Malgré les évolutions technologiques, les ventes de vinyles continuent d’augmenter. Elles ont quintuplé en cinq ans selon les chiffres du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) publiés le 14 mars. Paradoxalement, ces galettes noires ne séduisent pas que les nostalgiques, mais de plus en plus la jeune génération.
«Je trouve qu’il y a quelque chose d’indépassable avec le support physique. J’aime bien avoir un objet, le conserver, le ressortir, le faire vivre. Le tout virtuel, c’est froid, impersonnel.» Agé de 26 ans, Mehdi n’a pas connu l’époque du vinyle comme format privilégié dans la musique, remplacé progressivement par le Cd dans les années 1980. Pourtant, il en possède déjà plus d’une centaine.
A l’heure de la dématérialisation, ce jeune Lyonnais reste attaché au support physique. Plus «noble» selon lui. «Le vinyle correspond à ma façon d’écouter de la musique : souvent, j’écoute un album sans faire rien d’autre, comme si j’étais devant un film», explique-t-il.
En cinq ans, les ventes de vinyles ont été multipliées par cinq, tant en volume qu’en chiffres d’affaires, selon les chiffres du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) publiés le 14 mars. Les ventes de platines ont quant à elles augmenté de 60 % par rapport à 2016. Des chiffres d’autant plus surprenants que, selon le Snep, le streaming a pour la première fois dépassé les ventes physiques de musique (Cd et vinyles) en France en 2018.
Et contrairement aux idées reçues, les acheteurs des fameuses galettes noires ne sont pas que des nostalgiques. Comme Mehdi, les jeunes sont de plus en plus nombreux à les plébisciter. Selon le Snep, les moins de 30 ans représentent aujourd’hui près du tiers des acheteurs.
Du côté des disquaires, on constate logiquement cet engouement pour le vinyle chez les jeunes. «Il y en a beaucoup plus qu’avant sur la tranche 25-30 ans. Ce sont souvent des jeunes qui s’équipent d’une platine, pour les nouveaux clients, qui achètent leurs premiers vinyles, ou qui en offrent à leurs amis», observe Alan Briand, vendeur à Bigwax Records à Paris.
«Beaucoup d’entre eux s’intéressent à de la musique de niche, disponible plus souvent en vinyle qu’en digital», précise-t-il. «Ce qui les intéresse aussi, c’est la démarche de la recherche : ne pas se faire suggérer de la musique par un algorithme, mais tomber dessus par hasard.»
Pour Sophian Fanen, journaliste et cofondateur du média en ligne LesJours.fr, auteur de «Boulevard du stream» (Le Castor Astral, 2017), ce retour en grâce du vinyle n’est guère surprenant : «Plus on dématérialise d’un côté, plus on rematérialise de l’autre. Le streaming étant une dématérialisation extrême, on revient assez logiquement au vinyle, le format le plus physique», analyse-t-il.
L’une des nouveautés, selon lui, concerne l’achat de platines qui progresse chez les jeunes. «Pendant longtemps, ils achetaient des vinyles, mais n’avaient pas de platine. Ils achetaient juste pour le souvenir, comme on peut acheter un t-shirt. Maintenant, il y a une écoute du vinyle qui se réinstalle chez les jeunes.»
Pour Sophian Fanen, cette situation s’explique par un «effet mécanique», de plus en plus de platines étant disponibles sur le marché. «Il y a 10 ans, il n’y en avait pas ou elles étaient chères. Depuis quelques années, on en trouve dans des grandes surfaces comme la Fnac. Au même moment, les grands majors ont lancé des campagnes de pressage de vinyles, vendus à seulement 10 euros.»
Ce «retour vers le futur» durera-t-il ? Difficile de le savoir selon Sophian Fanen. «On est dans un entre-deux. Les moins de 30 ans ont grandi avec des parents qui sont eux-mêmes revenus aux vinyles. Mais leurs enfants auront-ils une pratique du vinyle ?» Avant d’ajouter : «Peut-être que le Cd aura aussi son moment de gloire nostalgique ?»
rfi.fr