- L’amendement Aymérou Gningue fixe une fourchette de 0,8 à 1%
- Plus de 8 heures de discussions et d’invectives
- Manifs dans la ville et arrestations de leaders de l’opposition
L’opposition a posé des questions préalables, retardé l’échéance, demandé l’application stricte du Règlement intérieur et finalement boudé la séance du vote du projet de loi sur le parrainage. N’empêche, ce système controversé a été adopté par l’Assemblée nationale.
La loi instaurant le parrainage a été adoptée hier, sans débats, par une majorité de 120 députés sur 165. Mais le taux du nombre de parrainages initialement fixé à 1% a été revu à la baisse grâce à l’amendement Aymérou Gningue, président du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar. Ainsi, tout candidat à une élection présidentielle devra réunir entre 0,8% au minimum et 1% au plus du fichier électoral dans au moins 7 régions à raison de 2 000 signatures par région. Cependant, si lors du vote le projet est passé comme lettre à la poste, les débats de procédure ont été houleux, passionnés, parfois teintés de vives tensions entre députés. L’opposition, par des questions préalables, a usé de tous les moyens pour repousser l’échéance. Mais Madické Niang, Aïssata Tall Sall, Moustapha Guirassy, Abdoulaye Baldé, Issa Sall ou Ousmane Sonko n’auront pas réussi à ajourner les débats.
Moustapha Niasse a été, comme d’habitude, la cible des attaques de l’opposition. Copieusement applaudi lors de son entrée, le président de l’Assemblée nationale sera vite pris à partie par le chef du groupe Liberté et démocratie. En effet, Abdou Mbow propose un non-débat pour le projet de loi 11/2018 relatif à la répression des infractions prévues par les actes uniformes de l’Ohada. Niasse le met aux voix. «Non, M. le président, vous devez arrêter de violer allégrement la loi, on doit débattre», conteste Me Madické Niang, se levant de son siège et gesticulant à tout va. «Président Madické, demandez la parole», calme Moustapha Niasse. Il s’en suit une bataille d’interprétation entre les deux sous le regard impassible des ministres Ismaïla Madior Fall et Samba Sy.
Bagarre
Finalement, Niasse a le dernier mot et la majorité valide l’idée du 3ème vice-président de l’Assemblée nationale. La loi du plus fort ! Ousmane Sonko ne digère pas le scénario. Il préfère adopter un sourire. Le temps passe mais la discussion n’est toujours pas ouverte. Toussaint Manga demande la parole. Mais Niasse indique que les questions préalables sont épuisées. Suffisant pour que l’opposition se rue vers son siège. C’en est trop pour le député Pape Songué Diouf. Furieux envers la posture des opposants qui, à ses yeux, gagnent du temps, il tente d’asséner un coup à Toussaint Manga. Les choses se passent devant le grand pupitre. Le tohu-bohu s’empare de l’Hémicycle. L’argument des muscles fait son apparition. Le spectacle offre une sorte de bataille rangée. Comme pour montrer qu’il a lui aussi des muscles, Ousmane Sonko se débarrasse de son costume. Devant Moustapha Niasse, Mame Diarra Fam, députée libérale d’Europe du Sud, abreuve d’insanités ses collègues de la majorité. Les plus âgés dans la salle tentent de raisonner les jeunes. Niasse, impuissant, observe par un mépris la scène, les ministres gardent toujours leur sérénité. Après des minutes de confusion, Moustapha Niasse convoque les deux présidents de groupe et la représentante des députés non-inscrits, en l’occurrence Aïda Mbodj. Prévue pour 30 minutes, cette pause va durer plus d’une heure. Mais dès le retour, les divergences ressurgissent. Toussaint Manga, encore lui !
«Niasse, président dictateur et Ismaïla Madior, ministre tailleur constitutionnel»
Pourtant, dans le compromis entre Niasse, Aymérou Gningue, Madické Niang et Aïda Mbodj, il est prévu une quinzaine de questions préalables mais à raison de 3 minutes par député. «Je ferai 5 minutes parce que c’est le Règlement qui me le permet», lance, teigneux, le Secrétaire général de l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (Ujtl). Furax, Moustapha Niasse appelle le colonel chargé de veiller à la sécurité. L’homme de tenue s’exécute et s’approche du député libéral. Pas de quoi intimider le jeune poulain de Me Abdoulaye Wade. «Appelez le chef d’Etat-major général des armées, je ferai 5 minutes», défie M. Manga. Sentant la vive tension, Abdoulaye Makhtar Diop quitte son siège pour persuader Niasse. Finalement, le colonel quitte la salle et Toussaint Manga, convaincu par Madické Niang, accepte les 3 minutes. Il critique le parrainage et déchire le projet de loi dont les feuilles sont lancées en direction du ministre de la Justice. Ce dernier et Moustapha Niasse ne seront pas ratés par le député libéral, Serigne Cheikh Mbacké Bara Dolli. «Cher président-dictateur ! Cher ministre de l’injustice, tailleur de la Constitution pour Macky Sall», a-t-il lancé.
Ismaïla Madior et la «guérilla parlementaire» de l’opposition
Le député du Pds d’asséner : «Ceux-là qui étaient hier aux portes de l’Assemblée nationale pour crier : ‘’Touche pas à ma Constitution !’’, sont là aujourd’hui pour tripatouiller cette même Constitution.» En réponse, Ismaïla Madior Fall préfère ne pas répondre à la «guérilla parlementaire». Cheikh Bamba Dièye de répliquer : «Nous faisons notre travail et pas de la guérilla. Vous amenez cette loi scélérate et vous ne voulez pas qu’on en pointe les ambiguïtés.» Vers 16h, les organismes étaient fatigués. Pour ne rien arranger, 107 députés ont demandé à intervenir. «On va passer la nuit ici», rouspète un journaliste, posté depuis 8h à l’Assemblée nationale. Observant la situation, Moustapha Cissé Lô tente de décanter les choses par une proposition polémique. «Je propose le ‘’sans débat’’», dit-il sous les ovations de ses collègues de la majorité. «Vous demandiez le débat depuis ce matin, alors allons-y !», répond Cheikh Bamba Dièye. La proposition du 1er vice-président de l’Assemblée nationale passe comme lettre à la poste. En somme, Bby n’a eu aucune pitié à appliquer la démocratie du plus fort. «Qui n’est pas toujours la meilleure, comme le dit l’adage», selon Me Aïssata Tall Sall.
bgdiop@lequotidien.sn