La décision de la Confédération africaine de football sur l’état de nos stades au Sénégal sonne une comme une piqûre de rappel pour nos administrations : il est urgent de mettre en place des outils ou mécanismes qui garantissent la qualité de la dépense, surtout par rapport aux objectifs finaux auxquels l’Etat ou la communauté a décidé de l’effectuer, et le budget de financement.
C’est gênant et même honteux pour un pays connu pour ses brillants footballeurs et encadreurs qui, naguère, avait même la prétention de voir un de ses fils présider aux destinées de la Confédération africaine de football.
L’amateurisme des autorités étatiques et non-étatiques du sport n’est plus à démontrer, d’ailleurs le président de la République n’avait-il pas pris en Conseil des ministres la décision de restituer le stade Assane Diouf sur la corniche à la jeunesse de Dakar ? Qu’en est-il jusqu’à présent ? Absolument rien sur le site.
Nos autorités du sport savent-elles qu’avec la complicité des maires, le peu d’espaces de jeux restant à Dakar est privatisé et leur usage payant, même pour les jeunes et sportifs des communes dans lesquels ces espaces sont situés ? Dans la banlieue, les espaces de jeux sont morcelés, s’ils ne sont pas convertis en cantines ou érigés en centres commerciaux.
A-t-on vraiment lâché l’Inspection générale d’Etat ou le contrôle financier pour fouiller les moult fédérations sportives qui reçoivent l’argent public, afin d’y voir plus clair sur l’utilisation des deniers publics reçus, et pour le cas du football, les transferts provenant de la Fifa ?
Et je n’oublie pas la direction des Infrastructures sportives au ministère du Sport, ou la direction de l’Administration générale et de l’équipement. Et que dire des inspecteurs internes nommés par décret présidentiel dans tous les ministères, qui ont failli à leurs obligations de suivi, contrôle et évaluation au sein de leurs administrations ou cabinets ?
Pour le cas du football, la chaîne de complicité est avérée, car nous savons tous qu’une seule et même entreprise rafle systématiquement tous les appels d’offres pour la construction et la réfection des stades. Cette entreprise et son fondateur, pourtant, ne semblent pas avoir tous les états de services requis pour de tels ouvrages, surtout après le drame du stade Demba Diop en 2017, car là aussi il s’agissait exactement de la même entreprise et du même entrepreneur.
Après le drame du stade Demba Diop, n’y avait-il pas lieu de mettre à plat tout le système de passation des marchés de nos infrastructures sportives, avec un audit exhaustif et indépendant des méthodes et pratiques au sens normatif et réglementaire ? Rien n’a été fait, car la même entreprise a repris du poil de la bête et comme pour narguer les majors de Btp qui ont fini de boycotter les appels d’offres pour les réfections des stades ; ce qui laissa un grand boulevard à la même entreprise pour continuer sa lucrative saga dans le Btp des stades.
Les soupçons de surfacturation, les malfaçons, surtout après les fortes pluies comme au stade Alassane Djigo de Pikine où le gazon s’est décollé, n’y font rien. Aucune mesure conservatoire, aucun audit, aucune investigation en interne comme en externe sur la conformité et la qualité des prestations de cette entreprise n’ont été effectués. D’ailleurs, cette entreprise dispose-t-elle d’une certification Iso pour ses services et prestations ?
Aujourd’hui, le Sénégal, qui compte pourtant des majors sérieux dans le secteur du Btp, se retrouve sans infrastructures aux normes capables d’accueillir une compétition africaine, or chaque année des dizaines de milliards du budget national sont alloués au département du Sport pour nos stades et autres lieux de sport.
L’impératif est d’aller au-delà du contrôle a priori pour mettre en place des outils de validation de la qualité des services et prestations, conformément aux principes et prescriptions de la gestion basée sur les résultats, avec bien sûr des autorités contractantes publiques suffisamment dotées en personnel technique pour les cahiers des charges et le monitoring durant les phases d’exécution.
Le Sénégal a des entreprises capables qui rayonnent partout dans la sous-région ; et bien-sûr des ingénieurs expérimentés qui peuvent piloter des travaux de construction ou réfection quelles que soient leurs complexités.
Moustapha DIAKHATE
Ex Cons Spécial Premier Ministre
Consultant en infrastructures