Le Sénégal traverse une période de grande fragilité. Les prix flambent, les jeunes désespèrent, les entreprises suffoquent, et l’Etat peine à honorer ses engagements les plus élémentaires. Dans ce contexte alarmant, que voit-on ? Un Premier ministre qui annonce des «congés» en Conseil des ministres, avant de s’envoler pour un meeting politique, s’érigeant en procureur contre les magistrats et l’opposition. Le contraste est saisissant, et même inquiétant.

L’économie, grande absente du discours
L’urgence économique fut la grande absente du dernier discours de M. Ousmane Sonko. Il avait pourtant une occasion rare de parler au pays, rassurer les ménages, mobiliser les forces productives, et ainsi tracer une voie crédible vers la relance. Il a préféré régler des comptes. Aucun plan de redressement, aucune mesure concrète, aucun signal fort à l’endroit des acteurs économiques. Juste des invectives, des dénonciations, et une rhétorique de combat qui semble ignorer la gravité du moment. Gouverner, ce n’est pas militer, et un Premier ministre n’est pas un chef de parti en campagne.

Le devoir de l’Etat : gouverner, pas s’agiter
Gouverner, c’est arbitrer, prioriser, construire. C’est aussi savoir se taire quand il faut apaiser, et parler quand il faut expliquer. Or, depuis sa nomination, M. Ousmane Sonko semble incapable de sortir du costume de l’opposant. Il parle comme s’il n’avait aucun pouvoir, alors qu’il est censé l’exercer. Ses attaques répétées contre la Magistrature, ses insinuations contre l’opposition, ses démonstrations de force populaires, tout cela affaiblit l’Etat et détériore la confiance.
A ce niveau de responsabilité dans l’Etat, on doit réfléchir à deux fois avant de se prononcer publiquement. Chaque mot, chaque geste, chaque sortie officielle a un impact direct sur la stabilité du pays et sur la perception que les partenaires internationaux ont du Sénégal. A chaque fois qu’il s’exprime avec virulence ou légèreté, la note du Sénégal est dégradée par les agences de notation, plongeant encore davantage notre économie dans un marasme accablant. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait. Les marchés écoutent, les investisseurs observent, et ils sanctionnent.

Une gouvernance incohérente
A cette instabilité, s’ajoute une incohérence troublante. Comment peut-on instaurer de nouvelles taxes, alourdir la pression fiscale, et appeler les citoyens à ne pas payer leurs impôts tant que justice n’est pas rendue ? Cette posture contradictoire mine l’autorité de l’Etat et brouille les repères. Gouverner, c’est assumer des choix clairs, lisibles et cohérents avec les principes républicains.

Pendant ce temps, la maison brûle
Les urgences s’accumulent, les hôpitaux sont en crise, les enseignants en grève, les entreprises en faillite et les ménages étranglés par la vie chère. Le pays n’a pas besoin de gladiateurs, mais de bâtisseurs. Au lieu de prendre l’économie comme boussole, le gouvernement en fait un champ de ruines. M. Ousmane Sonko ne devrait avoir qu’une seule obsession : l’économie, comment relancer la production nationale, comment soutenir les Pme, comment stabiliser les prix, comment restaurer la confiance des investisseurs. Voilà les vraies questions. Le reste n’est que diversion.

Un environnement régional menaçant
Et pendant que le Sénégal s’enlise dans des débats stériles, la sous-région s’embrase. Le Mali traverse des moments difficiles, et la chute annoncée du régime au profit des groupes jihadistes aurait des conséquences désastreuses pour notre pays, aussi bien du point de vue économique, social que sécuritaire.
Le Premier ministre d’un pays frontalier doit avoir la culture des urgences : celle de la cohésion nationale, de la stabilité institutionnelle et de la solidarité régionale. L’heure n’est plus aux kermesses politiques, mais à la vigilance et à l’action.

Un mépris des risques sanitaires
Organiser un rassemblement massif dans un contexte sanitaire préoccupant devrait faire réfléchir. La fièvre de la vallée du Rift connaît une recrudescence inquiétante, avec plusieurs centaines de cas recensés à travers le pays. Est-il responsable, dans ces conditions, de faire converger des foules venues de toutes les régions du Sénégal ?
La santé publique ne saurait être sacrifiée sur l’autel de la mobilisation politique.
Un chef de gouvernement soucieux des défis auxquels son pays fait face, devrait faire preuve de prudence, de retenue et de sens des responsabilités.

Il est temps
de gouverner
M. Ousmane Sonko veut que la foule serve ses ambitions, alors qu’il doit servir le Sénégal qui a besoin d’un gouvernement qui travaille, qui écoute, qui agit, pas d’un Exécutif en campagne permanente.
Le Peuple ne demande pas des slogans, mais des solutions. Il est temps de remettre les priorités à l’endroit : l’économie d’abord, l’économie ensuite, et toujours l’économie.

Cheikhou Oumar SY
Théodore Chérif MONTEIL
Anciens parlementaires