L’audace comme clé de l’avenir énergétique en Afrique

Le secteur pétro-gazier sera l’un des principaux moteurs de croissance en Afrique pour les années à venir, avec des Etats prenant pleine mesure des retombées bénéfiques pouvant découler d’une bonne exploitation de ces ressources. Le forum Invest In Africa Energy (Iae 2025), qui s’est tenu à Paris ces 13 et 14 mai, sur invitation de la Chambre africaine de l’énergie et Energy Capital and Power, aura été un moment déterminant pour signaler que la révolution en Afrique pour un essor significatif sera portée par les hydrocarbures.
La coopération régionale et sous-régionale aura été un des principaux appels des acteurs africains du monde des hydrocarbures. Ils auront fait un appel retentissant à une collaboration transfrontalière renforcée entre les Etats, avec un plébiscite pour le projet Grand Tortue Ahmeyim que le Sénégal et la Mauritanie auront conduit ensemble de main de maître pour l’aboutissement de sa première phase. NJ Ayuk, Président exécutif de la Chambre africaine de l’énergie, se félicitera de la réussite du projet gazier Grande Tortue Ahmeyim (Gta) entre la Mauritanie et le Sénégal avec les livraisons des premières cargaisons de Gnl ce mois d’avril. C’est une même appréciation qu’aura Mouhamed Ould Khaled, ministre mauritanien de l’Energie et du pétrole, soulignant une alliance particulière et innovante entre le Sénégal et la Mauritanie pour régler les questions légales, fiscales, de partage de revenus et de gestion de l’environnement qui facilitent la conduite du projet Gta.
Par ailleurs, le ministre mauritanien dit que les expériences précédentes dans la gestion d’une ressource partagée comme l’eau au sein de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs), auront facilité à bien des égards la collaboration. NJ Ayuk trouve que les postures nationalistes ont du bon, mais pour l’heure, en Afrique, l’importance du potentiel en hydrocarbures et les promesses d’essor qui en découlent doivent renforcer les alliances. Le Sénégal et la Mauritanie auront montré une voie, et celle-ci est à suivre, selon cet avocat d’une Afrique des énergies. «Aucun pays n’a été capable de mener des projets transfrontaliers comme la Mauritanie et le Sénégal. Ils ont montré qu’il est possible en Afrique de s’unir et de collaborer au-delà des frontières.» Ce propos du président de la Chambre africaine de l’énergie est un plaidoyer militant pour plus de régionalisme et de partage d’expériences au bénéfice des Africains.
Le gaz naturel, ils sont nombreux dans le secteur des hydrocarbures en Afrique à le voir comme le «moteur stratégique» à partir duquel se produira une véritable révolution économique, industrielle, énergétique et sociale. C’est ainsi par leur commercialisation stratégique, s’appuyant sur des politiques nationales de développement faisant une part belle à la diversification dans d’autres secteurs, qu’il sera possible de consolider le développement des Etats africains. Avoir des gisements de calibre mondial et des réserves gigantesques est une chose, mais savoir transformer leur exploitation en une source de recettes transformatrices des économies et des sociétés est le vrai défi qui se présente aux nations africaines. Le potentiel en hydrocarbures doit générer pour de nouveaux pays dans cette industrie comme la Namibie, le Mozambique, la Mauritanie, la Sierra Leone ou le Sénégal, une croissance durable et inclusive, occasionnant un développement industriel sans précédent en amont comme en aval. A titre d’exemple, un pays comme la Namibie est devenu, en peu de temps, le chouchou du monde des hydrocarbures, avec des découvertes massives faites en offshore dans le bassin d’Orange par des compagnies comme TotalEnergies, Rhino Resources, Galp et Shell. Un tel pays, avec des découvertes aussi considérables, se doit d’adapter très vite sa politique de développement à une nouvelle donne qui changera sa face à jamais. Les autorités de ce pays en sont bien conscientes et la commissaire au Pétrole du ministère namibien des Mines et de l’énergie, Mme Maggy Shino, dira que la Namibie s’est engagée à accélérer le développement de son industrie des hydrocarbures et à favoriser un environnement d’investissement responsable.
Le gaz africain, au-delà d’être un produit d’exportation pour des recettes abondantes afin d’approvisionner les caisses de nos Etats, doit être au centre d’une valorisation d’une industrie locale impactant la production d’électricité, les transports, la pétrochimie et l’agro-industrie. Il devra aussi être une ressource pouvant contribuer à une meilleure harmonisation des régulations entre les régions ouest, est, nord et sud de l’Afrique.
Le pari mauritanien pour sa souveraineté énergétique
La Mauritanie aura été le très bon élève du forum Invest in African Energy de cette année. A défaut d’une présence du Sénégal, nos voisins auront présenté une feuille de route méthodique dans le secteur de leurs hydrocarbures, propulsant tout un développement économique et industriel. Tout d’abord, la Mauritanie aura communiqué sur une transition dans son secteur de l’électricité en prônant désormais un modèle de production où la privatisation y jouerait un grand rôle. Il sera confié à des privés, la génération d’électricité sur le territoire mauritanien, avec un désengagement progressif de la société publique d’électricité dans cette activité privatisée. «Tous les nouveaux projets de production d’électricité en Mauritanie seront privés. Les entreprises publiques ne participeront plus à la production d’électricité», a déclaré le ministre mauritanien du Pétrole et de l’énergie, Mohamed Ould Khaled, devant une assistance surpris de l’audace d’un pays qui vient de lancer des appels d’offres pour une nouvelle centrale électrique qui sera alimentée par la production du projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta). Dans ce même sillage, un cadre est en train d’être mis en place pour permettre à des producteurs indépendants d’électricité d’utiliser du gaz et de faire tourner deux centrales d’une capacité de génération de 550 MW.
La réforme du secteur de l’électricité en Mauritanie est osée, mais elle vise à terme une modernisation industrielle d’envergure en impactant le secteur des mines et celui de la métallurgie. Elle s’appuie également sur un mix énergétique à l’image de celui mené par le Sénégal cette dernière décennie, avec une exploitation du solaire et une promotion de l’hydrogène vert. Quand on a à disposition un champ gazier en eau profonde comme BirAllah et en ligne de mire les prochaines étapes du projet Gta, qui vise la production de 10 millions de tonnes de Gnl par an, on peut se permettre de bien rêver, et cela avec audace. Que cette audace traverse le fleuve Sénégal et vienne contaminer nos pouvoirs publics !
De la nécessité d’être innovant dans la quête de financements
125 milliards de barils en réserves prouvées de pétrole et plus de 620 trillions de pieds cubes de gaz naturel pour donner une idée du potentiel en hydrocarbures de l’Afrique. Face à cette abondance de ressources, le paradoxe du financement, qui se pose pour bien des pays, aura été une explication du retard d’une cadence de développement endogène soutenu. Pour répondre à la question du financement, certains acteurs du secteur des hydrocarbures suggèrent la coopération régionale et le recours à des mécanismes de finances innovants. En collaborant sur des ressources partagées, il est possible de réduire les risques et d’harmoniser les législations pour faciliter les initiatives d’affaires. C’est dans un tel schéma qu’il urge qu’une banque africaine dédiée à l’énergie voie le jour, en s’inspirant des fonds existants pour l’instant sur le continent et dédiés aux infrastructures et au développement économique. Une telle instance pourrait permettre, sur des projets majeurs, de mettre à disposition des ressources considérables, réduire les risques entre Etats et surtout offrir une plus grande marge de manœuvre. C’est en recourant à des outils de financement innovants et des mécanismes de coopération régionale que l’Afrique pourra accroître ses investissements dans le développement du secteur des hydrocarbures. Il aura été rappelé par plusieurs participants au forum Invest In African Energy, l’obligation de garantir la prévisibilité de nos économies et d’assurer une lisibilité des actions de nos pouvoirs publics. Beaucoup d’investisseurs du secteur des hydrocarbures reprochent à notre continent une incertitude des cadres juridiques et réglementaires plombant les volontés de gros investissements. C’est une incohérence qu’il faudra corriger afin d’impulser une réelle croissance.
La seule fausse note de cette édition du forum Iae 2025 aura été l’absence du Sénégal. Il y a des rendez-vous que notre pays ne doit pas manquer. Le travail de représentation et de lobbying pour promouvoir le Sénégal est partie intégrante de la mission de gouvernance. A nos autorités de comprendre cela, une bonne fois pour toutes !