L’argent permet de régler la quasi-totalité des problèmes que rencontre l’homme dans la société. Sans doute, c’est pour cette raison que l’on vent tout et l’on achète tout. Maintenant, tout est monétarisé au Sénégal, le troc a disparu ainsi que l’échange de produits jadis très utilisés pour le ravitaillement en nourriture et en divers biens des familles.
En milieu rural, notamment dans les marchés hebdomadaires (louma), on peut acheter sur place tout ce que l’on veut : bois de chauffe, fruits de pain de singe, bissap, charbon de bois, jujubes, racines, feuilles et écorces médicinales, soumpe, peaux d’animaux sauvages pour le charlatanisme, gomme arabique etc. La recherche effrénée et sauvage de ces produits pour gagner de l’argent a entraîné la destruction de notre environnement : on coupe les arbres pour du bois de chauffe et du charbon, on les dessouche pour leurs racines, on les élague pour leurs fruits et feuilles, on les tue en leur enlevant leurs écorces pour des besoins médicinaux etc. La déforestation à cause de l’argent est loin d’être compensée par le reboisement coûteux organisé annuellement par l’Etat. On peut dire que l’argent est l’ennemi de la forêt au Sénégal actuellement. Au rythme où l’argent détruit la forêt, on risque de laisser à nos descendants un Sénégal désertique. L’Etat censé protéger la nature laisse faire si bien que cette destruction tous azimuts de l’environnement dans les 14 régions du Sénégal a atteint un niveau insoupçonné. Beaucoup d’essences végétales ont disparu de nos forêts à cause de la pression des exploitants forestiers. La biodiversité est menacée au Sénégal à cause de l’argent.
L’argent n’a pas épargné la société sénégalaise. Il la déstructure à grande vitesse et menace même notre démocratie. Certains hommes politiques, surtout des responsables de partis et des élus, s’achètent comme des moutons, notamment en cette période de campagne électorale, mais aussi au moment de la mise en place des exécutifs communaux et départementaux. C’est la honte avec ces politiciens corrompus. La corruption par l’argent vise aussi la jeunesse et les femmes, des cibles vulnérables.
Notre société et notre démocratie sont malades et tout le monde le sait. Les fuites au Baccalauréat et les tricheries organisées au Bfem illustrent à suffisance que la recherche de l’argent facile gangrène notre société. Les enseignants responsables des fuites au Baccalauréat font honte à l’ensemble du corps enseignant du Sénégal et même à la Nation entière. Il est incompréhensible que des agents de l’Etat, bien payés, pour 25 mille F Cfa, prennent le risque de vendre des sujets du Baccalauréat, premier diplôme de l’enseignement supérieur. La fuite au Baccalauréat de 2017 est la preuve que notre société est pourrie et la recherche de l’argent facile prime sur tout pour beaucoup de Sénégalais qui a priori devraient être des modèles pour notre jeunesse. Des sanctions sévères devraient être appliquées à ces enseignants. Un sursaut national est nécessaire pour inverser cette évolution dangereuse pour notre société. Les hommes politiques doivent donner l’exemple. Il faut qu’ils arrêtent de façon consensuelle d’être des contre-modèles. L’argent doit être banni dans les activités politiques de nos partis et coalitions. La 13ème Législature est invitée à voter une loi criminalisant l’usage de l’argent dans la campagne électorale et la transhumance monétarisée. Cette loi doit interdire de donner de l’argent des contribuables sans justificatif. Une haute autorité pourrait être chargée de veiller au respect et à l’application de cette importante loi. Toujours pour moraliser notre société, la Crei doit demander à tous citoyens possédant des bien exubérants de justifier leur financement. Un citoyen ou étranger ne doit plus se lever et construire un immeuble sans justifier l’origine du financement. La possession de certains types de véhicule doit faire l’objet d’investigation poussée pour vérifier le caractère licite de son acquisition. Il n’est plus acceptable au Sénégal, pays de démocratie avec son arsenal de contrôle (Cri, Ofnac, Cour des comptes, Inspection générale d’Etat etc.), que des citoyens ou étrangers exhibent des biens mobiliers ou immobiliers sans qu’on leur exige la justification de l’origine des fonds ayant servi à l’acquisition ou à la construction de ces biens. Tout semble indiquer que le Sénégal est un pays de blanchiment d’argent et de corruption active. Un fonctionnaire de l’Etat du Sénégal ne peut pas avoir plus d’une maison à Dakar alors que tout le monde sait que certains agents de certains ministères ont plusieurs maisons à Dakar et hors de Dakar. Lutter contre la corruption au Sénégal, c’est traquer les voleurs, les fonctionnaires corrompus et autres trafiquants qui font pousser des immeubles à Dakar et ailleurs comme des champignons après la pluie, qui roulent avec des voitures d’un luxe insolent. Les hommes politiques ne sont pas les seuls corrompus, contrairement à ce que pense le commun des Sénégalais.
Après 57 années d’indépendance et plusieurs alternances générationnelles du personnel politique, le Sénégal aurait dû être un modèle en gouvernance vertueuse. C’est loin d’être le cas actuellement.
Pr Demba SOW
Ancien député