L’affaire Abdoulaye Sylla-Pape Alé Niang a été appelée hier à la barre par le juge correctionnel. Le délibéré de cette citation directe intentée pour diffamation sera rendu le 8 novembre.

Pape Alé Niang a été traduit hier devant le juge correctionnel pour le délit de diffamation. La citation directe servie au chroniqueur du site d’informations Dakar matin est l’œuvre de l’homme d’affaires Abdoulaye Sylla. Le plaignant évoque un «acharnement» du journaliste contre sa personne. Ce que le prévenu a catégoriquement rejeté.
Il est largement revenu sur les sujets abordés dans deux de ses chroniques concernant ce proche du pouvoir. Pour mieux comprendre cette affaire, il faut remonter au procès de Karim Wade devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). On se rappelle, la société Ahs avait été mise sous administration provisoire. Menant une enquête, le journaliste s’est rendu compte qu’une société a été créée par l’épouse de Abdoulaye Sylla six mois avant la décision rendue par la Crei. Autre élément soulevé par la curiosité du confrère, c’est que six mois après, ladite société n’est pas sur la liste des sociétés agréées au Sénégal et n’avait pas d’expérience en matière de gestion aéronautique. Quelque temps après, dit-il, M. Sylla est devenu lui-même gestionnaire. Selon toujours Pape A. Niang, Abdoulaye Sylla a réintégré Cheikh Tidiane Ndiaye qui a été pourtant licencié des Ahs pour redevenir directeur adjoint alors qu’il y avait une procédure au Tribunal.
Sur la «gestion scandaleuse» de M. Ndiaye, le journaliste dit n’avoir rien inventé. Selon lui, ce sont les travailleurs qui ont dénoncé sa gestion à travers un communiqué qui a été traité par toute la presse. Quant au marché d’assainissement d’une centaine de milliards de francs Cfa du pôle urbain de Diamniadio attribué à l’homme d’affaires, il a juste dit qu’il s’est demandé comment Abdoulaye Sylla a pu bénéficier d’un tel marché devant des ténors ? Les avocats du journaliste ont dénoncé le fait que les propos de leur client, tenus en wolof, soient traduits et non transcrits dans la citation. Pour l’avocat de la partie civile, «seul l’Etat a le pouvoir de nommer et de destituer. Tout a été fait légalement. Tous les faits allégués ne sont pas fondés. C’est faux». Et selon Me Seyni Ndiongue, dans la liste de 11 marchés cités par le prévenu, aucun n’a été attribué à son client. Et d’ajouter : «C’est quelqu’un qui est habitué de cette barre. Il est de loin la personne qu’il essaye de démontrer. Il a été condamné trois fois pour des faits similaires.» Le conseiller de l’homme d’affaires a par ailleurs souligné que son client a souffert des conséquences morales et financières.
Dans son réquisitoire, le procureur a requis l’application de la loi. «Abdoulaye Sylla est un personnage gênant. On a l’impression que nous sommes dans une République de coquin et de famille. Il a commis trop de choses. Au nom de quoi s’il y a des dérives qu’on en parle pas ?», assène Me Demba Ciré Bathily. Pour lui, il s’agit d’un procès qui a pour but d’intimider un lanceur d’alerte qui met à nu des scandales. Pour son confrère Me Ousseynou Fall, «le journaliste a le droit d’informer. Lorsqu’on garde le silence dans certains dossiers, c’est un crime». Fustigeant la non-comparution de Abdoulaye Sylla, il a parlé d’abus de droit de ne pas comparaître en tant que plaignant, car il cite tout le temps des gens sans comparaître.
L’affaire a été mise en délibéré au 8 novembre prochain. Les exceptions tirées de la nullité de la citation pour faute de date, la prescription qui est de 6 mois révolus, l’irrecevabilité soulevées par la défense ont été joints au fond par le juge.
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