Le cas Felwine Sarr

Felwine Sarr est devenu subitement bavard. En une semaine, notre «philosophe» autoproclamé ne ménage pas sa peine. Il écume les rédactions, multiplie les interviews. D’abord avec Jeune Afrique, puis Rfi, ensuite Sud Fm et Itv. Sans compter les deux contributions publiées dans plusieurs journaux. L’économiste, qui s’était peu intéressé à l’actualité politique de son pays, enchaîne les monologues. C’est avec des subterfuges de la sorte que l’individu a acquis une réputation surfaite. En effet, j’ai lu presque tous ses ouvrages et assisté à plusieurs de ses conférences. A chaque fois, je creuse, je tends l’oreille, mais je n’entends rien. Le gars nous débite invariablement des concepts creux dans un ronronnement grandiloquent. En somme, un ramassis de sens communs formulés dans un langage sophistiqué. Rien de profond. Il reste toujours sur l’écume des choses pour livrer un tas de banalités. Parfois même, s’il s’abstient de restituer ses connaissances livresques, on peut assimiler ses réflexions à un cocktail d’insalubrités intellectuelles. Tant elles ne servent à rien. Pour s’en rendre compte, il faut lire Afrotopia ou Méditation africaine.
Dans ces livres, la platitude de ses idées n’a d’égale que la vacuité de ses concepts et aphorismes. Tout sonne creux. Lors de ses conférences, j’ai décelé en lui un personnage guindé, suffisant et rétif à la critique. Il s’énerve à la moindre contradiction. C’est pourquoi il participe rarement à un débat contradictoire.
Voilà un économiste qui ne nous apprend rien de sa discipline. Désertant sa spécialité, il joue au philosophe et nous entraîne dans des sujets de controverse. Et même dans ce domaine, il n’a rien problématisé de consistant. Rien ! A part nous dire ce que nous savons déjà. Un simple «doxosophe» qui consacre son temps à la transmission d’opinions communes. Avec sa récente débauche d’énergie, je constate que Felwine Sarr ne fait pas usage des règles de la méthode scientifique, mais il est dans la dialectique éristique chère aux démagogues. En l’écoutant, on se rend compte que ce n’est pas le savant qui parle, mais le politique. Un politique qui manque de courage pour mener ses activités à visage découvert. C’est en cela qu’il est un «opportunisme de gauche». C’est-à-dire ces intellectuels qui passent par la critique du pouvoir en place pour profiter d’une éventuelle alternance politique. Pendant plusieurs années, Felwine s’est tu sur tous les travers du régime actuel, profitant de nombreux privilèges de celui-ci. Ce n’est que récemment, lorsqu’il a senti le vent tourner, qu’il a commencé à tremper sa plume dans le fiel.
Pour les jeunes qui ne le connaissent pas assez, Moustapha Felwine Sarr, de son vrai nom à l’état civil (ce qu’il ne dit jamais, car le prénom de Felwine est plus exotique et sexy chez le Blanc que Moustapha qui est suspect à leurs yeux), est économiste, karatéka et musicien à ses heures perdues. Avec son groupe Doolé, il n’a composé aucun morceau agréable à l’oreille et intéressant pour l’esprit. Le «toutologue» doit se rendre à l’évidence que «boule qui roule n’amasse pas mousse». A force de toucher à tout, on n’amasse rien. C’est pourquoi ce qu’il nous sert comme «pensée» n’est rien d’autre qu’une opinion. Or, l’opinion, c’est comme la jugeote, chacun en a une.
Baye Makébé Sarr
Journaliste/sociologue