Le monde entrera dans une décennie décisive pour le journalisme, liée à des crises concomitantes qui affectent l’avenir de cette profession. C’est Reporters sans frontières (Rsf) qui le dit. Dans son rapport 2020, le Sénégal gagne 2 places dans le classement mondial de la liberté de la presse. Il est passé de la 49ème en 2019 à la 47ème place sur 180 pays, soit un score de 23,99. En Afrique, la Namibie conserve son rang, 1er du continent.
«La décennie à venir sera décisive pour l’avenir du journalisme», alerte Reporters sans frontières (Rsf) qui a publié hier son rapport annuel. Au classement, le Sénégal obtient un bond en avant de 2 places dans le classement mondial de la liberté de la presse 2020. Il est passé de la 49ème en 2019 à la 47ème place sur 180 pays, soit un score de 23,99. Les analyses concernant notre pays rappellent le vote du Code de la presse sans dépénalisation et sans décret d’application. En effet, le nouveau Code de la presse, adopté par l’Assemblée nationale en 2017, n’est toujours pas rentré en vigueur à cause de lenteurs notées dans la signature des décrets d’application par le président de la République Macky Sall. «Considéré comme l’une des démocraties les plus stables du continent, le Sénégal dispose d’un paysage médiatique pluriel, et la Constitution de 2001 y garantit la liberté de l’information. Les atteintes contre les journalistes se sont espacées ces dernières années, mais certains sujets restent tabous. Plusieurs médias ont été convoqués et intimidés pour avoir rapporté des faits de corruption. Les radios qui donnent la parole à des critiques du régime peuvent subir des pressions», note le rapport de Rsf.
La Namibie occupe la 1ère place en Afrique
Dans le continent, la première place est revenue à la Namibie, 23ème au classement mondial de la liberté de la presse 2020. Et selon le document, la Malaisie (101e) et les Maldives (79e), après une alternance politique, affichent les deux plus belles progressions du classement 2020 en gagnant respectivement 22 et 19 places. Ces deux pays sont ensuite suivis par le Soudan (159e), qui gagne 16 places depuis la chute de Omar el-Béchir, destitué en 2019 après des émeutes du pain. Selon toujours Rsf, du côté des plus fortes baisses de cette édition 2020, Haïti, où des journalistes se retrouvent pris pour cibles lors des violentes manifestations qui secouent le pays depuis deux ans, chute de 21 places et se situe désormais à la 83e position. On peut aussi remarquer que les deux autres reculs les plus importants se situent en Afrique. Il s’agit des Comores (75e, – 19) et du Bénin (113e, – 17), deux pays où se multiplient les atteintes à la liberté de la presse. En outre, Reporters sans frontières dit avoir dénombré en 2019 171 arrestations arbitraires de journalistes en Afrique subsaharienne. Plus de la moitié des pays du continent, constatent-ils, y ont eu recours, parfois même alors que le droit local avait déjà consacré la décriminalisation des délits de presse.
«La décennie à venir sera décisive pour l’avenir du journalisme»
Parmi les grands enseignements de l’édition 2020, Rsf retient le maintien de la Norvège pour la quatrième année consécutive à sa place de première. Elle est suivie de la Finlande qui conserve sa deuxième position. Le Danemark (3e, + 2) est classé au troisième rang, en raison d’une baisse de la Suède (4e, – 1) et des Pays-Bas (5e, – 1), confrontés à une recrudescence de cas de cyber harcèlement. Autre remarque, il faut noter qu’à l’autre extrême du classement, peu de changements. La Corée du Nord (180e, – 1) ravit la toute dernière place au Turkménistan, tandis que l’Erythrée (178e) reste le pire représentant du continent africain. Le classement de cette année démontre que «la décennie à venir sera décisive pour l’avenir du journalisme». La lecture faite par Reporters sans frontières montre aussi que la pandémie de Covid-19 met en lumière et amplifie les crises multiples qui menacent le droit à une information libre, indépendante, pluraliste et fiable. En plus de cette crise sanitaire qui bouleverse l’ordre mondial, selon Rsf, il existe d’autres crises qui affectent l’avenir du journalisme. Il s’agit de la crise géopolitique (agressivité des modèles autoritaires), technologique (absence de garanties démocratiques), démocratique (polarisation, politiques de répression), de confiance (suspicion, voire haine envers les médias d’information) et économique (appauvrissement du journalisme de qualité).
«Il existe une corrélation évidente entre la répression de la liberté de la presse à l’occasion de la pandémie de coronavirus et la place des pays au classement mondial. La Chine (177e) et l’Iran (173e, – 3), foyers de la pandémie, ont mis en place des dispositifs de censure massifs. En Irak (162e, – 6), l’Agence de presse Reuters a vu sa licence suspendue pour trois mois, quelques heures après avoir publié une dépêche remettant en cause les chiffres officiels des cas de coronavirus. Même en Europe, en Hongrie (89e, – 2), le Premier ministre Viktor Orbán a fait voter une loi dite coronavirus qui prévoit des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour la diffusion de fausses informations, un moyen totalement démesuré», déclare le secrétaire général de Rsf, Christophe Deloire. Et de renchérir : «La crise sanitaire est l’occasion pour des gouvernements autoritaires de mettre en œuvre la fameuse doctrine du choc : profiter de la neutralisation de la vie politique, de la sidération du public et de l’affaiblissement de la mobilisation pour imposer des mesures impossibles à adopter en temps normal. Pour que cette décennie décisive ne soit pas funeste, les humains de bonne volonté, quels qu’ils soient, doivent se mobiliser pour que les journalistes puissent exercer cette fonction essentielle d’être les tiers de confiance des sociétés, ce qui suppose d’avoir les capacités pour le faire.»