Langues nationales : l’unité ne peut naître de l’effacement

Le 15 mai prochain, se tiendra, au Grand Théâtre, une rencontre annoncée comme une «table de débat» sur les langues nationales. Ce lieu symbolique, censé accueillir le dialogue et la diversité d’opinions, servira pourtant de théâtre à une mascarade institutionnelle. En réalité, il ne s’agira ni plus ni moins que d’une opération de légitimation d’un fait accompli : l’imposition progressive et silencieuse du wolof comme langue unique de travail au Sénégal.
Depuis plusieurs années, le wolof s’est imposé dans les usages officiels : à la présidence de la République, au sein du gouvernement, à l’Assemblée nationale, et jusque dans certaines juridictions. Cette évolution, loin d’être anodine, constitue une atteinte au principe fondamental d’équité linguistique inscrit dans notre Constitution, qui consacre l’égale dignité de toutes les langues nationales.
La diversité linguistique du Sénégal est une richesse incontestable. Pulaar, serer, mandingue, diola, soninké, et bien d’autres langues, portent l’histoire, la culture et la sensibilité de millions de citoyens. Vouloir ériger une seule langue au-dessus des autres revient à nier cette diversité, à instaurer une hiérarchie artificielle et profondément injuste.
Ce combat n’est pas réservé aux spécialistes du langage ou aux cercles militants. Il concerne chaque citoyen épris de justice, de démocratie et de respect des identités. Car derrière la question linguistique, se joue celle du vivre-ensemble, de l’inclusion et de l’équilibre entre les communautés qui composent notre Nation.
Je m’insurge donc, avec force et responsabilité, contre cette tentative de dérive autoritaire que j’appelle un putsch linguistique. J’en appelle à la conscience collective, aux institutions, aux intellectuels et aux citoyens : refusons cette uniformisation. Exigeons un traitement équitable de nos langues, conformément à l’esprit républicain.
Non à l’exclusion linguistique
Oui à une véritable justice linguistique
Oui à une République qui respecte toutes ses voix
Bocar KOUNDOUR
Républicain