Les enjeux de développement intègrent plusieurs problématiques dont celle liée aux demandes de jeunesse. En effet, les différents paradigmes qui gravitent autour des questions juvéniles prennent essentiellement comme pivots la formation à un métier et l’insertion professionnelle.
Aujourd’hui, avec la diversification de l’offre de formation et la multiplication des instituts d’enseignement technique et professionnel, nous notons un regain d’intérêt sur la finalité de l’éducation en général et du problème du devenir des bénéficiaires en particulier. En effet, la problématique de l’insertion professionnelle se pose avec insistance à tous les acteurs : les Etats, les employeurs, les chercheurs d’emploi, les institutions internationales, voire les acteurs des systèmes éducatifs formels et non formels. Cependant, les politiques éducatives empruntent globalement des voies qui ne garantissent pas souvent l’employabilité des bénéficiaires et remettent en question l’efficacité externe des programmes éducatifs.
L’insertion reste aujourd’hui la grande préoccupation des acteurs des systèmes éducatifs classiques (formels) ou décloisonnés (non formels). En effet, les difficultés des jeunes à accéder au monde du travail sont liées à plusieurs facteurs. Ce sont les contre-performances de l’économie, l’inadéquation du système de production des qualifications par rapport aux besoins du marché, le manque d’informations fiables sur le marché du travail, la méconnaissance du mode de fonctionnement des institutions de promotion de l’emploi des jeunes, la faible capacité de création d’emplois du secteur privé et surtout l’inefficacité persistante des structures de coordination, pour créer un lien entre les offreurs et les demandeurs d’emploi.
Tous ces facteurs ont conduit à une situation léthargique dans la frange la plus importante et la plus vulnérable de la population – la jeunesse – qui ne voit aucun lendemain florissant. L’incapacité à trouver un emploi salarié ou dans une moindre mesure, à s’engager dans l’auto-emploi, traduit le trop-plein de frustration des primo-demandeurs et accentue les disparités sociales en matière d’emploi. L’accès au précieux sésame est patrimonialisé et se lègue de génération en génération pour certains. Ce type de pratiques corrompt le fonctionnement normal de nos différents services dans le public ou le privé et cause une inadéquation entre le profil professionnel requis et le «parrainé ou recommandé», en toute ignorance des procédures du recrutement.
L’érection de cette pratique en sacerdoce annihile les maigres espoirs d’un bien-être social et de dignité humaine la plus infime. La masse silencieuse reste oisive au moment où une portion congrue plastronne au sommet de l’emploi et en change comme une chemise désuète. Quid des sillons balisés par les autorités ? L’injustice sociale s’accentue entre les différentes couches de notre société, avec son corolaire le mépris de la méritocratie au détriment de la médiocratie infuse portée en bandoulière par des privilégiés qui en usent et abusent sans pudeur.
Hélas, le réveil risque d’être brutal pour ceux qui ont toujours porté des œillères, malgré les multiples initiatives de l’Etat pour conjurer les démons du chômage des jeunes. Ainsi, naissent les sorciers de l’insertion ! Cette catégorie de non-sachants qui confondent à foison les notions d’«emploi» à d’«employabilité», d’«insertion professionnelle» à d’«insertion sociale» et se perdent dans des divagations qui ne font qu’égarer le commun des Sénégalais. Il faut comprendre que la situation reste très préoccupante pour laisser une marge de manœuvre à des «ignorants de l’insertion» qui préconisent des solutions synchroniques pour apaiser l’ire de la jeunesse. Il nous est interdit, à tous, quelle qu’en soit notre station, de vouloir solutionner les questions de l’emploi par des actions sporadiques, non réfléchies ou simplement pour amorcer une course folle vers une collecte des données statistiques en déphasage avec la réalité. Qui plus est, il faut reconnaître que les différents services et directions en charge de l’emploi restent, chacun, dans une logique de concurrence au détriment d’une collaboration et d’une mutualisation qui éviteraient les redondances des actions et, du même coup, propulseraient les initiatives de la tutelle.
La question de l’emploi doit adopter une approche systémique qui inclut tous les acteurs : de la cellule d’insertion au niveau de nos centres de formation professionnelle jusqu’au «Conseil présidentiel pour l’emploi des jeunes», en passant par les directions dédiées, sans oublier les secteurs informel et non formel. Pour réussir la manœuvre, il faut un diagnostic approfondi qui sera le produit des desiderata des communautés de base, des mouvements de jeunesse, des groupements de femmes, des personnes vivant avec un handicap… et non une affaire de bureaucrates ou d’experts consultants en Management cloîtrés entre quatre murs. La question reste plus profonde et plus complexe.
Par conséquent, il ne peut y avoir une approche «top down» avec des penseurs carrément en dehors des problématiques de jeunesse ou dans des conseils qui repiquent in fine des modèles exogènes à notre culture, à nos réalités. Ainsi, s’agit-il, sans se recroqueviller sur nous-mêmes, de faire un benchmarking intelligent à la sénégalaise pour répondre à une problématique d’emploi à la sénégalaise.
El hadji SAMB Chercheur en Education-formation
Responsable de la Cellule d’insertion
CFPC De Lafosse-Dakar