Le Thème «La diplomatie parlementaire : contrôle et plaidoyer» que le Parlement panafricain nous avait fait l’honneur de présenter lors de la session de ses commissions à Johannesburg répond à une préoccupation majeure mondiale, au regard des enjeux que sont la stabilité, la paix et la sécurité. Mais, la diplomatie parlementaire, «c’est quoi même ?» pour emprunter cette formule humoristique de nos cousins ivoiriens ?

Cette interrogation se justifie à plus d’un titre. En effet, l’expression «diplomatie parlementaire» suscite elle-même deux interrogations : l’une sur sa définition, sa signification, son acception, l’autre sur son contenu géographique. Ce qui nous avait amené à définir d’abord le cadre, les limites avant d’en dégager les perspectives.

I Le cadre institutionnel de la diplomatie parlementaire
Dans une approche classique, la diplomatie pourrait alors être considérée comme le privilège de l’Exécutif, un domaine réservé comme l’ont consacré beaucoup de constitutions et rarement comme une activité parlementaire majeure. Se pose alors la nécessité de rechercher une définition comme un préalable à l’analyse du cadre institutionnel. Les rares ouvrages comportant dans leurs titres «Di­plomatie parlementaire» ras­semblent les actes de collo­ques tenus à l’initiative des sénats et des assemblées nationales.

De manière élémentaire, on pourrait cerner le concept en apportant des réponses aux questions suivantes. La diplomatie, de manière générale, correspond à la mise en œuvre de la politique étrangère d’un Etat. Les parlementaires ont pour mission de voter les lois, de déposer des propositions de loi et amendements et de contrôler l’action du gouvernement. Les principes de la diplomatie sont : le principe de l’universalité de la communauté des nations, le principe de la responsabilité collective des Etats pour le maintien de la paix et la prévention de l’agression, le principe de la coopération internationale pour l’avancement du progrès social et économique.

Les activités interparlementaires leur permettent également d’influencer l’opinion d’autres acteurs du système de manière à atténuer certains effets quelquefois négatifs sur les populations qu’ils représentent. Les activités diplomatiques permettent donc aux parlementaires d’évoluer sur la scène internationale, en parallèle avec le secteur exécutif, pour promouvoir ou préserver les intérêts de leur Etat. Au regard de la résolution de conflits et de crises, la diplomatie parlementaire complète tout aussi bien la diplomatie gouvernementale par son caractère moins formel et plus souple. Elle peut trouver alors des solutions novatrices à des problèmes qui résistent parfois à la diplomatie traditionnelle gouvernementale. La fonction de médiation et de dialogue est ainsi en quelque sorte le prolongement sur la scène internationale de la fonction de médiation et de régulation qu’assure le parlementaire dans sa communauté et au sein de son assemblée. De ce qui précède, il est possible de comprendre en quoi consiste la diplomatie parlementaire. La diplomatie parlementaire devient un outil essentiel des parlements.

II Diplomatie parlementaire : pouvoir de contrôle des parlementaires et complémentarité entre le gouvernement et le Parlement
Leur rôle est essentiel dans le domaine du contrôle parlementaire de l’action diplomatique du gouvernement, mais aussi bien sûr dans celui de l’information des assemblées et de l’action diplomatique. Nous savons tous que nos parlements nationaux disposent d’importants pouvoirs de contrôle sur les actions du gouvernement sur les affaires nationales, même si dans la pratique, le jeu de la solidarité gouvernementale, le poids de la majorité peuvent les amoindrir.

On a coutume d’opposer di­plo­matie et assemblée. L’his­toire, si on la remontait, donnerait tort à ceux qui le croient, car c’est une République et son Sénat qui ont inventé la diplomatie.

Au niveau formel, il est de règle consacrée par la Cons­titution de nombreux Etats qu’il revient aux chefs d’Etat de signer les traités, accords internationaux. Mais les parlementaires ont seuls le pouvoir de leur donner un effet par la ratification par adoption suite à un vote de résolution. Ils prévoient en outre sur une liste les traités qui ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi.

III Plaidoyer et perspectives pour une diplomatie parlementaire plus efficace et efficiente
Dans certains pays, les parlements ont aujourd’hui conquis leur place au niveau national dans les relations internationales. Ils se sont appuyés pour cela sur la ratification des Accords et Traités. L’activité internationale des parlements complète l’action diplomatique des gouvernements. Dans ce sens, les commissions des affaires étrangères peuvent bien jouer un rôle très important dans l’action diplomatique des gouvernements. C’est pourquoi la diplomatie parlementaire a pour vocation naturelle d’être au service de la paix, de la liberté et des droits. Pour remplir ces missions, la diplomatie parlementaire doit renouveler les formes de son action. Mais la diplomatie parlementaire ne peut, ni ne doit être une diplomatie parallèle, concurrente ou rivale de la diplomatie gouvernementale. Elle n’en a pas les moyens -ce qui est déjà une bonne raison-, ni d’information, ni d’action ; mais surtout elle s’exerce dans un domaine et avec des interlocuteurs qui relèvent d’une sphère différente. Il ne semble guère alors approprié de poser le problème en termes de rivalité. Il convient de poser alors la diplomatie parlementaire plutôt en termes de complémentarité. Les parlementaires peuvent être envoyés par le Bureau de l’Assemblée à titre d’observateurs, comme garants du fonctionnement et du respect des règles démocratiques dans le cadre d’élections qui ont lieu dans des pays… Une mission, pour être acceptée, doit remplir au moins ces critères. En premier lieu, le pays doit en faire la demande. En deuxième lieu, elle doit obtenir de la part des autorités locales la garantie de circuler librement dans le pays où aura lieu l’élection. En troisième lieu, les parlementaires devront recueillir un avis favorable du ministère des Affaires étrangères de leurs pays. Ces missions mobilisent, en général deux ou trois parlementaires, l’opposition et la majorité étant réunies. Si la démarche de l’Union africaine de s’associer avec le Parlement panafricain pour envoyer des députés dans des pays africains comme observateurs à l’occasion d’élections est à saluer, il est regrettable de relever malheureusement des manquements relatifs au traitement réservé à ces derniers sur le terrain des opérations. En effet, les députés observateurs sont relégués souvent au niveau des responsabilités à un rang inférieur à leur statut de représentants qualifiés de leurs nations, au profit d’autres membres des délégations, pour les citer des fonctionnaires de l’Union et des membres de la Société civile.

Perspectives de la diplomatie parlementaire aux niveaux national et régional : la représentation des parlements dans les organismes extérieurs
Au niveau national, les parlements nationaux ont tendance à se faire représenter dans les organismes extérieurs. Ils jouent aussi le rôle de diplomates en tant que médiateurs à l’occasion des conflits sociaux, économiques entre l’Etat et les acteurs sociaux comme les syndicats, le patronat , les élèves et les étudiants en vue de préserver ou de baisser la tension sociale, rétablir la paix. Au niveau régional, il est bien établi selon l’article 77 du Protocole de l’Acte Constitutif du Parlement panafricain «que le Parlement panafricain entretient des relations avec les parlements régionaux et nationaux. Nous en voulons pour preuve le tragique épisode du Covid-19 pour l’obtention du vaccin au profit des populations africaines. Le Président Macky Sall, non encore président de l’Union africaine, avait pris sur lui de plaider cette cause et celle de la dette de l’Afrique au niveau des pays du Nord. Pour ce qui concerne l’Etat de la Gouvernance en Afrique et les changements anticonstitutionnels de gouvernement communément appelés «coups d’Etat par les militaires» en Guinée, au Mali, au Burkina, au Niger, au Gabon, les députés du Parlement panafricain auraient bien pu jouer le rôle de conciliation, de médiation entre les nouveaux dirigeants et ceux qui ont été renversés. Car souvent les chefs d’Etat et les délégations des organisations régionales comme la Cedeao, l’Union africaine sont mal perçues par les «putschistes» et même leurs populations qui les considèrent comme étant de «l’autre bord».

Aujourd’hui, l’Union africaine est moins impliquée dans cette vague déferlante de la migration irrégulière en Afrique, pourtant débattue lors de cette session de jeunes africains à bord d’embarcations de fortune qui se terminent dans les eaux glaciales de la Méditerranée, de l’Atlantique aujourd’hui transformées en cimetières des Africains. D’autres laissent leurs vies dans le désert du Sahara, de la Libye, s’ils ne sont réduits en esclaves, subissant des sévices de toutes sortes. Nous sommes tous témoins aujourd’hui des mesures abusives prises par les gouvernements de ces pays d’accueil qui se disent «débordés par ce déferlement sans précédent de ces flux migratoires sans précédent». Les sénateurs de France viennent d’adopter le mardi 14 novembre un projet de loi renforçant le contrôle de l’immigration dans une version durcie par rapport à celle du gouvernement. Le texte devrait maintenant passer le 11 décembre entre les mains «des parlementaires de l’Assemblée nationale, qui pourront eux aussi le modifier à leur guise» malgré des manifestations devant le Sénat français. Nous estimons que c’est une affaire entre parlementaires européens et les députés sénégalais, panafricains qui devraient en premiers mener ce combat. La Conférence de l’Union africaine , à la demande urgente du Parlement panafricain, devra requérir sans tarder, une délégation de parlementaires sous la conduite de la Commission permanente de la coopération, des relations internationales et de règlement des conflits en mettant à sa disposition tous les moyens nécessaires pour aller au Sénat et à l’Assemblée nationale de France, aux parlements de l’Union européenne. Ce sera l’épreuve d’une vraie diplomatie parlementaire africaine qui fera de la devise du Parlement «One Africa, one voice», non pas une simple profession de foi, mais une heureuse réalité.

Maître Djibril WAR, Conseiller spécial du président de la République, ancien député à l’Assemblée nationale du Sénégal et au Parlement panafricain à Johannesburg…