Il faut le rappeler, si besoin en était encore, qu’enseigner n’est pas une sinécure et bien enseigner exige un certain nombre de ressources matérielles, morales, énergétiques et surtout pédagogiques. Etre enseignant requiert une constante remise en question de ses pratiques pédagogiques ainsi qu’une mise à jour continue de ses connaissances dans un monde en constant mouvement, un monde de défis. C’est ainsi que dans ce qui suit, nous allons revisiter une leçon importante pour les instructeurs que nous sommes, à savoir la gestion de la classe.

Pourquoi s’intéresser à la gestion de la classe ?
La gestion de la classe reste une tâche clé et primordiale pour l’enseignant tant elle occupe une place non négligeable dans le processus enseignement-apprentissage. Déjà en tant qu’éducateur, on attend de nous que nous soyons bien organisés, que nous ayons le sens de la planification. Et pour bien des experts dans ce domaine, il n’y a pas de bon enseignement-apprentissage en l’absence d’une bonne gestion de la classe. C’est ainsi que selon Marzano (2003), «a teacher’s most important activity in a typical class environment is the one related to classroom management. Learning and teaching cannot take place in a mismanaged classroom» (dans une classe donnée, la tâche la plus importante de l’enseignant est celle liée à la gestion. Dans une classe mal gérée, il ne peut y avoir d’enseignement-apprentissage). Et Magdalena Sulich, dans un article publié dans le English teaching forum de juillet 2004, d’affirmer que «one of the main problems for every teacher, especially those just starting their careers, is being able to keep peace and order in class» (l’un des plus grands problèmes pour tout enseignant, les novices en particulier, c’est de pouvoir maintenir la paix et l’ordre dans la classe).
Et puis, les enseignants à travers le monde, les enseignants sénégalais en particulier, font face à d’énormes défis, de tous ordres, parmi lesquels des classes pléthoriques. Je le dis pour m’en désoler, les effectifs dans nos classes, du moins dans le public, sont effarants. J’ai récemment lu dans un journal de la place que le gouvernement aurait recruté cette année 3 000 enseignants. Qu’à cela ne tienne ! Je vais reformuler cette assertion autrement : il n’y a pas assez d’enseignants au Sénégal. En langage simple, le nombre d’enseignants reste insuffisant et pas bien réparti par euphémisme. Quand bien même l’Etat serait en train de faire des efforts en ce sens. Ce manque criard, couplé à un déficit de salles, nous pose un sérieux challenge de gestion de la classe.
Dire que les classes à effectifs larges, (telles que nous le connaissons sous nos cieux), posent des problèmes est une vérité de la Palice. D’abord, elles offrent à l’enseignant un environnement stressant. Il faut le reconnaître, faire cours devant des élèves dont le nombre avoisine cent n’est pas chose aisée. C’est à la limite intimidant, surtout pour ceux qui viennent de démarrer leur carrière. C’est ainsi que dans sa définition de ce qu’est un «large class», David Cross (1995) suggère que c’est «une classe dont l’effectif intimide l’enseignant…». Dès lors, il apparaît clairement que dans un tel espace, le besoin de contrôle et de domination s’impose au professeur. Les autres défis que posent ces classes sont entre autres le «trop de bruit» ainsi que les fréquents incidents de discipline.

Comment mieux gérer nos classes ?
D’abord, les types d’enseignants ! Christopher Dunbar dans Best practices in classroom management affirme que, s’agissant de la gestion de la classe, il y en a quatre : the authoritative teacher (il est ferme et met des limites, mais aussi il encourage l’indépendance), the authoritarian teacher (il est ferme, place des limites et impose un contrôle total sur ses élèves, je l’appellerais le tyran), the indifferent teacher (il est peu exigeant et semble pas du tout intéressé) et enfin the laisser-aller teacher (comme son nom l’indique, ce type d’enseignant laisse faire ses élèves, c’est du «faites comme bon vous semble»). Il faudrait cependant noter que parmi ces quatre genres de professeurs, seul le premier présente des aspects positifs, du moins pour ce qui concerne la gestion de la classe : il est toujours recommandé de garder un parfait équilibre entre fermeté et tolérance avec les apprenants.
Ensuite, il est appréciable d’établir des règles de conduite avec chaque classe. Par contre, il ne s’agira nullement de lois imposées, mais ces dernières devront être fixées en concertation avec les concernés, de préférence dès le début de l’année scolaire. Impliquer les apprenants dans l’établissement de ces règles les responsabilise et ils seront plus disposés à les respecter parce que venant d’eux. Une fois ces lois établies, il faudra que l’enseignant soit constant en les appliquant de manière équitable.
Etre juste et équitable envers tous les élèves est un principe gagnant, une règle d’or qu’il ne faut jamais négliger. Les élèves n’aiment les «professeurs injustes et qui font dans la discrimination» (moi en premier quand j’étais élève). Et souvent, ils trouvent du courage à les défier. Par ailleurs, s’il faut sanctionner, il va falloir que la sanction soit proportionnelle à la faute commise. Il n’est pas bon d’exagérer ou de prendre des mesures illégales contre un élève «momentanément égaré», pour reprendre un terme de mes amis de la police. Il ne faudrait pas que l’élève, qui serait emmené à contester une punition, ait raison sur nous parce que ça amoindrit et affaiblit notre autorité. Pour éviter un tel scénario, il faut juste se calmer devant toute situation et ensuite être raisonnable dans les sanctions que nous prenons.
Last but not least, le plus important à mon avis, c’est l’aspect pédagogique. En réalité, gérer une classe ce n’est pas seulement le contrôle, la discipline, les sanctions, c’est aussi le cours en tant que tel. Pour mieux gérer une classe, le professeur doit bien préparer et planifier son cours et éviter toute improvisation. «If you fail to prepare, you should prepare to fail.» En plus, l’enseignant doit penser à rendre chacun de ses cours suffisamment intéressant et attractif pour capter l’attention de ses élèves. Un apprenant concentré parce que intéressé pose peu ou moins de problèmes. «Most students’ misbehaviour has to do with boredom» (Ronald L. Partin 1996), «l’inconduite des élèves est provoquée dans la plupart des cas par l’ennui». Et pour ce qui est de l’enseignement de l’anglais qui nous concerne, il est bon pour l’instructeur d’avoir une bonne maîtrise de la langue afin de gagner le respect de ses élèves et surtout ne jamais enseigner des erreurs.
Autres astuces pour bien gérer sa classe comprennent le fait d’être généreux et respectueux envers les apprenants, d’être enthousiaste, animé et confiant. En outre, il faut surtout éviter ce que les anglais appellent «Over-familiarity» (trop de familiarité avec les élèves). Ça tue l’autorité. Enfin, il urge pour le professeur de faire des efforts pour mieux connaître ses élèves. Et cela commence par un travail de rétention de leurs noms. C’est vrai qu’avec des classes bondées de monde, cela semble utopique, mais ça vaut la peine, si tant est que nous voulons avoir une bonne maîtrise de nos apprenants et de leur comportement.

Conclusion
Pour conclure, je voudrais préciser que ces lignes ne sont nullement une occasion de donner des leçons à qui que ce soit. C’est juste une façon de relire la littérature sur la gestion de la classe, partager avec les autres, et réviser moi-même ce sujet sur lequel j’avais consacré mon mémoire de fin de formation à la Fastef et de contribuer, tant bien que mal, à ma manière à mon propre développement professionnel et à celui de mes collègues qui me feront l’honneur de me lire. C’est vrai, comme disait l’autre, il n’y a pas de recette magique dans ce domaine, et nous faisons parfois ou souvent les frais d’une mauvaise gestion de nos classes. Et c’est justement la raison pour laquelle nous avons souvent besoin de réviser ce qu’en ont dit les experts.
Bonne année académique !
Saliou YATTE
Professeur d’anglais au lycée de Dodel/Podor département.
yatmasalih@gmail.com