La privatisation des services publics et droits citoyens installe une insécurité sociale à tous égards

Nous avons tous constaté que depuis l’avènement de la première alternance, en 2000, et l’instauration du régime libéral, les services publics, au Sénégal, étaient privatisés au fur et à mesure. Ils perdaient ainsi leur rôle et caractère social et cela, au détriment des citoyens qui subissaient donc de plein fouet le dépérissement et la privatisation sournoise progressive des services publics. Ainsi, à petit feu, les Sénégalais se voyaient privés de la gratuité de certains droits légitimes comme l’éducation, la santé, la sécurité et autres garanties par l’Etat. Oui, parce que tous ces services sont à la charge des contribuables par leurs impôts.
Effectivement, la privatisation des services publics de l’Etat n’est rien d’autre que le transfert des charges par ce dernier, sur le dos des contribuables. C’est l’instauration donc d’une politique libérale antisociale de fait, que l’Etat met en place. Cet état de fait est attesté par les nombreux cas de privatisation de services publics que l’on ne peut même plus compter au Sénégal et qui tendent à la généralisation tous azimuts. Et la privatisation des services publics a commencé de manière sournoise par l’école publique, pour se poursuivre après dans d’autres secteurs publics.
L’école publique était gratuite à l’époque, pour tous les enfants de la République, et assurait en outre un enseignement de qualité. Elle est aujourd’hui laissée en rade, sans moyens nécessaires pour son fonctionnement normal. Ainsi, elle est en ce moment dans un piteux état de délabrement et en perte de vitesse, faute de ressources humaines de qualité et de moyens nécessaires appropriés pour pouvoir fournir le rendement optimum attendu d’elle. L’abandon délibéré de l’école publique par l’Etat est fait sciemment, de façon dissimulée, pour décourager certains parents d’élèves à sortir leurs enfants de l’école publique au profit de l’école privée laïque. L’Etat, dans son intention de liquider l’école publique sans le dire, la plonge dans des difficultés en lui privant de ses moyens de fonctionnement correct. Ces difficultés de l’école publique ont provoqué la baisse de qualité et de niveau des études à cause, en partie, de celle du quantum horaire. Ce qui a conduit l’école publique, logiquement, à un enseignement au rabais. L’Etat a rendu payant tout ce qui était hier gratuit à l’école publique pour les parents d’élèves, donc une forme de privatisation déguisée. Ce qui a constitué une raison suffisante, pour certains parents d’élèves nantis, de transférer leurs enfants dans le privé. Les parents nantis estiment donc que c’est à l’école privée que l’on dispense un enseignement de qualité, avec la garantie d’assurer une année scolarité sans perturbation. C’est là que les régimes successifs au Sénégal, en particulier celui des Libéraux, ont conduit l’école de la République, c’est-à-dire celle du peuple ou la grande majorité des enfants de la République dont les parents sont démunis.
Venons-en maintenant au problème de sécurité publique des Sénégalais. Oui, les Forces de défense et de sécurité sont, dans une certaine mesure, en train d’être privatisées peu à peu, par exemple la Police nationale, la Gendarmerie nationale, voire l’Armée. Oui, parce que pratiquement celles-ci n’assurent plus gratuitement la sécurité publique des Sénégalais. Au contraire, elles sont mises à la disposition des autorités et leurs familles pour assurer gratuitement leur sécurité. Mais pourquoi une telle dichotomie et discrimination, ces forces-là ne sont-elles pas nationales et constituées par des fonctionnaires rémunérés et entretenus par le budget national alimenté par les contribuables sénégalais ? Ces Forces de défense et de sécurité publiques veillent en permanence sur les autorités au sommet de l’Etat. Et hormis les autorités, elles sont au service des nantis et des représentations diplomatiques, organisations internationales, des Nations unies qui paient le prix donc, une privatisation tacite. Autrement, ces Forces nationales de sécurité sont affectées à la répression des manifestations non autorisées d’opposants. Ainsi, les Forces de défense et de sécurité ne sont plus affectées à la sécurité publique des populations sénégalaises comme de coutume. Oui, elles ont, de par la Constitution, l’obligation d’assister, de protéger et sécuriser les populations physiquement ainsi que leurs biens matériels, à tout instant, par une présence permanente à travers le pays. Mais tel n’est plus le cas.
C’est une haute charge nationale de premier ordre qui exige des Forces de défense et de sécurité suffisantes à la dimension de cette tâche gratuite au service des populations, sans discrimination aucune. Il est inadmissible que nos Forces nationales de sécurité publique, que nous rémunérons par nos impôts, soient transformées en forces de sécurité au service des gens riches. L’Etat, en privatisant quasiment les Forces de sécurité nationale, enlève aux populations sénégalaises leurs moyens de sécurité publique. La restriction des tâches des forces de sécurité d’assurer et de protéger en priorité leurs populations est de fait une violation de la Constitution. Incontestablement, au regard de l’insécurité dans laquelle vivent les populations sénégalaises, ce n’est pas faux de dire que les Sénégalais sont aujourd’hui sevrés des Forces de défense et de sécurité pour préserver leur quiétude.
Puisque de tout temps, la sécurité intérieure des personnes et des biens des citoyens a toujours été à la charge de l’Etat et assurée par la police et la gendarmerie à travers le pays. Oui, parce que ces tâches-là relèvent de la compétence des services de police et de gendarmerie, car faisant partie de leur formation professionnelle. Ainsi, rien, par conséquent, ne peut justifier la privatisation de leurs services à l’endroit des populations sénégalaises, si ce n’est un excès de pouvoir de l’Etat. En conséquence, l’Etat ne peut, juridiquement, invoquer aucun argument valable pouvant justifier sa décision de retirer aux Forces de sécurité et de défense, Police et Gendarmerie nationales, leur habilité et devoir de protéger les populations. Ceci, n’importe quel Sénégalais est en mesure d’attester que la police et la gendarmerie sont loin d’être au service de leurs populations au quotidien.
L’Etat a rendu maintenant l’assurance obligatoire pour les automobilistes, mais n’a pas jugé nécessaire de prendre aussi la mesure d’obliger les assureurs à réparer les préjudices subis par leurs clients en cas d’accident. Ainsi, les clients, victimes par faute d’assistance de l’Etat, sont livrés à des bourreaux d’assureurs et peinent donc à obtenir réparation de leurs préjudices. Lorsque leurs assureurs, sans aucune contrainte de l’Etat, agissent à leur guise. Alors que dans les règles, l’Etat doit contraindre les assureurs à réparer obligatoirement les dégâts subis par leurs clients, conformément aux termes du contrat. Mais, hélas ! Ceci confirme parfaitement la forte tendance à la privatisation des services publics de façon générale. En effet, la suppression du service des constats de la police participe à une privatisation généralisée des services publics qui ne dit pas son nom. Ce service-là intervenait rapidement pour faire le constat lors des accidents. Mais aujourd’hui, en cas d’accident de circulation, les automobilistes sont obligés de s’adresser à un huissier pour faire le constat et dresser un Pv qui sera payé cash par le demandeur. A l’époque, la plupart de ces charges étaient supportées par l’Etat au titre des services publics, mais aujourd’hui, avec la privatisation, elles sont transférées sur le dos des contribuables.
Il faut nécessairement révoquer la décision inappropriée qui consiste à confier le constat des accidents de circulation aux huissiers pour le rendre aux services de police et de gendarmerie. La privatisation de ce service public prive encore les citoyens d’un service gratuit qui leur était garanti par l’Etat. Et en plus de l’insuffisance des huissiers pour couvrir le territoire national, ils sont aussi peu outillés pour accomplir avec satisfaction cette tâche aussi vaste. Cette tâche exige non seulement promptitude, diligence et des moyens matériels appropriés, mais aussi des ressources humaines compétentes. Il faut noter en outre le coût très onéreux de leur prestation, sans garantie de la qualité, compte tenu de la modestie de leurs moyens très réduits face aux nombreux cas d’accidents de circulation qui se produisent chaque jour au Sénégal. Enfin, cette tâche de procéder aux constats des accidents de la circulation routière dépasse leur hauteur et n’est pas non plus dans leur rôle, si ce n’est exceptionnellement. Les huissiers, à dire vrai, sont incapables de s’acquitter convenablement de cette charge qui dépasse leur capacité dans leur état actuel. L’Etat doit être sérieux, savoir raison garder et mettre fin à cette farce.
Par conséquent, il doit remettre les Forces de sécurité et de défense à leur juste place, c’est-à-dire dans leur véritable rôle de sécuriser les populations et leurs biens. Donc, en priorité, que toutes les forces se mobilisent et se remettent exclusivement au service des populations pour leur sécurité. Ce qui exige naturellement le renforcement des moyens humains pour leur permettre d’assumer leur tâche avec hauteur, de se déployer en permanence jour et nuit pour la sauvegarde des citoyens et de leurs biens. Comme on le note, la sécurité publique a énormément fait défaut depuis des décennies au Sénégal. Et cela est attesté par les innombrables vols, agressions, meurtres crapuleux, cambriolages de banques, magasins, etc., exécutés par des bandits en toute liberté, parfois en plein jour, et dans l’ensemble du pays. Mais, ce qui précède ne suffit-il pas comme preuve irréfutable d’une insécurité généralisée ? Voici quelques cas de vol qui prouvent et illustrent combien l’insécurité sévit au Sénégal. Des brigands ont réussi à saboter l’interrupteur aérien de la Senelec, emportant dans leur fuite 9 compteurs. Ensuite, les poteaux et lampadaires qui bordaient la voie de contournement de Thiès ont été aussi emportés par les voleurs, mais pas un seul n’a été arrêté. Mais est-ce que dans de telles conditions, nous sommes vraiment en sécurité au Sénégal ?
L’Etat incite à la privatisation de la santé publique au Sénégal. Et il utilise le même procédé que pour la privatisation de l’école publique. Le Sénégal vit un déficit criard de structures sanitaires publiques. Hé oui, il est très loin de disposer d’assez de structures pour répondre aux besoins considérables du pays. Et ces structures, au-delà de leur nombre insuffisant, sont sous-équipées en matériels techniques suffisants et en ressources humaines qualifiées. Donc, ce déficit incontestable de structures sanitaires publiques au Sénégal a incité naturellement à l’ouverture de cliniques privées bien équipées, avec du matériel de dernier cri.
Certains hôpitaux publics sont actuellement dans un piteux état et techniquement dans un état lamentable. Les grands hôpitaux nationaux disposant à peu près d’un plateau médical acceptable se trouvent tous à Dakar, mais avec des tarifs onéreux insupportables pour les couches défavorisées. Ces dernières ont, en outre, une très faible capacité d’accueil des malades. Ce qui les oblige à renvoyer souvent des patients faute de place et dont quelques-uns viennent parfois des régions. Certains patients refoulés seront contraints de se rabattre dans des cliniques privées malgré leurs tarifs onéreux. Il s’ajoute, à tous ces inconvénients, un accueil qui frise l’irrespect des patients par un personnel dépourvu du minimum de conscience professionnelle et une qualité des soins qui laisse à désirer. Ce qui s’est passé récemment à l’hôpital de Louga corrobore ce qui vient d’être dit.
Mais à quoi donc servent l’Assemblée nationale, la Médiature de la République, le Comité sénégalais des droits de l’Homme, etc. face aux multiples violations flagrantes des droits des citoyens par l’Etat. Oui, parce que toutes ces institutions ont pour rôle principal de contrôler l’action gouvernementale, rétablir les torts causés aux citoyens par le gouvernement. Au total, celles-ci devraient veiller à ce que les droits des citoyens ne soient pas violés par quiconque. Mais, hélas ! Au regard des conditions dans lesquelles vivent actuellement les Sénégalais, il est clairement établi que les autorités en question n’ont pas convenablement exécuté leurs tâches. Car elles ont observé le gouvernement violer délibérément les droits des citoyens sans réagir, par exemple:
Le non-respect des libertés et droits fondamentaux du citoyen ;
Le non-respect du statut d’Etat de droit dans lequel tous les citoyens sont au même pied, sous le contrôle d’une Justice indépendante et équitable ;
Le non-respect de l’égal accès de tous les citoyens aux services publics ;
Le non-respect de l’élimination, sous toutes les formes, des inégalités, de l’injustice et de la discrimination ;
Partageons cette pertinente réflexion : «…comme Pythagore le disait déjà à son époque, l’harmonie et le bon fonctionnement d’une société reposent sur un équilibre entre les droits et les devoirs de chacun. Lorsque cet équilibre est rompu, la discorde, pour ne pas dire l’anarchie, s’instaure. Puis la dictature fait tôt ou tard son apparition, avec ce qui en résulte en termes de répression et de suppression des libertés…»
La suppression des services publics est une politique libérale au détriment des populations, qui prend de plus en plus d’ampleur et rend la vie des citoyens plus difficile dans la République.
Mandiaye GAYE
mandiaye15@gmail. com