Le chant : voix de l’âme et vecteur de sens

ADO, avait-il -en ces temps de vifs troubles postélectoraux- succédé à Gbagbo dans les règles de l’art ? Comme il n’est pas indiqué d’être plus royaliste que le roi lui-même, nous laissons volontiers la réponse à nos chers cousins ivoiriens. Par contre, il est indéniable que sous le magistère de l’enfant du Nord, petit-fils de l’empereur des Kong, la Rci a fait un bond considérable dans le chemin qui mène à l’émergence économique.
Lors des deux avant-dernières alternances (sous Fara Njaag et surtout sous Sall Ngaari), Ndumbélaan était sur le droit chemin ; presque au bord du décollage vers les auspices du développement. Ça commençait à sentir bon, ndax nak cin bu naree neex bu baxee xee.
Cependant, force est de dire qu’en nos pays de suudaan° (pays des Noirs en arabe), les rares alternances -qui s’y sont produites trop souvent par accident- ont simplement permis aux nouveaux élus de soigner les frustrations, les gênes pécuniaires, les inconforts et autres ennuis inhérents aux durs moments passés dans l’opposition : seuls les privilèges changent de camp au final !
Pour la première fois, Sall Ngaari a pris la parole : il a chanté. Et le chant est révélateur de ce qui est profondément caché au fond des cœurs et des esprits (cosmologie, spiritualité, sagesse, thérapie ou ndëpp° collectif, valeurs morales et philosophiques, codes secrets, prévisions et alertes).
Tout bon pédagogue nous enseignera qu’en éducation artistique, l’enseignement du chant repose sur deux parties : une partie littéraire et une autre partie dite musicale. Evidemment, pour la seconde partie, le monsieur n’a aucune chance de se voir recruter, ni à Sorano, ni dans une chorale, encore moins à l’Opéra de Paris.
La partie littéraire donc est essentielle, comme nous l’indique fort éloquemment le maestro Njaga Mbay : «Woy du diglewul, yeddul, yeetewul, dub woy ay naxaate la.»
La seule explication littérale de son texte trompe plus d’une fois : Sall Ngaari, malgré qu’il soit un bon défenseur de la cause féminine, ne peut pas s’adresser au monde uniquement pour nous indiquer sa sensibilité écornée depuis fort longtemps par la vision du dur labeur au quotidien du sexe dit faible.
En vérité, il n’a pas choisi son texte au hasard, ce petit texte, enseigné souvent entre la première étape et la deuxième à l’école élémentaire, est trop explicite. Il commande, ici, aux esprits supérieurs, aux décrypteurs avisés, aux quotients intellectuels au dessus de la moyenne et à leurs semblables, de «labourer» plus profondément ; de visiter attentivement la portée inférentielle et critique de chaque vers chanté sur la vie des ndoumbelaniens° depuis bientôt deux ans.
Les coqs chantent : nos ventres affamés, nos corps alités, nos bras inactifs, notre jeunesse qui se noie dans les vagues de l’océan, nos cultivateurs et maraîchers qui déposent daba et hilaires, nos femmes qui accouchent sur des charrettes, nos fonctionnaires accusés, nos Fds taxées d’assassins, nos magistrats chahutés, nos chefs d’entreprise embastillés, nos journalistes rendus aphones par les menaces, nos élèves et étudiants crétinisés, nos commerçants paupérisés, tous chantent aujourd’hui : «Help us, we’re dying.»
Le jour paraît : sur une autoroute glissante par une nuit d’orage, on ne confie pas sa vie à un apprenti-car «Ndiaga Ndiaye», mais plutôt à Alain Prost. Ndeketeyoo, kuy dóor a mën kuy saaga°. Qui est capable de réciter des leçons qu’il n’aurait jamais apprises ? Le wolof nous dit : «Man la, man la, yaw laa ko gën.» Et le grand administrateur Diouf Abdou déclarait en son temps : «Jàkk jaa ngi nii, ku mën nodd, noddal.» Seulement, depuis vingt bons mois, la voix du muezzin national ndumbelanien° reste inaudible. Cey Yalla !
Tout s’éveille dans le village : aujourd’hui, Ndumbélaan a compris ; il a amèrement réalisé l’arnaque qui lui a été faite : il a acheté du vent. Il vient de réaliser toute la manipulation dont il a été victime. Il est tombé dans l’escarcelle de populistes aidés jusqu’ici par des haineux (opposition calculatrice, journalistes nihilistes et chroniqueurs menteurs, intellectuels pétitionnaires partisans et fourbes, de membres de la Société civile vils accusateurs), d’un livre de chevet insipide, de quatre milles cadres fictifs, de casseurs, de pyromanes, de brigands, d’adeptes faciles du cocktail Molotov, de guignols schizophrènes du live (aujourd’hui tous présentés comme martyrs et victimes). Qui ne rêve pas de voir son pays transformé en paradis terrestre, un Eden définitivement débarrassé du système° ? On peut bien tromper un Peuple pendant un laps temps, mais le réveil est inéluctable, tôt ou tard. Le verbe, le plus beau des verbes, ne nourrit pas ! Jëff rekk a wóor°.
Pour que le bon couscous soit prêt : nostalgie quand tu nous tiens ! Les bourses familiales, les réalisations de grande envergure, les autoroutes et autoponts, les augmentations de salaires, les investissements sur l’eau, l’énergie, comme sur la fluidité du trafic routier, les écoles, les universités, les hôpitaux construits dans tout le pays ; ce bon couscous qui sent si agréable est encore possible. Il suffit de refaire le choix juste. Même s’il n’y a pas de tête lucide entre les termes d’un choix.
Femmes debout ! Pilons pan – pan ! Pilons gaiement : mères, sœurs et modératrices des familles ont la balle dans leur camp. Il est toujours dit de vos progénitures : «Boo baxee ῇeppa lay jur ; boo bonee sa yaay dugguna coono.» Corrigez avec courage et détermination la trajectoire de ce pays qui n’offre aucune issue à vos enfants. Le combat, tout combat porté par la femme aboutit au succès. Parce justement, «tout ce que femme veut, Dieu le veut».
Sall Ngaari annonce ainsi son retour. Et depuis sa prise de parole publique, Ndumbélaan est en ébullition. Chacun y va de ses tirades nauséabondes, même As Seydi qui, semble-t-il, lui voue une haine sans commune mesure. Gas de quoi avez-vous si peur de voir cette icône du monde noir et du monde briller ?
Pour notre part, nous le voyons descendre de la coupée de l’avion à l’aéroport, accueilli par un monde fou, plus fou que celui qui suivit Sadio et sa bande le soir de leur sacre africain. Et sur les pancartes, un seul slogan : «Baal nu àq, on s’était tout juste trompés !»
Amadou FALL
Inspecteur de l’enseignement à la retraite à Guinguinéo
zemaria64@yahoo.fr