Informé de son rappel à Dieu, j’ai ressenti et vécu un monde qui s’effondre, un baobab déraciné par un violent orage, en pleine saison sèche, un séisme comparable à celui de Valdivia de 1960.
J’ai alors convoqué le vacarme du silence et mon bon sens m’a orienté vers le Maitre de nos destins individuels et collectifs, Celui qui décide sans nous consulter et dont les décisions sont sans recours : notre Dieu à nous tous.
J’ai une peur bleue de parler de feu El hadji Malick Sy «Souris». Ceci tient essentiellement au fait que dès l’entrée en matière du préambule de mon introduction, je suis agressé par les futures insuffisances de mon propos. Il en est ainsi lorsqu’on parle d’un homme multidimensionnel dont les trajectoires sont toujours imbibées d’une forte dose d’éléments ignorés mais importants.
Oui, je fais partie de ces gamins qui couraient apprès la Vespa de notre idole, étudiant et international de foot, en criant «Vive la JA».
Oui, je me rappelle la forte prescription de mon père qui m’avait demandé de suivre les conseils éclairés de feu El hadji Malick Sy «Souris». Cette passation de charges m’a confirmé qu’aucun père n’est éternel et qu’un héritage peut être, à la fois, matériel et immatériel.
El hadji Malick Sy «Souris» était un homme humble armé d’une culture encyclopédique, un intellectuel cadre de haut niveau, un sportif, bref un don Quichotte d’une générosité folle, d’une grande sensibilité humaine facilement assimilable à une timidité, d’une fidélité en amitié inaltérable.
Hors du Sénégal, on se parlait chaque dimanche, à 16 heures (Rome). Nous échangions sur l’actualité politique nationale et internationale, sur tous les secteurs d’activités socioéconomiques de notre pays, du sport, des mutations en cours dans l’administration nationale et internationale, sur la gouvernance du monde, etc.
Sur chacun de ces points, il m’arrivait souvent de lui dire, après ces discussions dominicales, que sa popularité de grand sportif a gagné le match face à sa dimension intellectuelle. C’est avec le sourire qu’il me répondait en ces termes : «Le sport n’est pas l’affaire d’une élite jalouse de ses privilèges et prérogatives. C’est pourquoi il a gagné le match et on oublie souvent mon cursus académique et professionnel.»
El hadji Malick Sy «Souris» est de la Médina
Dans son ouvrage intitulé «Arc en Ciel» que j’ai eu à préfacer, j’avais évoqué son attachement à la Médina, ce quartier mythique de la ville de Dakar, que je partage avec lui, frappé du sceau de l’originalité culturelle, sociale et religieuse : les maisons y sont ouvertes de jour comme de nuit, nombre de grandes familles confrériques y ont élu domicile, les rues y ont revendiqué et obtenu leur part dans l’éducation de tous les natifs, la bravoure y est magnifiée, la générosité n’y est pas décrétée, elle y est naturelle, le sport s’y est imposé, l’élégance y est une vertu, sans compter les vagues de la très ancienne plage de Soumbédioune qui font partie du décor, de même que les cris marquants de notre adhésion à la liberté intégrale, la vraie qui exacerbe la fierté des «médinoises» et «médinois».
L’éducation reçue dans l’environnement familial, à l’école française et au Daara, a fortement et positivement impacté sa personnalité. C’est un ensemble de valeurs sur lesquelles sa vie a toujours reposé. Très tôt, il a affronté les difficultés de la vie avec la disparition de son père à l’âge de 5 ans, mais assisté par une main invisible.
Grand commis de l’Administration publique pour avoir intégré le corps des Inspecteurs dans la hiérarchie A, «Souris» a su vivre pleinement sa passion malgré quelques moments durement vécus, au prix de cette passion, au cours de ses études supérieures. Concomitamment à ses charges de haut cadre de l’Administration et au niveau international, il restait et demeurait un inconditionnel du ballon rond. Depuis sa rencontre avec Kéba Mbaye qui l’inspira, dit-il, son regard sur le futur a changé : «Kéba me disait que c’était possible. Le foot et les études pourront demain cohabiter pour le grand bien de notre pays.»
Mes condoléances à sa famille, au président de la République, à la communauté sportive nationale et internationale, à ses anciens collègues de l’administration fiscale, à la Médina, à la Jeanne d’arc et aux frères unis de Dakar.
Adieu, cher conseiller, cher confident, chère référence inoxydable!!!
Tu nous manques déjà mais nous prions intensément pour toi.
Dr Papa Abdoulaye SECK