La démarche des autorités avec les nominations issues de la réunion d’hier du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) n’agrée pas les responsables de l’Alliance pour la République. Le Secrétariat exécutif national (Sen) de ce parti dénonce la préparation d’une «très grande chasse aux sorcières». Par Mamadou T. DIATTA –
Les nominations opérées au sein de la Magistrature, à l’issue de la réunion hier du Conseil supérieur de la Magistrature (Csm), n’ont pas manqué de faire réagir les responsables de l’Alliance pour la République (Apr, ancien parti au pouvoir). Dans une déclaration dont copie est parvenue au journal Le Quotidien, le Secrétariat exécutif national (Sen) de l’Apr fait état d’«indices graves et concordants de la prochaine chasse aux sorcières». Les camarades de l’ancien Président Macky Sall, qui se disent favorables à une reddition des comptes, s’opposent «au règlement de comptes».
Ancien président du Groupe parlementaire Bby et ancien ministre des Forces armées, Me Oumar Youm avait déclaré redouter une sélection de juges afin de procéder à un règlement de comptes, lors de son passage à l’émission «Champ contre champ» sur la Rts1. Pour conforter Me Youm, le Sen de l’Apr note : «En effet, il y a quelques mois sur le parvis du Grand Théâtre, le Premier ministre Ousmane Sonko a, après avoir ouvertement accusé certains magistrats dont Monsieur Badio Camara, président du Conseil constitutionnel, de corrompus, déclaré qu’il va balayer la Magistrature et mettre des magistrats qui vont faire le travail pour la reddition des comptes, comme si ceux qui sont en fonction étaient incapables de le faire.» Poursuivant, l’instance de direction de l’Alliance pour la République écrit : «Quelques jours plus tard, au cours de son interview marquant ses 100 jours de pouvoir, le Président BDF s’est laissé aller à des confidences heurtant la tradition républicaine sur la préparation du prochain Conseil supérieur de la Magistrature (Csm) devant aboutir à un chamboulement de la Magistrature. Il dit avoir fait faire des enquêtes sur les magistrats devant être nommés et qu’il planche avec son Premier ministre, qui n’est pas membre du Csm et qui ne contresigne pas les décrets de nomination des magistrats en Csm, sur les propositions faites par le ministre de la Justice.»
Appréciant ces constats, le Sen de l’Apr dit craindre une «mise en péril d’un socle majeur de notre République, la Justice». Puisque, indiquent les apéristes, «ces propos préoccupants et la démarche qui l’accompagne ne manqueront pas d’inquiéter les démocrates et républicains du pays qui avaient pensé que ces pratiques d’un autre âge étaient définitivement jetées par-dessus bord».
Le Sen de l’Apr s’étonne «de voir procéder à des enquêtes pour nommer aux fonctions dans un corps dont les dossiers des membres sont tenus à la Direction des services judiciaires (Dsj)». «Au surplus, un rapport circonstancié est produit sur chaque proposition faite lors de la réunion solennelle par un membre du Csm», fait remarquer la déclaration du Sen de l’Apr. D’où cette interrogation : «Donc, sur quoi enquêter si ce n’est pour choisir des magistrats dévoués et installer une justice politique au Sénégal ?»
«En vérité, pour déclencher le règlement de comptes, des audits sont lancés tous azimuts. Comme les rapports de la Cour des comptes se concluant par l’ouverture d’informations judiciaires sont rares (rapport sur le Covid), les tenants du pouvoir ont décidé de commanditer des rapports express de l’Inspection générale d’Etat (Ige) et des rapports d’inspection interne de certaines administrations pour incriminer des ministres et Dg sortants. Or, une reddition des comptes objective et équitable doit se fonder exclusivement sur des rapports des corps de contrôle, mais non sur des audits orientés pour traquer des opposants», soulignent les responsables de l’Apr. Ces derniers convoquent les actes posés par l’ancien Président Macky Sall pour la transparence, avec la mise en place du Code de transparence budgétaire, de l’Ofnac et du Pool judiciaire et financier, et le renforcement des moyens juridiques et logistiques de la Cour des comptes. L’Apr fait aussi état d’«une justice vengeresse des vainqueurs et la neutralisation des adversaires». «La Justice sous Sonko et Diomaye est en train de devenir une justice vengeresse des vainqueurs avec le déclenchement, dans les jours et semaines à venir, d’une vaste entreprise de règlement de comptes sur fond de soi-disant reddition des comptes et d’autoblanchiment par l’effacement de condamnations prononcées par les juridictions», indique la déclaration du Sen de l’Apr.
Le document du Sen de l’Apr fait remarquer que «(…) faute de répondre à la demande sociale des Sénégalais et de donner satisfaction à des millions de jeunes désespérés qui risquent leur vie en prenant la mer, les gouvernants ont choisi la chasse aux sorcières pour espérer gagner les prochaines élections législatives et continuer leur gouvernance calamiteuse pour le pays».
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