Après les menaces de mercredi, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel est passé à l’acte en coupant le signal à Walf Tv et Sen Tv. Le Cnra, qui évoque des articles du Code de la presse pour légitimer ses actions, est démenti par le président du Cdeps. Pour Mamadou Ibra Kane, il s’agit d’une «violation de la loi».

Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) avait menacé ce mercredi de couper le signal aux télévisions qui diffusaient en direct les manifestations qui ont lieu un peu partout dans le pays depuis l’arrestation du leader de Pastef Ousmane Sonko. L’organe dirigé par Babacar Diagne est passé à l’acte. Hier dans l’après-midi, le Cnra a coupé le signal à Walf Tv et Sen Tv sur la Tnt et sur Canal+. Sur cette dernière, en lieu et place des programmes de Sen Tv, un bandeau annonce sobrement que la chaîne n’est pas disponible et affiche un écran noir sur le canal de Walf Tv. La même chose est aussi constatée sur la Tv d’Orange ou les deux chaînes sont indisponibles. Sur la Tnt, les censeurs sont allés beaucoup plus loin puisqu’ayant carrément remplacé le signal de Walf Tv par celui de la Rts, la chaîne nationale. Après avoir coupé le signal aux deux télés, le Cnra a sorti un communiqué pour justifier cette décision qui, selon le gendarme de l’audiovisuel, s’appuie sur l’article 26 de la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Cnra et l’article 210 de la loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la presse. «La diffusion des programmes de Walf Tv est suspendue pour 72 heures, durant la période allant du jeudi 4 mars 2021 à 17 heures au dimanche 7 mars 2021 à 17 heures.» La même sentence est servie à la Sen Tv et le Cnra charge la Société de télédiffusion du Sénégal (Tdc Sa) et Canal+ Sénégal de l’application de la décision. Une décision que le Cnra motive également en notant que malgré la mise en garde qui leur a été servie 24h plus tôt, les deux chaînes n’ont pas obtempéré. «La Sen Tv a persisté dans sa logique de violation de la réglementation, en diffusant en boucle des images de violences», écrit le gendarme de l’audiovisuel qui sert la même phrase à Walf.

Une violation de la loi
Président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse (Cdeps), Mamadou Ibra Kane se dit consterné par cette décision. «C’est une consternation parce que c’est une violation de la loi. Il n’y a aucun texte qui autorise une autorité administrative à fermer un média au Sénégal», s’indigne-t-il. Le président du Cdeps avance comme argument que le Code de la presse, sur lequel le Cnra s’est appuyé pour agir, mentionne la Haute autorité de régulation de l’audiovisuel (Harca) et que nulle part dans les textes il n’est dit que le Cnra puisse se substituer à la Harca. «C’est une violation du Code de la presse et de la Constitution qui consacre la liberté de presse», s’indigne M. Kane. Ce précédent est d’autant plus dangereux que toute la presse est en danger, selon lui. «C’est un danger qui guette tous les journalistes et les techniciens des médias. C’est de l’arbitraire pur et simple sans aucun fondement légal», poursuit-il. La presse sénégalaise a joué un rôle de premier plan dans les transitions démocratiques que le pays a connues en 2000 et 2012. Mais aujourd’hui, note M. Kane, «on est à un point où la démocratie est très gravement menacée». M. Kane précise en effet que les journalistes sont au service du Peuple, mais pas d’un président de la République.

La Rfm, Le Soleil et Dakaractu attaqués par des manifestants
Dans la soirée, les manifestations qui ont émaillé la journée ont pris une nouvelle tournure. En effet, un groupe de jeunes s’est violemment attaqué à l’immeuble Elimane Ndour, siège de la radio Futurs médias sur la corniche. Des voitures ont été démolies, les vitres du bâtiment caillassées par des assaillants résolus à en découdre avec les journalistes. Ces jeunes manifestants se sont aussi attaqués au quotidien national Le Soleil dont le siège à Hann a été la cible de cocktails Molotov. Dans une intervention à la radio, Ibrahima Lissa Faye a également annoncé une attaque contre Dakaractu. Dans un communiqué de presse, le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics) dénonce «ce qui semble être un plan de décapitation de la presse sénégalaise». Bamba Kassé et Cie interpellent le ministre de l’Intérieur et lui demande de prendre les mesures idoines «pour assurer la sécurité des medias, quelle que soit leur ligne éditoriale».