Autant on a pu «laisser des intellectuels jouer avec des allumettes» jusqu’à ce que des étudiants incendient l’université sans qu’ils ne le condamnent, autant on ne peut pas laisser les politiciens pyromanes de l’ex-Pastef jouer avec des allumettes sur nos barils de pétrole dont le premier est attendu entre mai et juillet selon le ministre Antoine Diome. Le Sénégal va être un pays gazier et pétrolier dans quelques mois, alors que le cercle de feu du péril militaro-djihadiste est en train de se refermer sur lui. Cette situation devrait aussi être au centre de la campagne. Il est vital que les Sénégalais entendent la position des candidats sur cette question de sécurité nationale. Néron jouait de la musique quand Rome brûlait. Jusqu’à quand la classe politique va user de l’arme de distraction massive de la politique politicienne pour détourner le regard sur cette question, alors que le feu djihadiste se rapproche dangereusement de nos frontières. Il y a eu une attaque djihadiste à 60 km de Bakel il y a quelques semaines. Jusqu’à quand on va occulter les leçons de la géographie, qui «sert à faire la guerre» selon Yves Lacoste, ou aussi à l’éviter. Et la meilleure façon d’éviter la guerre est de s’y préparer, comme l’a fait le Président Sall en augmentant le budget de la défense de 250%, parce que qui veut la paix prépare la guerre. Le camp militaire de Goudiry, qui est un verrou stratégique, est une anticipation très rationnelle sur la probable guerre de l’Est. Ce qui est fort sage parce que si gouverner, c’est prévoir, «défendre, c’est prévenir».
Sur le plan de la sécurité nationale, le bilan de Macky Sall est exceptionnel. Il a réussi à préserver le Sénégal comme une exception : le dernier îlot de stabilité dans notre sous-région, malgré les assauts de la vague islamo-militaro-populiste qui se décline en complot au niveau national et en conspiration sur l’international. Le Sénégal est resté l’îlot de stabilité dans l’océan d’instabilité qu’est devenue l’Afrique de l’Ouest, parce que le Président s’est appuyé sur nos deux acteurs sur la scène internationale : le diplomate et le soldat. Le soldat avec la montée en puissance de l’Armée (augmentation budgétaire de 250%) pour être dissuasif, mais aussi le diplomate. Si la «géographie sert à faire la guerre», elle sert aussi à faire la paix, comme le prouvent les 12 ans de politique de bon voisinage avec les pays frontaliers. Le bilan de la politique de Macky Sall avec les pays frontaliers est résumé par deux ponts : Farafegny et Rosso. Douze ans pour réaliser des rêves géopolitiques de 50 ans. Ce miracle confirme deux postulats de la science politique, à savoir que des pays qui font du business se font rarement la guerre, comme le confirme le modèle de l’Union européenne qui n’est rien d’autre que la substitution de l’économie à la guerre comme mode de régulation des relations entre Etats.
C’est ce que le Président a fait avec le partage des ressources gazières avec la Mauritanie, que le très belliqueux Monsieur Ousmane Sonko menaçait de ses foudres lors de la Présidentielle de 2019. L’autre postulat sur lequel le Président s’est appuyé, veut que les démocraties ne se fassent pas la guerre. Faire partir Yahya Jammeh sans un coup de feu, en plus d’être à la fois une prouesse militaire et diplomatique, a permis à la Gambie de retrouver ses instincts démocratiques pour redevenir le frère siamois du Sénégal. En outre, il ne faut pas oublier l’accompagnement de la Guinée-Bissau pour un retour à la démocratie. Les retours de la démocratie en Gambie et en Guinée-Bissau ont été des armes de destruction massive contre le Mfdc, qui ont été aussi dévastatrices que les obus de l’Armée. Donc le «miracle» d’être le dernier îlot de stabilité de la sous-région résulte en grande partie de la vision et de la stratégie de la sécurité nationale du Président Sall.
Le Président que nous allons élire sera aussi le chef suprême des Armées. Il serait donc normal que les Sénégalais sachent ce que les candidats pensent de cette question de sécurité nationale qui est vitale, même si elle n’intéresse pas les foules. Cette question est vitale car selon mon ami Bakary Samb, notre meilleur spécialiste de cette question, les djihadistes qui veulent un accès à la mer ont décidé de réserver le Sénégal pour le «dessert». Ce qui est très plausible parce que si les intellectuels africains perdent du temps sur la question des frontières tracées lors du Congrès de Berlin, les djihadistes eux ont transcendé cette question ; et le Sénégal, qui est l’antithèse de leur projet, est naturellement leur objectif ultime. Le 24 mars, les Sénégalais devront choisir s’ils veulent que leur pays reste comme la Suisse, un îlot de paix et de stabilité alors que ses voisins étaient en guerre, ou un autre Liban, toujours théâtre de la «guerre des autres». Ces autres qui ont déjà un cheval de Troie à la Présidentielle. Le Président ne croyait pas si bien dire quand il prévenait la classe politique que nous ne sommes plus seuls sur la scène. Il parlait des autres dont la dernière attaque a eu lieu à 60 km de Kidira. Dans Le Sénégal et ses voisins, Momar Coumba Diop décrit le premier cercle autour du Sénégal comme un cercle de feu (tensions avec la Mauritanie, interventions militaires en Gambie et en Guinée-Bissau, tensions diplomatiques avec la Guinée de Sékou Touré, échec de la Fédération avec le Mali). Macky Sall a transformé le cercle de feu en un cercle de paix et de stabilité. Le premier devoir de son successeur sera de tout faire pour que le Sénégal reste le dernier rempart, l’îlot de stabilité, l’oasis de paix face à l’avancée du désert militaro-djihadiste.
Nous ne voulons pas être le prochain membre de l’Alliance des Etats du Sahel, avec un souverainisme désuet comme le propose Diomaye Faye. Alors que le Sénégal se projette sur Dubaï, il veut nous ramener au franc guinéen de Sékou Touré. Comme le vol d’Emirates, on veut décoller pour Dubaï ; il veut détourner l’avion et nous faire remonter le temps pour atterrir à Conakry sous Sékou Touré. Le souverainisme, c’est accélérer vers l’émergence et permettre au Sénégal d’être l’avant-garde, mais pas des combats d’arrière-garde.
Dr Yoro DIA
Politologue