L’Alliance pour la république (Apr) et le groupe parlementaire Benno bokk yaakaar (Bby) condamnent fermement l’appréciation faite par la mairie de Paris sur le dossier judiciaire du maire de Dakar. Pour contester cette forme de «défense» de Khalifa Sall, ces deux entités proches du pouvoir évoquent le respect de la présomption d’innocence, des droits de la défense et la crédibilité des institutions judiciaires et corps de contrôle de l’Etat du Sénégal.

L’affaire judiciaire du maire de la ville de Dakar prend de nouvelles proportions sur le terrain de la polémique. En cause : le vote par la mairie de Paris d’un «vœu appelant à la protection des ‘’maires en danger’’ à travers le monde». Le Conseil de Paris fait en effet état d’«élus locaux, garants de la démocratie locale (qui) sont de plus en plus nombreux à être pourchassés, enfermés, assignés à résidence pour ce qu’ils représentent». Cet organe de la ville de Paris note «de nombreuses situations (où) ces élus, pourtant légitimement désignés par le suffrage universel, ont été remplacés par des représentants de l’Etat central, souvent dans des conditions brutales. Plus récemment, Kha­li­fa Sall, maire de Dakar, emprisonné à cause de son bilan et de ses ambitions politiques, élu député depuis sa prison, a vu le paiement de sa caution refusé et son procès fixé à jeudi (Ndlr : aujourd’hui).»
Le souhait de la collectivité locale dirigée par Anne Hidalgo suite à une proposition de Patrick Klugman, adjoint à la maire de Paris en charge des Relations internationales et de la Francophonie, ne rencontre pas du tout l’approbation du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar (Bby) et de l’Alliance pour la république (Apr, au pouvoir). Dans des communiqués différents, le groupe parlementaire Bby et l’Apr se démarquent de la position du Conseil de Paris. Les camarades du président Ayme­rou Gning font état d’une «curieuse déclaration». Ces députés de la majorité tiennent «à préciser que les élus sénégalais ne sauraient cautionner une ‘’Internationale des maires’’, même dans une phase embryonnaire, qui viserait à les soustraire aux lois et règles de bonne gestion». «Au nom des élus sénégalais», le groupe Bby «se donne le droit de rappeler aux amis de (leur) collègue que le Sénégal est un pays majeur où le respect des règles de l’Etat de droit constitue une des principales raisons de justification de son statut de démocratie reconnue et respectée à travers le monde».

Géométrie variable
S’adressant aux élus parisiens, les députés Bby évoquent des «insinuations ne reposant sur aucun fondement» et «inacceptables» qui sont «le fait d’élus d’une commune où, pour des motifs de loin moins évidents que ceux qui justifient la mise en examen de (leur) collègue, on a poursuivi et même condamné de hautes autorités élues de France à travers des procédures et des procès dont les péripéties sont encore fraîches dans nos mémoires». Et le groupe parlementaire proche du pouvoir d’avertir : «A moins que nos collègues de Paris ne considèrent que le principe de reddition des comptes est à géométrie variable, cette sortie malheureuse contre notre pays et institutions ne peut être tolérée par le Peuple sénégalais, en particulier les démocrates et républicains que nous sommes. Le Sénégal est une République qui s’est dotée d’une constitution qui attache du prix à la bonne conduite et à la bonne gestion des affaires publiques.»
Le groupe Bby prévient que «toute tentative d’exercer des pressions sur (leur) pays et sur ses Institutions est vouée à l’échec», car le pays «s’est doté de tous les instruments de contrôle et de vérification du mode de gestion de nos ressources publiques (…), de tous les moyens juridiques, de protection et d’exercice des droits et liberté des citoyens, y compris le respect de la présomption d’innocence et la garantie de tous les moyens de défense en cas de mise en examen».

Condescendance et mépris
Sur le même registre de la désapprobation, l’Apr se signale aussi. Elle «condamne avec la dernière énergie, l’arrogance de Mme Anne Hidalgo face à la souveraineté du Sénégal, de son Peuple et de ses Institutions, notamment judiciaires». «L’appréciation du Conseil de Paris sur la procédure judiciaire en cours, faisant état ‘’d’une poursuite non naturelle et d’un jugement précipité’’, prouve la subjectivité, la condescendance et le mépris de Mme Hidalgo et ses collaborateurs à l’endroit de la République du Sénégal et de ses Institutions, pour une affaire pendante devant la justice. Cette posture, aux allures nostalgiques d’un néocolonialisme révolu, ne saurait prospérer. Le Sénégal, pays indépendant et souverain, ne saurait l’accepter», martèle l’Apr.
Pour le parti présidentiel, l’«ingérence inacceptable du Conseil de Paris et de Mme Anne Hidalgo» constitue «une insulte au Peuple sénégalais, à ses Institutions et à son Adminis­tration». L’Apr, pour justifier les déboires judiciaires du maire de Dakar, convoque «la rigueur avec laquelle l’Inspection générale d’Etat du Sénégal traite et diligente ses missions de vérification, qui a eu à déceler dans la gestion financière de la ville de Dakar, un système de fausse facturation et des factures fictives ayant conduit à l’ouverture d’une information judiciaire». Mais aussi, «le professionnalisme des services de police criminelle qui ont mené l’enquête dans le cadre de l’information judiciaire ouverte et ayant abouti à l’inculpation des prévenus, dont le maire de Dakar, poursuivis pour détournement de deniers publics, faux et usage de faux en écritures privées de commerce, escroquerie portant sur des deniers publics et blanchiment de capitaux». Le parti au pouvoir mentionne aussi, dans son argumentaire, «l’indépendance des juges d’instruction sénégalais qui ont instruit ladite affaire à charge et à décharge». Et rappelle les «pouvoirs constitutionnels de l’Assemblée nationale de la République du Sénégal, qui a voté la levée de l’immunité parlementaire du maire de Dakar, élu député après l’ouverture de l’information judiciaire».
mdiatta@lequotidien.sn