Les rotations du Train express régional (Ter) ont connu des perturbations ce mercredi, du fait d’un mouvement d’humeur de travailleurs qui protestaient contre la non-reconduction d’un contrat de travail de la dame Maty Gningue, une assistante secrétaire rattachée au service maintenance de la Seter, selon la Direction générale. Par la force des réseaux sociaux et les cris du «député activiste» Guy Marius Sagna, l’histoire a vite été présentée dans les contours d’un «licenciement abusif» d’une femme enceinte par l’exploitant du Ter. Le tout dans un discours dégagiste et victimaire dont seule une officine réactionnaire comme «Frapp-France Dégage» a le secret. L’histoire est grave, car d’une simple affaire de situation de travail, un outil de transport de milliers de Dakarois n’a pas été épargné d’actes de sabotage d’agents supposés assurer sa bonne marche. Le précédent doit donner des alertes sérieuses à l’exploitant du Ter et aux futures administrations qui auront à opérer cet outil. On se rappelle encore la grève des aiguilleurs du ciel en 2017, juste après l’ouverture de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd), qui avait été une grosse tache noire sur le trafic aérien dans notre pays. Une chronique de Madiambal Diagne montrait, à travers cette paralysie du trafic aérien, comment le Sénégal savait gagner et perdre à la fois, quand toutes les conditions d’un progrès durable sont en place.

Si on s’attarde pour peu sur les cris des aboyeurs à la situation de la dame Gningue que certains de ses collègues ont voulu défendre, on se rend vite compte que son employeur a refusé de convertir en Cdi un Cdd pour un agent au comportement jugé «inadapté». Au plan juridique, il n’y a rien qui retire à un employeur la prérogative de renouveler ou non un contrat à durée déterminée dont la date d’échéance est clairement libellée, quel que soit le statut du travailleur. De plus, les statuts de femme enceinte ou de délégué du personnel, qui sont des catégories protégées du licenciement qu’on voudrait coller à la situation en l’état, auraient été pertinents si la dame était dans l’effectif permanent de son employeur. On aurait compris une levée de boucliers, si un employeur voulait se séparer d’un délégué du personnel ou d’une femme enceinte de façon souveraine, sans intervention d’un inspecteur du travail, mais on est bien loin de ce cas de figure dans cette affaire.

Un tel incident ne devrait pas être traité à la légère et l’option judiciaire prise, pour l’histoire de sabotage des trains en dissimulant les clés de onze rames pour perturber le trafic, doit être poursuivie jusqu’au bout, en sanctionnant tous les fautifs. Il est inimaginable pour des travailleurs dont les contrats les liant à leur employeur stipulent, en vue de la qualité d’infrastructures vitales de l’outil qu’ils ont la charge, l’impossibilité d’aller en grève, qu’un mouvement d’humeur cherche à bloquer l’activité. Il est une chose légitime de faire respecter ses droits dans un lieu de travail et d’être traité du mieux, mais c’est tout à fait autre chose que de vouloir faire pâtir, sur des préoccupations propres et en toute illégalité, des milliers d’usagers qui ne demandent qu’un service de transport public commode. Les travailleurs du Ter sont libres de réclamer tous les droits qu’ils pensent leur être dus par leur employeur, mais recourir à des méthodes frôlant le vandalisme devrait indigner tout délégué du personnel, pour peu consciencieux qu’il soit. Le corporatisme aveugle a fini de miner des secteurs comme la santé, la Justice et l’éducation, si les transports publics se joignent au bal, il faudrait déjà commencer à pleurer pour la productivité dans ce pays.
Les travailleurs du Ter avaient protesté en août 2022, après quelques mois d’exploitation de leur outil, en arborant des brassards rouges pour des griefs comme de mauvaises conditions de travail, du harcèlement moral et une situation de précarité. Personne n’avait trouvé à redire que d’observer une relation antagoniste entre un employeur et des employés, à laquelle il fallait trouver des solutions. Si les voies et moyens de faire connaître un différend employeurs-employés embrassent le vandalisme, il est légitime de couper court à cela par tous les moyens légaux.

Un des drames de ce pays est d’avoir entretenu une forme d’impunité par la pression corporatiste ou le jeu de la vindicte populaire quand des fautes avérées sont notées. On ne peut continuer à vivre dans un pays où à tous les gros dérapages, des sanctions molles ou de la répression plate sont les remèdes administrés. C’est bien de réclamer des droits à tout bout de champ, mais il y a toute une contrepartie en devoirs qui est requise pour garder un équilibre.
Des médecins ont menacé d’aller en grève pour défendre leurs collègues, des enseignants ont fait planer la menace de débrayage pour protéger des leurs, des associations de transporteurs ont menacé et vandalisé pour qu’on les exempte de régulation, des aiguilleurs ont bloqué le ciel pour plus d’avantages… A l’approche de l’hivernage, l’Onas a mis en place un corps de volontaires pour surveiller les égouts et stations d’épuration afin d’éviter que ceux-ci soient bourrés de sable comme cela a été noté lors du dernier hivernage. Il n’y a qu’au Sénégal qu’on surveille des égouts pour éviter des actes de sabotage. Quel acte lunaire sera encore posé demain ? Si une chose est sûre, c’est qu’en tant que communauté nationale, on préfère aux trains à l’heure les milliers d’excuses que peut offrir le retard, dans le doux confort du laxisme.
Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn