La face cachée de la nazification : les mécanismes de contrôle

Il y a quelques années de cela, un lugubre politicien -très ombrageux même- défendait dans Ndumbélaan°, «la théorie du complot». C’était burlesque certes, mais tout le pays en avait été secoué pendant un laps de temps plus ou moins marquant.
Ce puissant homme de l’ombre avait, semble-t-il, bien lu John Robinson dans son livre Proof of a conspiracy de 1797, qui parlait des illuminati, et puis Augustin Barruel dans ses Mémoires sur le jacobinisme entre 1798 et 1799, où il peignait la Révolution française comme le résultat d’une conspiration antichrétienne.
Depuis mars 2024, Ndumbélaan° aurait-il appris lui aussi de l’histoire contemporaine ? Substantiellement, une «hitlérisation rampante» -très bien pensée surtout- tisse inexorablement sa toile autour de nous.
Ndumbélaan s’est accommodé du porozet° sans en connaître réellement les contours, le contenu et les soubassements : il est vrai que le populisme tue tout sens du discernement chez bon nombre de citoyens. Il (le populiste) met en exergue tous nos maux de société, nous en indique un ou des responsables, coupables sans aucune forme de jugement, nous propose des solutions séduisantes mais largement utopiques, fantasmagoriques et inénarrables (pour ceux qui savent décrypter la réalité), nous cache son agenda par dissimulation ou par pusillanimité, et s’inscrit en victime de persécution et de purge parce que, dit-il, il est proche du Peuple.
Cette posture nouvelle lui affecte le soutien des masses laborieuses que le coût exorbitant de la vie écrase, de la jeunesse désemparée par le chômage et le manque de perspectives, de la classe moyenne qui s’embourbe jour après jour, d’intellectuels et d’hommes de culture (les fameux pétitionnaires aujourd’hui muets) que la jalousie aveugle, d’une Société civile (taxée de fumier comme retour sur investissement) qui regarde d’un seul oeil. Ainsi, il s’assure de l’électorat le plus important d’un pays et exige à la fin tous les droits et avantages que confère l’Etat de Droit dans une démocratie avérée. Tout ca, juste pour arriver à ses fins, c’est-à-dire exercer pleinement le pouvoir.
Le Président Abdou Diouf disait que l’on ne sciait pas la branche sur laquelle on est bien haut perché. Le populiste, lui, fait basculer à terre l’escalier par lequel il est arrivé au sommet ; de peur de voir un autre lui suivre le pas. Arrivé au pouvoir par les atours de la démocratie, son premier réflexe est de détruire les pilotis qui soutiennent cette même démocratie. Tel un oiseau qui construit patiemment son nid, le populiste, une fois les arcanes du pouvoir entre ses mains inexpertes, déconstruit palier après palier les ornements de l’Etat de Droit et de la démocratie.
Dans Ndumbélaan°, les décideurs n’acceptent plus les voies discordantes : la presse libre est de plus en plus étouffée, et n’eut été le combat de gladiateur de la teigneuse Adf, télévisions, radios et journaux non inféodés à la ligne du pouvoir auraient été les trophées de chasse du Goebbels de sous nos tropiques. Le but recherché était de ne laisser sur la place audiovisuelle que les médias sans limites dans la propagande du régime et la manipulation des masses, dans le dénigrement, les insultes et les railleries de l’opposition et des voies discordantes. Il est primordial de peindre les prédécesseurs (de l’indépendance à nos jours) comme des monstres, des parasites et des ennemis de l’Etat et de la Nation. Comme jadis, avec les nazis, des journalistes, des opposants et des chroniqueurs ont tous fait un tour à la Division de la cybercriminalité pour simple délit d’opinion. On joue maintenant à faire peur par la prison. Ce qui affecte gravement la démocratie et la liberté d’expression.
Pire encore, le discours injurieux, incendiaire contre les adversaires politiques et les propos violents contre l’opposition parlementaire font froid dans le dos. Sous le prétexte largement partagé de la lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics, une purge est méthodiquement organisée ; tous les anciens barons et les boroom baarke° sont stigmatisés, car on leur reproche le fait d’être les responsables de la pauvreté et du chômage qui frappent le pays. Bref, des millionnaires et autres milliardaires opposants, ça ne colle pas avec le porozet°.
Les graves accusations (laxisme, fraude sur les chiffres) contre les agents de l’Administration font obscurément penser à la loi sur la restauration de la Fonction publique (7 avril 1933), à la nuit des longs couteaux (du 30 juin au 2 juillet 1934) et à la purge des juges et avocats (loi sur les fonctionnaires de 1937). Le nazisme fait maintenant bonne école, non ?
La Magistrature avale jour après jour des couleuvres. Sanni leen ca xaj° a été une sentence prononcée par qui de droit (sic) à l’encontre des «mauvais magistrats». Pire encore, le bénéficiaire constitutionnel de l’intérim du pouvoir en cas de vacance nous renseigne sur les autres magistrats qui obstruent la marche du Porozet° en ces termes : «Bu nu rëddee, nga effacer ; nu rëddaat, nga effacer ; nu effacer la daaldi rëdd nak.» Que nous reste-t-il de l’Etat de Droit et de la démocratie alors ? Rien, nada, tus, me répond mon petit nez qui hume les effluves lointains d’une tornade (catastrophe sociopolitique) qui se dirige inexorablement vers nous.
Dêgg neexul : par manque de vigilance, par lâcheté, par gourmandise, par jalousie, par haine, nous nous sommes accommodés d’un nouveau Führerprinzip, élément central du régime, chef suprême dans son parti que l’on assimile volontairement à l’Etat, à l’autorité absolue et à la parole d’évangile. Bref, un dirigeant légitime, même s’il en existe quelque part un autre simplement légal, nous apprend avec philosophie le «plus grand député» de tous les temps.
Pourtant, le Peuple (même tourné en bourrique pendant un laps de temps) finit toujours par gagner ses combats. Certes, c’est une affirmation motivante et optimiste, mais l’histoire est pleine d’exemples où les peuples ont mené des combats pour leurs droits, leur liberté (surtout d’expression) et leur dignité, et ont finalement obtenu un ou des changements significatifs. Pour bien balayer un escalier, il faudra toujours commencer par la marche du haut. Et ceci, toute bonne ménagère vous le dira.
Et le mouvement citoyen Rappel a tout juste fait un rappel, ce rappel.
Amadou FALL
Iee à la retraite à Guinguinéo
zemaria64@yahoo.fr