La défense de Lamine Diack brandit son bulletin de santé : «Le condamner, c’est accélérer sa mort»

Dans leur stratégie de défense et surtout en guise de réplique aux missiles de la partie civile, les avocats de Lamine Diack semblent vouloir jouer la carte de la santé.
La santé de Lamine Diack a occupé une place importante dans les plaidoiries de ses avocats. C’est d’abord l’un des conseils de l’ancien président de l’Iaaf, Me Simon Ndiaye, qui a commencé son grand oral face à la juge du Tribunal financier de Paris, ce jeudi : «Madame la juge, Monsieur Lamine Diack a 86 ans et il a des problèmes de santé. Malgré ses nombreuses pathologies, sa famille sportive l’a abandonnée. Et le Tribunal a fait fi de toute cette apparence.» L’avocat sénégalais insiste devant le Tribunal sur certains traits de caractère et de personnalité de Lamine Diack. «C’est un personnage attachant, franc, direct et a une liberté de ton qui force le respect», décline Me Ndiaye.
Mais c’est surtout l’intervention Me William Bourdon qui aura fait bourdonner la salle d’audience. L’avocat de Lamine Diack a parlé sur la même longueur d’onde que son confère en déclinant au Tribunal les maladies de son client.
Me Bourdon qui est allé droit au but, a remué la salle avec son timbre vocal aguicheur. «Mme la juge c’est homme qui est derrière moi est affecté de pathologies lourdes. Il a un cancer et un diabète de type 2. Le condamner c’est accélérer sa mort», assène-t-il à la barre.
«Lamine Diack est à la fin de sa vie et il mérite de mourir dans les bras de
ses petits-fils»
Dans un silence de cathédrale de la salle d’audience du Tribunal, l’avocat continue sa cadence verbale. «Si vous le condamnez, il mourra. Cet homme est à la fin de sa vie et il mérite de mourir dans les bras de ses petits-fils», rapporte-t-il pathétiquement. Selon Me Bourdon, les réquisitions du Parquet vont jusqu’à le laminer. «Je demande le bénéfice du doute», ajoute-t-il. Avant de lâcher : «Cet homme mérite de mourir dignement.»
Une plaidoirie qui en a ému plus d’un après les propos émouvants de l’avocat français qui a tapé sur la table pour asséner ses vérités à la juge. Il botte en touche les réquisitions du Parquet et apostrophe la juge : «Mme la juge, corrigez votre dérive judiciaire. Le dossier regorge de preuves qui disculpent Lamine Diack.»
Très éloquent et en verve dans sa robe, l’expérimenté avocat du barreau de Paris a sorti le grand jeu. Il rebondit sur la probité de son client et le respect que tout le monde du sport le voue pour demander sa libération. Il termine : «J’ai l’intime conviction que l’homme qui est derrière moi n’est pas un obsédé d’argent. Il a été le premier grand dirigeant africain d’une grande Fédération sportive.»
L’avocat de Lamine Diack a reconnu un seul chef d’accusation contre son client. «Il a juste fermé les yeux sur les suspensions», a dit Me Bourdon. En quelque sorte, selon l’avocat, il n’avait pas voulu suspendre tous les athlètes incriminés de dopage pour sauver le spectacle des championnats du monde. A en croire les avocats de la défense, la suspension immédiate des athlètes russes allait gâcher la fête. C’est pourquoi Diack-père avait décidé à l’époque de fermer les yeux jusqu’à la fin des compétitions pour entamer les procédures.
Lamine Diack ne doit pas être «un bouc émissaire»
Me Simon Ndiaye de revenir à la charge. Selon lui, Lamine Diack n’a joué aucun rôle direct ou indirect dans cette corruption dont on parle. «Lamine Diack n’a jamais remis de l’argent ou demandé de l’argent à qui ce soit d’une manière illégale ou illicite», a-t-il noté. Avant d’accuser à son tour le Tribunal et Sébastian Coe (l’actuel Président de l’Iaaf) de prendre son client pour «un bouc émissaire» pour purifier ou nettoyer l’Iaaf. L’avocat de la défense demande même au Tribunal d’établir le degré de responsabilité de Sébastian Coe qui était à l’époque des faits le vice-président de l’institution.
Quid de Papa Massata ? Jugé à son absence, Diack-fils est défendu sur le volet par Me Antoine Beauquier. En commençant sa plaidoirie, l’avocat de Papa Massata Diack dit à la juge qu’il a un message de la part de son client. «Il m’a dit d’annoncer à la juge qu’il ne s’est jamais occupé du dopage. Il s’est mêlé parce que tout simplement il y a eu un jour le dossier du dopage s’est télescopé avec ses compétences de marketing. C’est pour cela qu’il a eu à gérer quelques dossiers sur le dopage.»
Délibéré le 16 septembre
Son conseil qui a eu au téléphone son client, juste avant d’entrer dans la salle d’audience, affirme à la juge que Papa Massata Diack n’est pas riche grâce à son père. «Mon client est riche, extrêmement riche. Mais pas grâce à son père. Et Monaco ne peut pas l’accepter», annonce Me Beauquier. Il rappelle les compétences et le parcours professionnel de son client en insistant sur son statut d’entrepreneur. «On présente mon client comme le complice de son père, c’est lui manquer de respect», assène-t-il.
Quant à Habib Cissé, ses avocats dénoncent «une instruction à charge». «Mme la juge, l’instruction de ce dossier conforte le rapport de l’Agence mondiale antidopage (Ama). Je dénonce cette instruction à charge contre Me Cissé», a d’emblée annoncé Me Cédric Labrousse. Selon lui, ce rapport porte atteinte à la présomption d’innocence de son client. Ce rapport de l’Ama qu’il qualifie «d’accusateur» n’est rien d’autre, d’après Me Labrousse, une façon de prêter à Habib Cissé des pouvoirs de ralentir des sanctions des athlètes russes alors «que Habib Cissé intervenait comme simple avocat à l’Iaaf».
Notons que la date du délibéré du procès des Diack est calée pour le mercredi 16 septembre 2020 au Tribunal du Parquet financier de Paris.