vague de faillites de banques dans l’espace commun ouest-africain. Elle est chargée d’assurer une plus grande surveillance des banques dans la zone afin de donner confiance aux populations quant à la solidité et à la gestion prudentielle des banques. Ainsi, il est écrit dans le traité la régissant que son rôle est de permettre «une surveillance uniforme et plus efficace de l’activité bancaire et une intégration de l’espace bancaire dans l’Umoa…».

La confiance est le fuel des relations humaines. Acheter et vendre, prêter et emprunter, se marier, embaucher une personne… toutes ces actions humaines basiques ont comme prérequis la confiance. Quand j’achète sur un site d’achat en ligne, je me réfère à la notation du produit, avant de cliquer sur «commander». Plus cette notation est élevée, plus j’ai confiance en le vendeur et dans le produit.

Sur les sites d’achat en ligne, la confiance est encore plus importante parce qu’acheteurs et vendeurs ne se rencontrent pas, le marché étant virtuel. Quand la majorité des retours sur un vendeur sont élogieux, les acheteurs le choisiront plus que les autres qui, d’après les commentaires, semblent manquer de fiabilité.

La confiance, ou le manque de confiance, n’est pas fixe, elle évolue, peut croître ou décroître. Pour cela, il y a peu de réalité objective. Tout est interprétable et tout est interprété. Si l’on regarde un match de catch, même s’il ne s’agit que de spectacle, un des lutteurs, après avoir été très dominé, se ressaisit et domine à son tour son adversaire. Tout cela se passe en un laps de temps.

Encore, si l’on observe les retournements de situation spectaculaires au cours d’un match de football, on se rend compte que la confiance a changé de camp. L’équipe précédemment dominée prend soudainement confiance et se transcende, car elle a décidé qu’elle peut gagner et qu’elle gagnera. Les visages changent d’expression, la peur, l’optimisme, le pessimisme changent de camp.

Aussi les situations dépendent-elles de la façon dont on les interprète. J’écrivais plus haut que les crises économiques sont surtout des crises de confiance. On les résout en rétablissant la confiance. Quand il y a la confiance, on prend des risques, on investit, on se projette avec optimisme dans le futur, on est plus généreux avec son temps et son argent. Quand il y a un manque de confiance, c’est tout le contraire. Pour illustrer l’importance de la confiance, dans leur livre Les esprits animaux, les prix Nobel d’économie Georges Akerlof et Robert Shiller (2018) écrivent dans le chapitre 5, «Histoires» :
«La complexité des diverses histoires d’ère nouvelle qui se sont succédé dans le temps donne à penser que les variations dans la confiance ont eu des effets puissants sur l’économie, qui vont bien au-delà d’un impact sur la consommation et l’investissement. Qu’il s’agisse de réussite personnelle dans les affaires, de succès dans les créations d’entreprises ou de retombées des investissements en capital humain, nos attentes dans tous ces domaines se modifient en fonction des histoires en vigueur.»

Cela concerne aussi bien les personnes physiques que les entités — Etats, entreprises, équipes, groupes. Leur comportement quand elles ont confiance diffère totalement de celui qu’elles adoptent quand elles sont en manque de confiance. Un pays qui a confiance en lui sait qu’il se développera. Cette conviction de se développer le poussera à entreprendre des actions pour y parvenir. Il cessera de compter sur les autres. Il arrêtera de prendre des décisions stupides. Il investira sur sa population. Il luttera plus efficacement contre la corruption. En résumé, il prendra des décisions qui lui permettront d’atteindre ses objectifs. Une personne physique fera exactement la même chose si elle veut améliorer sa vie et aller de l’avant.

A travers les crises économiques, les sursauts d’un Etat ou d’une personne, nous avons appris que la confiance est l’essence des relations humaines. C’est la confiance qui fait que des inconnus échangent ou se marient. Le manque de confiance est une tare qui détruit les relations humaines et sociales. Pour cela, à tous les échelons, accroître la confiance est le meilleur moyen de pacifier les relations humaines et sociales et de créer les conditions d’une société épanouie.

A notre niveau, de simples gestes d’encouragement, de compréhension peuvent entraîner des conséquences énormes en matière de confiance. Dire à notre collaborateur, à notre enfant : «Tu peux le faire», «tu es capable» peut changer beaucoup de choses. Certaines personnes sont passées du néant au sommet tout simplement parce qu’il y a une personne qui a eu confiance en elles et qui les a soutenues. Cela devrait nous faire penser à l’impact de nos mots et de nos actions.
Moussa SYLLA