Ce que l’on retiendra de l’Université d’été de Pastef, cette année, ce ne seront ni les thématiques abordées, ni le projet de société souverainiste, juste, équitable porté par la rupture systémique à débattre, mais une incitation publique à la haine dont Birame Soulèye Diop assume fièrement les propos : «Ministre ou pas, si on m’insulte, je rends la pareille.»

Le président de la République, sans doute absorbé par les tâches inhérentes à ses très hautes responsabilités, ne doit pas avoir vent de cette sortie malheureuse. On en vire pour bien moins que ça quand la République est normale…

Son vénéré Premier ministre, non plus, ne soupire même pas après cette saillie… Ousmane Sonko a raison : ce pays a un problème d’autorité.

Il réside dans cette foucade de Birame Soulèye Diop, une évidence bien inquiétante : la mystique du devoir et le culte du travail n’habitent pas celui qui occupe la si prestigieuse fonction de ministre de la République chargé, excusez du peu, de l’Energie, du pétrole et des mines.

Y’a pas plus explosif comme ministère…
Avec de telles charges sur les épaules, en principe, il devrait nous regarder avec des yeux tout ronds d’étonnement quand ça lui apprend qu’il y a des Sénégalais qui ont assez de temps à perdre pour en consacrer une partie à insulter les gouvernants. Lui, ne devrait pas avoir une minute à perdre en se baladant sur les réseaux sociaux pour y dénombrer les écarts de langage de nos compatriotes.

Ses tâches devraient être absorbantes à ce point.
Parce que s’il existe un département stratégique dans notre gouvernement, par les temps qui courent, c’est bien celui dont ce monsieur est titulaire, qui serait un des principaux leviers sur lesquels notre pays devrait s’appuyer pour amorcer, enfin, le décollage économique attendu depuis soixante-cinq interminables années.

Première inquiétude : le niveau de réflexion qu’affiche un membre du gouvernement chargé de domaines aussi complexes, appelé à croiser forcément le verbe et les idées face à des pointures mondiales des hydrocarbures, de l’énergie et des mines.

Dans ces milieux smart, les propos sont mesurés et les nuances sophistiquées, parce que les enjeux sont monstrueux : pour s’y faire entendre et respecter, ça vous demande, en plus de la maîtrise des sujets, de la finesse d’esprit, de la culture, des bonnes manières.

En un mot, du savoir-vivre.
Birame Soulèye Diop, pourtant, selon le site gouvernemental, serait titulaire d’un Dea en Droit avant d’entrer à l’Ena, d’où il ressort comme inspecteur des Impôts. Ça a beau enjoliver le Cv, sur le site officiel, ça ne déniche comme «fonctions importantes» qu’un titre de «chef du Bureau de contrôle Dakar 1, entre autres responsabilités…», et ceci, il le devrait, toujours selon le site officiel, «à sa rigueur et son sens élevé du devoir».

Y’en a, dans la Fonction publique, qui ne manquent pas d’humour, n’est-ce pas ?

C’est durant cette semaine haute en couleurs que les troupes françaises font leur paquetage et rendent les clés des camps qu’elles occupent depuis la colonisation. Ce sont les dernières à bivouaquer sur le continent, hormis celles qui paient un loyer dans la Corne de l’Afrique.

Que faut-il en penser ?
Le nouveau régime sénégalais tape-t-il assez fort sur la table depuis un an pour que la France dégage, ainsi que le préconisent Guy Marius Sagna et ses troupes ? Ou alors, c’est l’Hexagone qui, pour diverses raisons, décide de changer sa stratégie en Afrique, dont la fin de la présence permanente de militaires français qui lui ferait sans doute faire des économies en ces temps de crise et d’austérité ?

C’est donc l’ère du souverainisme qui s’ouvre avec, au bout du tunnel, sans doute une fructueuse industrie d’armement qui nous permettra de faire face aux adversaires hors et en dedans de nos frontières, puisque le djihadisme sahélien frappe à nos portes tandis que le Mfdc est en train de ressusciter et faire peau neuve depuis quelque temps.

Donc, dans cette perspective, au défilé du 4 Avril 2050, tout l’attirail guerrier sera «Made in Sénégal» : les tenues, les godasses, les camions, les chars, les fusils, les mitrailleuses et leurs projectiles, les grenades, les missiles, les avions, les satellites de surveillance, les drones et, sans doute, au final, l’arme nucléaire.
Ce miracle exigera, à n’en pas douter, du régime pastéfien, d’aller à l’école où l’on enseigne la mystique du devoir et le culte du travail.

Kocc Barma 2.0 dont la philosophie de vie ne se contente pas de quatre touffes de sagesse, vient de tomber. Il aura sévi un septennat durant lequel près de cinq mille plaintes se seront accumulées entre la police, la gendarmerie et le bureau du procureur.

Chapeau bas.
Ses tombeurs, les enquêteurs de la Cybercriminalité, ne baisseront pas les bras tout ce temps. Ce ne sera sans doute pas, cette fois-ci, une affaire classée sans Sweet.

C’est aussi cela la mystique du devoir et le culte du travail.
El Hadj Babacar Dioum alias Kocc Barma est, dit-on, un informaticien issu d’une famille aisée, qui aura vécu longtemps aux Etats-Unis avant de rentrer au pays natal. La liste de ses victimes serait aussi longue que celle de ses délits.
Luc Sambou, sur Facebook, facétieux, imagine le calvaire des policiers fondamentalistes obligés de visionner plusieurs centaines de vidéos pornographiques… Dommage que Mame Mactar Guèye soit absorbé par la note de lecture de La plus secrète mémoire des hommes de Mbougar Sarr. L’œil exercé de l’âme de «Sàmm jikko yi» leur aurait été d’un inestimable apport.
Pour aller jusqu’au bout de cette sordide affaire, nos vaillants policiers ne pourront donc compter que sur leur mystique du devoir et leur culte du travail.