En décidant de changer le nom de la Place de l’Europe de Gorée pour en faire une Place de la Liberté et de la dignité humaine, la mairie de l’Île donne un signal fort au reste du pays, mais pas seulement. Pour beaucoup de gens, avoir une place de l’Europe au cœur de l’île mémoire était une hérésie. Et le fait que le maire et les conseillers municipaux de Gorée aient décidé de la débaptiser est un premier pas. Un premier pas vers la réalisation effective de ce que réclament ces mouvements qui militent pour que les rues et avenues de ce pays portent les noms de nos propres héros. Depuis de nombreuses années, mais plus ardemment encore depuis que des mouvements comme le Black lives matter ont essaimé, ou encore depuis que ces images d’un Noir agonisant sous le genou d’un policier blanc ont fait le tour du monde, la revendication est plus forte. Il y a quelques jours, interrogés dans les colonnes du Quotidien, le maire de Gorée Augustin Senghor soutenait que préserver les noms hérités de la colonisation était aussi, d’une certaine façon, une œuvre de mémoire. «Si Gorée est classée patrimoine mondial, c’est par rapport à son histoire. Est-ce que ce serait cohérent de préserver cette histoire pour les générations futures et débaptiser ces rues et surtout d’effacer cette histoire-là ?» disait-il. Qu’à cela ne tienne, s’il faut conserver toutes les traces de l’histoire, comment expliquer l’absence d’une Place Hitler, Pétain ou autre «monstre» ayant régné quelque part à travers le monde ? Aujourd’hui, avec les évènements survenus en Amérique, l’affaire George Floyd notamment, les choses semblent enfin bouger. Peut-être que Saint-Louis la belle suivra également les traces de Gorée et se décidera à remiser dans un musée la statue du «bourreau» Faidherbe.