Le Sénégal est-il maudit ? On est tenté de répondre par l’affirmative au regard des choix opérés au pays de Léopold le poète. Le choix de confier le pouvoir à des personnes qui n’ont ni l’expérience, ni la consistante intellectuelle, ni la probité morale, est une escroquerie démocratique et sociale. Dans le pays de grands hommes et d’intellectuels abreuvés aux sources de la science pure et aux valeurs cardinales de notre société, l’abêtissement a atteint un point culminant dans l’échelle de la folie humaine. La folie n’est pas seulement caractérisée par le port de haillons et la nudité mais elle est caractérisée par la nudité morale, de ceux qui sans le savoir ont perdu toute rationalité dans leurs délires. Telle est la maladie de notre temps qui ronge notre jeunesse et nos politiciens avides de pouvoir. L’avènement au pouvoir du duo Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko est la consécration du summum de la bêtise humaine en promouvant l’insulte, l’invective, la délation et la débauche. Cette façon de hisser des zéros au sommet et de tuer des héros est la nouvelle marque de fabrique de notre société, qui accepte le mensonge et légalise l’adultère, qui certifie l’incompétence et acclame l’incurie. Il y a soit dans notre société une hypnotisation collective pour ne pas sentir l’odeur pestilentielle de l’arnaque ou soit l’ignorance généralisée s’est installée à jamais. Tenons-nous bien «l’ignorance et la bêtise du peuple font la force du dictateur» car Claude Chabral nous apprend que «la bêtise est plus infiniment fascinante que l’intelligence…L’intelligence a des limites, la bêtise n’en a pas». Depuis une décennie, il y a un nivellement par le bas, une prime à la bêtise et à la laideur. Le discours politique est devenu un dépotoir à ciel ouvert où les idées sont rangées dans tiroirs au détriment du dénigrement, de l’insulte, de la manipulation. Et, c’est à mieux qui sait mentir ou raconter des contre-vérités pour remporter le palme de la décadence. Nous sommes une société en déchéance, une société de l’invective, de l’indécence, du manque de respect et de l’ignorance. La République est devenue la rue publique, l’Etat un appareil de vengeance et de manipulation de nouveaux parvenus.
Au Sénégal, la bêtise n’a pas de limites et elle «…n’est pas loin de la méchanceté» et explique les actes posés par le nouveau régime depuis son installation. Le samedi 19 octobre 2024 marquera à jamais un repère dans le délitement de l’humanisme sénégalais en voyant nos héros du quotidien au Fouta et à Bakel dans le désarroi total. Pendant ce temps, dans l’enclos du Dakar Aréna, une bande de sots gambadait pour faire hisser un zéro sorti de la cuisse de Jupiter. Au même moment, le président de la République survolait le désastre humanitaire sans aucune compassion comme pour rester dans sa bulle et demeurer dans son hibernation légendaire. Cette façon de faire aérienne et insipide, marque de fabrique du président de la République, est à l’antipode de l’esprit républicain et constitue une non-assistance à personne en danger. Oui, un soldat est parti au combat sans combattre, mais il devrait comprendre, comme le dit Rousseau, qu’«il n’y a point de bonheur sans courage ni de vertu sans combat». En laissant ces populations à elles-mêmes, il s’agit d’un abandon délibéré d’une partie du Sénégal dans la souffrance ou d’une incompétence notoire dans l’anticipation et la prise en charge des préoccupations des populations dans le besoin. Marcel Proust disait fort à propos que «l’indifférence aux souffrances qu’on cause est la forme terrible et permanente de la cruauté». Venant du duo Diomaye Faye et Ousmane Sonko, rien ne devrait surprendre dans cette entreprise de déconstruction et de sabordage des fondamentaux de notre République.
Cet abandon de nos populations dans la détresse n’est que le prolongement du manque d’élégance et de hauteur de nos nouveaux gouvernants. Il y a des actions qui façonnent l’imaginaire collectif et offre à nos jeunes générations des exemples de légendes vivantes, mais il y en a d’autres qui souillent le fondement de la défense de la République. Cette dernière est faite d’élégance, elle doit être l’espace de célébration de nos talents, elle doit offrir à nos générations actuelles et futures des modèles de courage et d’abnégation. Ces valeurs d’exaltation de nos talents ne peuvent pas être portées par des autorités qui n’ont ni le sens de l’Etat ni la préparation requise pour comprendre que la République doit être parée de belles perles pour couver et chérir ceux qui, par des sacrifices énormes, ont hissé le drapeau national au sommet du monde. Elle doit être le reflet du courage de nos héros et le miroir qui guident le pas de nos enfants en projetant le parcours de nos vaillants héros comme Aliou Cissé, Macky Sall et Bougane Guèye Dany. Hélas, en fondant son projet sur la désacralisation de nos institutions politiques, religieuses et traditionnelles, et l’appel à l’insurrection, une inversion de la célébration est consacrée. Il faut être vulgaire, savoir insulter et calomnier, être un as du mensonge et de la délation pour accéder au banquet du pouvoir. L’échelle de la pertinence ne se mesure plus à la dimension des réflexions et propositions fondées sur le savoir, mais à qui sait mieux défendre le projet par des attaques viles et sordides. La récente réception aux Etats-Unis par le président de la République, d’un homme qui a reconnu avoir financé à coup de millions de dollars des activités ayant conduit à la mort de plusieurs Sénégalais, en est une parfaite illustration. Au même moment l’Etat décidait de ne plus renouveler le contrat de Aliou Cissé sans honneur, ni élégance. Et comme «la bêtise insiste toujours», la ministre des Affaires étrangère a pris fait et cause pour une insolente qui s’est attaquée au président de la République Macky Sall. Comble de tout, Bougane Guèye Dany est en prison par le seul fait qu’il a voulu apporter un soutien à des compatriotes dans le besoin en se substituant à une prérogative de l’Etat. Lorsqu’on hisse des zéros au sommet, on renverse les critères d’appréciation du patriotisme car pour être patriote au Sénégal, il faut être « MIMI » ou Violent, Arrogant, Ignorant, Nihiliste (V. A. I. N)
Ces manœuvres relèvent d’une volonté manifeste de faire tabula rasa de tout ce qui peut être attaché au bilan de Macky et aux acquis démocratiques de notre pays. La négation de notre passé économique social, culturel et religieux des nouvelles autorités est un cancer en République, elle annihile les sauts qualitatifs constatés depuis plus de quatre décennies. Ce «négationnisme» comme décrit par Pierre Cahuc et André Zylberberg parasite le débat public en s’appuyant sur trois axes. D’abord, l’éthos, avec des «experts» se présentant comme défenseurs du bien commun mais qui adoptent un discours idéologique creux. Ensuite, le pathos, en désignant des boucs émissaires comme le système et la dette publique. Enfin, le logos, avec des arguments apparemment logiques véhiculés par de faux savants, mais en réalité simplistes et déformant la réalité. Il ne reste plus qu’à ceux qui croient à la République avec une once de sagesse et de conscience, de travailler à ressusciter nos héros et tuer les zéros.
George DIOP
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