La persistance des départs à bord d’embarcations de fortune de migrants sénégalais vers l’Espagne inquiète tout monde, notamment la Raddho qui demande une meilleure prise en charge des préoccupations des jeunes dont les rêves d’un ailleurs meilleur s’évanouissent souvent dans les profondeurs océaniques.

A Mbour, les larmes ne sèchent pas sur les visages des populations, après la mort de 40 migrants suite au naufrage de leur pirogue il y a 10 jours. C’est une scène qui se respecte depuis le début de l’été comme si de rien n’était. «La Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho) est profondément attristée et préoccupée par le décès de plusieurs dizaines de jeunes sénégalais et africains, au large de la ville de Mbour, le 8 septembre 2024, dans le naufrage de l’embarcation de fortune qu’ils avaient empruntée pour, semble-t-il, rallier l’archipel espagnol des Açores. Ce lourd bilan, qui n’a pas encore été chiffré, s’ajoute à la longue liste de jeunes à la quête d’une vie meilleure, morts en mer en tentant de rejoindre l’Europe», note l’Ong. Elle fait un inventaire des dernières tragédies qui touchent les candidats à l’émigration irrégulière : «Déjà, en février 2024, une pirogue transportant des migrants avait chaviré au large de Saint-Louis et entraîné la mort d’une trentaine de personnes. Selon l’organisation Euractiv, au moins 959 personnes seraient mortes depuis le début de l’année dans des naufrages survenus entre le Sénégal et la Gambie.» C’est une situation douloureuse. Quelles sont les causes ? Quelles explications ? «Les inégalités économiques, l’extrême pauvreté, un chômage endémique particulièrement chez les jeunes, l’impact du changement climatique et la volatilité de la situation politique de nos pays poussent les plus téméraires d’entre eux à risquer leur vie dans un voyage qui, le plus souvent, est sans retour. Ces actes désespérés sont souvent posés après des tentatives infructueuses d’accéder à des visas pour saisir des opportunités d’émigration régulière. Pour ne prendre que l’année 2023, 44, 5% des demandes de visa pour l’espace Schengen ont été refusées au Sénégal», tente d’expliquer la Raddho.

Il y a aussi une autre explication à cette situation dramatique. «L’intensification de ces départs est aussi liée au fait que 60% de la population sénégalaise ont moins de 20 ans et les jeunes en âge de travailler représentent plus de la moitié de la population active. L’absence de vision politique dans la prise en charge de la jeunesse, l’inexistence d’une politique nationale sur la migration et surtout la volonté des partenaires européens de tout faire pour fermer les portes de la migration africaine vers le monde occidental expliquent ces récents flux migratoires que des politiques d’arraisonnement de pirogues en mer ne peuvent stopper. Aujourd’hui, tout le pays souffre de cette situation et a besoin d’un accompagnement psychologique», poursuit la Raddho.

Que faire pour inverser la tendance et arrêter ces départs vers le mirage migratoire ? «La Raddho rappelle que si la Constitution sénégalaise accorde à tout citoyen le droit de quitter son pays et d’y retourner, l’Etat doit, à travers une politique de migration assumée, indiquer les modalités de réalisation de ce droit fondamental et œuvrer à le protéger partout où le citoyen se trouvera. La Raddho demande aux autorités sénégalaises de s’attaquer, avant toute chose, aux causes profondes de la migration que l’on peut qualifier de forcée, d’impliquer toutes les strates de la société, y compris les collectivités territoriales, dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique nationale de migration à venir, de repenser la politique d’aide à la réinsertion sociale des migrants de retour et des personnes déplacées en s’appuyant sur les textes adoptés dans le cadre de l’Union africaine et de la Cedeao, d’adopter une vraie politique de décentralisation avec la création des infrastructures de développement permettant de fixer les jeunes», ajoute la structure.