L’après-téra meeting du 8 novembre 2025 finit donc par une bouderie à laquelle il faut bien mettre un terme avant que cela ne ressemble à une humiliante capitulation qui risque de virer au strip-tease. Déjà, les directeurs et ministres, d’habitude si prompts à défendre le gourou de Pastef, cette fois-ci, restent étonnamment silencieux. Bien sûr, il existera toujours un matamore qui fera semblant de vivre dangereusement, histoire de se faire remarquer.
Au final, c’est une délégation du Bureau politique de Pastef qui se voit obligée d’aller sauver la face à son président dont la bouderie finit par avoir quelque chose d’aussi agaçant que pitoyable.
Sur l’essentiel, comprenez l’enterrement de la Coalition Diomaye Président que symboliseraient les limogeages de Mimi Touré et de Abdourahmane Diouf, le chef de l’Etat ne lâche rien. Bien au contraire, ça recrute de plus belle, de préférence dans les rangs des élus locaux… Et lorsque la question qui fâche lui est posée concernant sa candidature en 2029, le Président leur sert une bien niaise pirouette : il n’est même pas sûr d’être encore en vie à cette période…
Ben voyons, touchons du bois : s’il y a un Sénégalais dont l’espérance de vie va au moins jusqu’en 2029, c’est bien le président de la République pour la sécurité duquel l’Etat est prêt à toutes les folies. Lorsqu’il se déplace même pour la plus insignifiante des cérémonies, c’est toute la soldatesque qui se déploie pour jalonner son parcours, tandis que les motards ouvrent le cortège au sein duquel s’entassent une armée de gorilles, suivie d’une ambulance avec un médecin à bord.
Revenons à nos moutons, aux alentours du Stade Léopold Sédar Senghor, après le 8 novembre 2025.
La réponse du Président Bassirou Diomaye Faye au téra meeting de Pastef sur un parking de stade, ultime démonstration de force de son turbulent Premier ministre, n’aura pas tardé : huit jours après, le chef suprême en militaire, le président de la République, à l’occasion des journées de l’Armée, s’offre une téra randonnée à la tête de quatre mille cinq cents bidasses et officiers en bloc compact et dans une tenue sportive identique, sur les grandes artères de la capitale.
Bien sûr, la Grande Muette ne se mêlera pas des querelles de clochers entre politiciens en désamour progressif. Elle a bien d’autres chats à fouetter que d’arbitrer des appétits de pouvoir légitimes, tant que la compétition se limite à un honnête remplissage d’urnes, n’est-ce pas ? Il n’empêche, lorsque l’on menace les fondements de la République en s’attaquant à l’honorabilité de son chef suprême, elle ne peut manquer de rappeler qu’elle se tient en bloc derrière le président de la République auquel elle fait allégeance dès son investiture.
Le message est-il suffisamment clair ? Mystère et boule de gomme…
Toujours est-il que la conquête du pouvoir par les deux camarades de Pastef en instance de divorce n’en finit pas de nous faire passer par toutes les émotions. On rembobine ?
Après l’épisode surréaliste des deux détenus sortis de prison pour remporter la Présidentielle du 24 mars 2024 en dix jours sous la bannière de la Coalition Diomaye Président et les cris de «Diomaye môy Sonko», ça pourrait légitimement croire qu’une page inédite s’ouvre pour cette vieille et curieuse démocratie qu’est le Sénégal.
Certes, ça rappelle vaguement la tragédie de Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia, tous deux investis en 1960 d’une égale légitimité par le même Parlement, au lendemain de la dissolution de la Fédération du Mali. C’est vrai, en 2000, les duettistes Abdoulaye Wade et Idrissa Seck affichent l’image attendrissante du père et son fils qui font tomber le régime Ps avec juste leurs larges sourires et leurs bretelles, perchés sur une décapotable par-dessus la foule des badauds, les doigts en V.
Leurs déchirements ont beau verser des larmes dans les bidonvilles, la rupture sera définitive malgré les allers-retours nocturnes de Idrissa Seck au Palais. Macky Sall et Mimi Touré ? Ça finit en eau de boudin au point que l’ancienne égérie de l’Apr est l’une des chevilles ouvrières de la victoire de Bassirou Diomaye Faye au sein de la Coalition Diomaye Président.
Le slogan «Diomaye môy Sonko», qui les mène à la victoire en mars 2024, laisse croire qu’ils ne sont pas comme leurs prédécesseurs.
On a tout faux.
Le pouvoir ne se partage pas et les fissures avant élections entre le duo ne font que s’élargir. Récemment, dans les cercles proches du Président Bassirou Diomaye Faye, ça se plaît à rappeler les épisodes précédents : Ousmane Sonko, au faîte de sa gloire, préfère adouber Habib Sy ou même Cheikh Tidiane Dièye.
Le candidat Bassirou Diomaye Faye devra se débrouiller tout seul, comme un grand, rappelle-t-on : il se fait repêcher à l’épreuve des parrainages de justesse et, apparemment, sa caution relèverait presque du tour de magie de la coalition qui présente sa candidature. Mieux, ou pire, lorsque Macky Sall décide de reporter la Présidentielle à décembre 2024, il a l’onction du leader de Pastef qui se heurte alors au refus de Diomaye et sa coalition : il n’est pas question de quelque report que ce soit…
Le Conseil constitutionnel viendra anéantir tout espoir de voir Ousmane Sonko, Karim Wade et, sans doute, Macky Sall, revenir dans la course en 2024.
Sonko, sorti de prison en même temps que son compagnon de gnouf, a-t-il vraiment d’autre choix que de soutenir la candidature de Bassirou Diomaye Faye, seul candidat de Pastef dans la course ? Lorsque tombent les résultats et que le sort en est jeté, c’est
peut-être là que tout se joue. Dans ses
remerciements le jour de son investiture, Bassirou Diomaye Faye remercie le Peuple sénégalais et sa famille.
Pas un mot de reconnaissance pour Ousmane Sonko.
Certes, il le nomme Premier ministre, lui laisse quelques coudées franches concernant les nominations aux postes de direction, mais garde la haute main sur la Sécurité et la Justice.
Après l’entourloupe de la dissolution du Parlement devant lequel le Premier ministre rechigne à présenter sa Déclaration de politique générale, arrivent les Législatives du 17 novembre 2024 : logiquement, ce devrait être une coalition du camp présidentiel qui devrait en découdre avec l’opposition. Dans les couloirs du Palais, il est question d’un mouvement «Dôlêl Diomaye».
Ousmane Sonko se fera tranchant : ce sera Pastef ou rien.
Sa razzia au Parlement, avec cent trente sièges, conforte la certitude que même le fauteuil du Président est légitimement le sien. Il ne doute plus et n’a pas le triomphe modeste. Il veut gouverner avec tous les pouvoirs et s’impatiente au point de clamer urbi et orbi que ce pays a «un problème d’autorité». Suivez son regard.
Le remaniement logiquement attendu se fait désirer : il n’obtiendra qu’un réaménagement au bout de longs mois. Yassine Fall à la Justice et Bamba Cissé à l’Intérieur sont les seuls postes qu’il parvient à arracher de haute lutte…
Pendant ce temps, le Président Diomaye Faye, ce taiseux, commence à scruter d’autres horizons : il est manifeste que Pastef ne sera jamais un appareil sur lequel il pourra compter pour les échéances qui s’annoncent. Ousmane Sonko affirme déjà que rien ni personne ne pourra l’empêcher de se présenter à la Présidentielle de 2029.
Il est donc temps pour le potentiel candidat Diomaye Faye d’élargir sa base. Mimi Touré s’y attèle, et les Locales de 2027 seront le test grandeur nature. Pour l’heure, le dilemme reste cornélien pour les députés, ministres et directeurs de sociétés nationales dont le confort ne tient qu’à la signature présidentielle.
Ah, vous ne saviez pas ? En cas de blocage des institutions, scénario qui pourrait se produire avec un Parlement Pastef hostile au président de la République, celui-ci a la possibilité de s’octroyer des pouvoirs exceptionnels, en attendant le délai qui lui permet de dissoudre l’Assemblée.
El Malick Ndiaye, l’occupant du Perchoir, qui s’y voit encore pour quatre trop courtes années, doit sans doute passer des nuits
agitées : se prosterner devant le président de la République ou s’agenouiller devant le
président de Pastef ?
Quel que soit le cas de figure, ça fait mal aux genoux…