Contribution-réponse au texte «Sénégal, le temps du désenchantement»
«L’exercice de la vérité est le plus difficile qui soit», Nietzsche, Gai Savoir.
Huit «éminents» universitaires agrégés se sont fendus d’une contribution commune, «Sénégal, le temps du désenchantement démocratique». Le texte, qui est une diatribe, serait sans doute passé inaperçu si Kader Boye, Mamadou Diouf, Felwine Sarr, bien connus de la place, n’en étaient pas les signataires. On aura constaté en passant que le Goncourt Mbougar Sarr n’a pas cette fois apposé sa signature sous ce «code spaghetti».
Le ton est acerbe dans ce qui est dénoncé, à savoir le viol du principe démocratique par les tenants du pouvoir, de la souveraineté populaire, à travers une instrumentalisation, écrivent-ils, des Forces de défense et de sécurité (Fds), un contrôle de la Justice et de la Presse. Nous résumons ainsi, car nous n’avons aucunement envie de faire le même chemin de croix chaotique que nos éminents universitaires, politiquement actifs, socialement encagoulés et terriblement malhonnêtes. Après lecture du texte, on ne peut manquer d’être choqué par le déficit d’objectivité et l’occultation des principes scientifiques qui doivent asseoir toute position intellectuelle digne de ce nom. Felwine et Cie préfèrent se contenter d’une description parcellaire de la situation politico-sociale, en évitant soigneusement d’en interroger les causes profondes.
Réduire la complexité des problèmes que le Sénégal traverse à une défaillance de la machine d’Etat procède d’une vue éminemment parcellaire. Nous ajoutons volontairement parcellaire. Nous parions que leur mémoire s’est expressément détraquée, du fait de leur volonté de se voir canonisés parmi les «vertueux de la Cité» et la peur de se voir estampillés… pro-régime. C’est l’autre nom de la lâcheté. Le refus de la vérité. Un éminent penseur allemand, Friedrich Nietzsche, disait que l’exercice de la vérité est le plus difficile qui soit. Parce qu’il faut aussi et surtout s’armer de courage. On ne peut pas l’apprivoiser si on n’a pas assez domestiqué sa poitrine.
Nos vaillants «intellos» oublient de relever qu’à l’origine, au commencement de ce malaise qu’ils pointent, à l’orée de cette faille béante qui a failli fendre cette si belle société sénégalaise en deux, il y a un homme qui se nomme Ousmane Sonko. Ils «oublient» de citer le nom de Ousmane Sonko et le «Projet» dont il est porteur. Ils ne veulent pas nous dire que Ousmane Sonko, pour qui la fin justifie les moyens, a publiquement, sans prendre de gants, demandé à des jeunes à la fleur de l’âge de préparer leurs cercueils, à son image : l’appel à la mort. Comment un universitaire, agrégé, peut-il ignorer cela ? Occultation, mais surtout censure. Sinon, ils auraient aussi relevé que la pratique politique, telle que l’opposition autour de l’ex-Pastef l’actualise présentement, n’a pas d’équivalent dans l’histoire politique du Sénégal. A moins de rabaisser Mamadou Dia et ses contemporains au rang du «Gatsa gatsa». Nous avons certes connu Me Abdoulaye Wade et constaté qu’il pouvait convoquer des instincts guerriers dans l’arène politique avec des excroissances sémantiques, mais dans la pratique, il a toujours su mettre en avant le Sénégal. Nous pouvons même aligner des phrases prononcées par l’actuel Président Macky Sall lui-même lorsqu’il était dans l’opposition, qui peuvent être qualifiés d’excessives, sans jamais oublier que la République est au-dessus de toute contingence.
Mais jamais, si on veut bien sûr rester fidèle à la vérité que vous convoquez tout en vous moquant d’elle, le niveau de langage n’a atteint des profondeurs aussi glauques que depuis l’entrée en scène de ceux que vous défendez sans les nommer.
Comment appréciez-vous, messieurs les universitaires agrégés, du haut de vos chaires, l’introduction et l’apologie de la culture «Gatsa-gatsa» dans l’espace politique sénégalais ? Et dans quel paradigme démocratique connu rangeriez-vous l’appel public à déloger un Président démocratiquement élu, pour lui faire subir le même destin qu’un des dictateurs les plus féroces de l’histoire du continent africain, Samuel Doe ? Comment peut-on aligner sur le même banc, l’ancien dictateur libérien avec l’actuel Président du Sénégal ? Pourquoi bon Dieu, n’analysez-vous pas, avec la parcimonie, l’objectivité et la probité intellectuelle qui doivent vous habiter en vertu des qualités universitaires que vous mettez en avant, l’autre versant du problème ? Celui-là même qui est à l’origine d’une certaine radicalisation dans la gestion de l’ordre. Bref, pourquoi cette sélectivité, cette parcellisation de l’analyse, qui sape même les bases épistémologiques de votre position ? L’obscurité et la lumière étant les deux sœurs jumelles de la vie, pourquoi vous ne parlez jamais de Ousmane Sonko ? Pourquoi, sous vos plumes trempées au fiel, vous ne le critiquez jamais ? Cette seule faille casse tout votre édifice de mensonges bâti avec de gros mots qu’on veut vendre aux Sénégalais ; en misant sur la faillite de l’esprit critique dans ce pays.
La pensée uniforme, facile, n’a jamais rendu service aux nations libres. La vérité réfute les arguments d’autorité, elle veut le pluralisme, la différence, la nuance, l’échange, selon des critères qui ne sont pas secrets, mais connus de nous tous, parce que nous avons tous fait des études et nous savons ce que veut dire Science. La volonté de tromper le Peuple, de manipuler les esprits est réelle chez nos «agrégés du mensonge». Et c’est cela qui est plus grave et qui nous conduit dans l’autre versant du problème : la censure. On peut raisonnablement comprendre que des jeunes à la fleur de l’adolescence tombent sous le charme d’un dresseur d’esprit. Mais comment accepter que des universitaires dont certains ont déjà flirté avec la politique, viennent nous dire que tout le problème c’est l’Etat ? Comment expliquer pour des hommes de l’esprit, l’ignorance que la démocratie est un triangle de responsabilités du pouvoir, de l’opposition et du citoyen ? Cela est non seulement grave, mais aussi symptomatique d’une grande malhonnêteté intellectuelle. Le projet diffus, de noircir un homme, Macky Sall, et de lui planter des cornes à la place des oreilles, ne donne pas tous les droits.
Bassirou KÉBÉ
Président du Mouvement Liggey Sunu Reew
Responsable Apr