La Cour des comptes a publié son rapport sur la gestion du Fonds de riposte de la pandémie du Covid-19. Le document de très grande qualité montre le sérieux des magistrats de la Cour en matière d’audit et de contrôle des comptes publics. La Cour a émis de recommandations visant la correction de dysfonctionnements notés de la part des organismes publics et a demandé l’ouverture d’informations judiciaires concernant des fautes de gestion présumées. La réforme de la Cour des comptes intervenue en 2012 permet l’élargissement de son périmètre d’action et son efficacité. Pour être en cohérence avec l’exigence déclarée de gestion vertueuse des deniers publics, les recommandations de la Cour doivent être mises en œuvre par les administrations concernées. Les auteurs présumés de malversations financières doivent être poursuivis, et s’ils sont coupables, une punition conformément à la loi doit leur être infligée. Il est inacceptable, dans les conditions tragiques d’une pandémie qui a provoqué des morts, des pertes d’emplois, une psychose nationale et un ralentissement de l’activité économique, que des individus, agents publics ou non, s’adonnent à des pratiques indélicates sur les deniers publics. Il s’ajoute que dans les temps troubles que notre pays traverse, les populismes prospèrent également sur la récurrence des scandales de gestion publique et l’absence de sanctions.
Le rapport de la Cour des comptes a provoqué de multiples réactions.
L’opposition est dans son rôle quand elle pointe les dysfonctionnements notés, critique avec véhémence la gestion du régime et exagère même les montants pour accroître le niveau de colère de nos concitoyens qui ont souffert le martyre durant les heures les plus sombres de la pandémie.

Du côté du régime, il faut saluer la réaction digne du ministre chargé des Finances, qui a fait preuve de maîtrise de ses dossiers, de tenue et de hauteur. Son attitude, qui sied au rang de ministre de la République, n’est hélas pas celle de tout le monde. A ce propos, il est sidérant de voir des membres d’un gouvernement s’en prendre publiquement aux instruments d’audit et de contrôle des finances publiques, accusant de hauts fonctionnaires sans preuve et sans retenue.

Un ministre a osé émettre des critiques à l’encontre de l’Ofnac qui aurait, selon lui, les mêmes couleurs que le parti Pastef, et serait ainsi un instrument piloté par cette formation politique. Pour rappel, l’Ofnac a été créé par la loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012. L’Office est la première création du Président Sall en matière de contrôle des finances publiques et de lutte contre la corruption. Il a conféré à l’institution un pouvoir d’auto-saisine et d’investigations, contrairement à la défunte Commission nationale de lutte contre la non-transparence, la corruption et la concussion.

Un autre ministre traite certains magistrats de la Cour des comptes de «politiciens encagoulés qui ont des casquettes politiques et se cachent derrière des institutions pour atteindre leur but». Ces attaques graves à l’encontre des institutions républicaines ne sont pas nouvelles. Elles sont conformes au peu d’égard que ces gens ont pour la République et pour l’Etat au service duquel ils sont. Malgré leurs propos outranciers, ils restent en fonction, ce qui tend à encourager la tentation à discréditer nos institutions républicaines.

En 2015, Moustapha Diop, à l’époque ministre délégué chargé de la Microfinance, avait fait entrave au contrôle du Fonds national de promotion de l’entreprenariat féminin et accusé les magistrats d’avoir reçu de l’argent. La Cour avait porté plainte contre M. Diop auprès du procureur de la République pour propos diffamatoires et entrave à l’action de la Cour et à l’exercice régulier des fonctions de magistrat.

«Le premier devoir d’une République est de faire des républicains», disait Ferdinand Buisson. Des ministres, députés, maires et autres personnels politiques ne peuvent atteindre à la réputation de magistrats qui servent le pays qu’ils prétendent servir. Il y a un souci de tenue et de décence chez ces personnalités, qui ne méritent pas de servir l’Etat du Sénégal. Ces gens, en tenant sans sourciller des propos aussi outranciers vis-à-vis des institutions républicaines, ne peuvent valablement critiquer des pans de l’opposition anti-républicaine sénégalaise qui versent au quotidien dans la désacralisation des symboles de la République. Finalement, ont-ils tous puisé à la même source : celle de l’irresponsabilité et de l’incapacité à servir à de hautes fonctions. C’est un devoir de préserver la République des ravages de cette partie de l’élite.
Par Hamidou ANNE
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