La force du Droit plutôt que l’éloge de la force

Israël est le pays qui se targue d’être la seule démocratie de la région, qui tue des milliers d’innocents de Gaza à Téhéran, au mépris du Droit et de «l’humanitude», avec le soutien et la complicité d’un monde occidental qui s’est «israélisé».
Avec Trump, un homme d’affaires qui fait de la politique, doublé de son analphabétisme en géopolitique, qui ne connaît rien à l’Iran, une Europe qui est dans les choux et à sa botte, ce sont Washington, Moscou et la Chine qui sont à la manœuvre. L’Europe sans politique moyen-orientale, n’a plus aucune capacité à être un acteur-clé. En l’absence d’une réflexion stratégique, elle se console d’une posture réactionnaire, flottante, impulsive et émotionnelle.
Pour elle, l’Iran n’est pas l’Ukraine. Quand Poutine a attaqué l’Ukraine, la réprobation était générale dans tous les médias aux ordres et les chancelleries. Poutine a été mis au ban du monde au nom du Droit international. A l’opposé, quand Netanyahu détruit tout avec son bellicisme, commet des horreurs avec des justifications fallacieuses et des prétextes bidon, l’Europe lui trouve un droit légitime à la défense. Les occidentaux crient avec Netanyahu qu’il a le droit de se défendre au mépris de la vérité, de la Justice et du Droit. Les victimes iraniennes ou gazaouies sont-elles moins humaines que les Ukrainiens ? Quelle hypocrisie consommée !
Les Etats-Uunis avec Trump au pouvoir, qui a remis en cause et de manière unilatérale les accords de 2015 négociés avec Biden et les Européens pour le remplacer par une rhétorique offensive. Les Saoudiens et les Israéliens ont participé à cette torpille. C’est cela qui a amené les Iraniens à se remettre à enrichir l’uranium. A qui la faute ? Le refus opposé aux Iraniens d’accéder aux armes nucléaires est injustifié. Les semblants de preuves apportés pour le moment par les Occidentaux ne sont pas plus pertinents que ceux avancés contre Saddam Hussein. Toutes les attaques de Tsahal sont illégitimes, illégales et impertinentes, sous couvert d’un sionisme qui à l’origine était une force politique laïque opposée aux tenants de l’orthodoxie juive, et désormais devenu religieux avec un fondamentalisme messianique lourd de tous les dangers.
Ce sionisme religieux a pris en otage l’Etat d’Israël et se moque délibérément du Droit international et des conventions de Genève. C’est ce qui explique ce à quoi nous assistons. Un état d’exception avec un droit mis sous cloche, conjugué à une exploitation et un attisement de l’antagonisme religieux entre sunnites et chiites, que certains «ignorantins» de la géopolitique jusque dans notre pays répètent comme des perroquets. Or, il convient de comprendre que le religieux est ici au service d’une politique de la puissance, de l’influence et de l’expansion. Le Droit international ne régule plus rien. Cette situation est l’exemple typique pour vérifier si l’appellation «guerre entre sunnites et chiites» est réelle ou trompeuse ?
La posture de l’Arabie saoudite, feinte ou réelle, sera déterminante pour la confirmation d’un statu quo ou la naissance d’une recomposition géopolitique entre un axe islamique et un axe occidental.
Les Etats arabes, avec ce qu’Israël a fait à Gaza, ne me semblent pas prêts à être des alliés inconditionnels au vu de leurs opinions publiques hostiles.
Certes, obsédés par l’arc chiite, notamment son programme nucléaire et son désir de leadership régional, ils peuvent changer le cours de l’histoire en se libérant de la tutelle occidentale. Les rôles de la Turquie, de la Chine et de la Russie sont à observer scrupuleusement. Les Occidentaux (politiques et une partie de l’opinion publique) ont un regard biaisé sur l’Iran qui est un pays très complexe avec un appareil d’Etat composé d’un jeu de pouvoirs et de contre-pouvoirs entre différentes factions, avec une économie détenue à 70% par l’Etat, et une opinion publique très nationaliste qui, parfois, a des relents antisionistes et antiarabes.
Dans sa guerre contre l’Irak pourtant soutenu par tous les pays sunnites et les Occidentaux, il a fait preuve de longévité en raison de son génie politique. Très équilibriste entre les conservateurs, centristes et radicaux.
L’Iran est le seul pays musulman dans la région qui fait le poids face à Israël, un «nain» sans l’aide du camp occidental. Son mythe d’invincibilité est tombé depuis 2006 avec le Hezbollah. L’Iran a toujours su que son régime était en danger face aux Occidentaux et aux Saoudiens qui jouent sur les menaces intérieures pour le faire tomber. Certes il est vrai qu’il est affaibli intérieurement par le chômage, la crise économique, les inégalités, la corruption, la confiscation des libertés publiques, le non-respect des droits des opposants, de la Société civile et des médias.
Paradoxalement, cette guerre risque de renforcer les Gardiens de la révolution, sachant que l’antiaméricanisme fait partie de leur «adn» et que les conservateurs et les radicaux au sein de l’assemblée des ayatollahs vivent de cet antagonisme.
De plus, le régime a la qualité de savoir patienter et de ne jamais dévier de son but. La patience stratégique est leur doctrine géopolitique. Son point faible majeur à mon sens est de n’avoir de relais dans le monde sunnite que ses communautés chiites. Le régime va-t-il avoir l’intelligence de corriger cela ?
Lancer une guerre est facile, mais savoir durer l’est moins. Cette guerre peut être réglée de manière réaliste et rationnelle. Il y a un réel danger à l’éclatement d’une guerre dont personne ne saurait maîtriser les ressorts et qui risque de s’exporter partout. L’incertitude est totale sur les conséquences. C’est le conflit de tous les dangers. L’Iran est en position de victime et sa ligne restera sa défense nationale quoi qu’il en coûte.
Trump saurait-il raison garder pour déjouer les manipulations de Netanyahu et le lobby des chrétiens évangéliques ?
Trump saurait-il écouter sa base électorale Maga (60% de son électorat) très opposée à toute intervention militaire ?
La chute improbable du régime sera chaotique et aucune force politique organisée ne pourrait diriger le pays le cas échéant.
Il est temps de rappeler à l’ordre l’agresseur. Ce que Netanyahu a inauguré ne fait que commencer. Son impunité face au monde ne saurait perdurer. La puissance de feu ne fait pas gagner une guerre, même si elle peut donner quelques victoires.
La motivation du régime à l’acquisition des armes nucléaires ne va pas s’entamer dans la durée. Il est urgent de sortir du désordre mondial en renouant avec le projet de paix kantien et en luttant contre la guerre hobbesienne de tous contre tous. La nécropolitique ne peut pas l’emporter sur la biopolitique.
Maya LY
mayaly25@gmail.com
1 Comments
Le Hamas n’a que ce qu’il mérite… tu sèmes, tu récoltes