En attendant que le Fonds monétaire international finalise un nouveau programme de coopération, le gouvernement s’astreint à assainir autant que faire se peut, ses finances, de façon à alléger autant que possible le poids du coût de la vie sur les populations, en particulier les plus pauvres. Depuis l’élaboration du Plan de redressement économique et social (Pres), le gouvernement a cherché à se donner les moyens de rassembler les moyens qui doivent lui permettre de remettre en marche la machine de l’économie sénégalaise. Le plus dur pour les pouvoirs publics est de faire en sorte que ces moyens en question ne viennent pas alourdir les charges qui pèsent sur ceux qui, dans la société sénégalaise, produisent et font vivre la majorité de leurs concitoyens.

Lors de la campagne électorale pour l’élection présidentielle, le Premier ministre de notre pays s’était laissé aller, au cours de ses discours de campagne, à assurer qu’une fois le pays dans les mains des nouveaux dirigeants -une équipe dont il allait assurer la direction-, les choses allaient commencer à changer dans le bon sens, dans les deux mois suivants. L’une des choses les plus admirables qu’il avait dites, était que le pays n’avait même pas besoin de ressources extérieures pour assurer son décollage et sa prospérité.

Plusieurs mois plus tard, avec la révélation d’une économie au fin-fond du 4ème sous-sol et la mise au jour d’une dette dont les dimensions ont dépassé les prévisions les plus pessimistes qu’il avait énoncées le 26 septembre 2024, le chef du gouvernement semble donner l’impression d’être sur un tourniquet. Quand la tentative de vouloir faire retomber sur le Fmi la responsabilité des turpitudes du pouvoir de Macky Sall a fini par échouer, et que la signature de l’Etat sur les marchés internationaux et auprès des partenaires étrangers a pris une trajectoire contraire à la tonalité des discours du Premier ministre qui, souvent, pensait régler les problèmes d’Etat en s’en prenant à des adversaires nationaux et extérieurs, les cercles du pouvoir ont fini par comprendre qu’il fallait laisser la gestion de l’économie du pays à des technocrates, quitte à passer tirer les marrons du feu par la suite.

C’est ainsi que le Premier ministre ne s’est pas privé du plaisir, avant-hier, d’annoncer une baisse prochaine du prix des produits pétroliers, ainsi que de celui du carburant à la pompe. Une très grande nouvelle, et qui viendrait à son heure, une fois qu’elle sera intervenue. N’oublions pas que le Sénégal est, depuis plusieurs années, le pays où le litre d’essence ou de gasoil est le plus cher dans la sous-région, ainsi que dans les pays de la Cedeao. Même le Mali et le Burkina, pays de l’Hinterland dont l’approvisionnement en produits pétroliers dépend des pays du littoral, nous dament le pion dans ce domaine. Or, tout le monde sait que ces pays souffrent actuellement. En particulier notre plus proche voisin, le Mali.

La mesure n’est pas encore entrée en vigueur qu’elle soulève de l’enthousiasme ? Souhaitons qu’elle ne se fasse pas attendre avant la mise en application du budget de l’année prochaine. Cela n’est pas ironique, car le prochain budget en question prévoit moins comment améliorer la situation sociale des individus que les subterfuges pour leur faire les poches.

On rappelle avoir traité dans ces colonnes, des différentes mesures imaginées par l’Etat pour soutirer des sous aux «Goorgoorlou», pour lui permettre de dénicher les 5590 milliards de Cfa nécessaires au financement du Pres du Pros. Il ne faut pas oublier que M. Sonko avait promis que 90% de cet argent devaient provenir de ressources endogènes. En plus, il ne faudrait pas croître le déficit du budget, que les pouvoirs publics prédisent à 5, 37%, contre 7, 8% cette année 2025.

Puisque l’on ne peut s’endetter à tout-va, et que l’on ne peut non plus jouer sur la munificence du marché financier sous-régional dont la confiance n’a à ce jour pas fait défaut au Sénégal, on va tabler sur les vices des Sénégalais.
La loi de finances de cette année ne s’en cache d’ailleurs pas, reprenant le document de présentation du Pres par le Premier ministre : «L’adoption d’une politique fiscale innovante, efficace, efficiente, équitable et transparente se traduira, entre autres, par une mobilisation optimale de recettes grâce à la mise en œuvre des mesures de la Stratégie d’urgence de la phase de redressement économique (Suprec) 2025-2028. En effet, le développement économique et social doit être soutenu par l’exploration de nouvelles niches fiscales à grandes capacités contributives. Il est également opportun de prendre en compte les enjeux liés à la maîtrise des mutations de la structure économique, produits par le développement fulgurant des transactions numériques, ainsi que ceux relatifs à des consommations à risques comme les jeux, l’alcool et le tabac.

A cet effet, les mesures consécutives à la modification du Code général des impôts permettront de générer des ressources fiscales supplémentaires.
Ainsi, en plus des recettes fiscales, la progression des recettes budgétaires serait portée notamment par des recettes additionnelles de 762, 6 milliards F Cfa issues de l’estimation des mesures du Pres comme :
– la taxation des jeux de hasard pour 300 milliards de F Cfa ; la taxation des services «mobile money» estimée à plus de 76, 5 milliards de F Cfa ;
– la suppression des valeurs de correction au profit des valeurs transactionnelles sur certains produits générateurs de recettes comme le riz et l’huile, ce qui devrait rapporter 29 milliards de F Cfa ; la réactivation des droits de sortie sur les exportations d’arachide qui devrait générer 9 milliards de F Cfa ; le relèvement de la taxation sur le tabac de 70 à 100%, qui devrait rapporter 8, 2 milliards de F Cfa ;
– les gains attendus de la rationalisation des dépenses fiscales pour 100 milliards de F Cfa ;
– la réactivation des droits à l’importation des téléphones portables ferait gagner 18, 8 milliards de F Cfa ;
– la taxe à l’importation des noix de cajou est attendue à 5 milliards de F Cfa ;
– la taxe sur l’exportation d’or est projetée à 26, 3 milliards de F Cfa ;
– la taxe sur l’importation des véhicules devrait générer 28, 5 milliards de F Cfa ;
– le relèvement de la taxe sur l’alcool et les liquides alcoolisés à 65% et ceux produits localement à 40%, devrait générer 2, 6 milliards de F Cfa ;
– les dividendes issus des surplus imputables aux sociétés minières sont attendus à 9 milliards de F Cfa ;
– la taxe topographique est projetée à 0, 96 milliard de F Cfa ;
– les recettes attendues de la régularisation foncière massive sont estimées à 100 milliards de F Cfa ;
– la «Régularisation-renouvellement» de convention de concession aux opérateurs téléphoniques attendue à 50 milliards de F Cfa…»

Malheureusement, tous les calculs faits par leurs propres experts montrent que les 762 milliards de Cfa espérés ne permettront pas de soulager les pauvres citoyens qui vont devoir casquer pour leur confort hypothétique, et n’aideront pas à compléter les sommes manquantes.

La question que les gens vont se poser, une fois que leur vices et leurs petits plaisirs devenus prohibitifs, et qu’ils se rendront compte que le fait d’avoir réduit de si peu le prix des hydrocarbures et des produits pétroliers n’a pas rendu ces derniers bon marché parce que le panier de la ménagère ne se remplit pas que de gasoil, sera de savoir si les stratégies du Pres seront en mesure de d’enlever du cou de Goorgoorlou le genou du fisc.
Par Mohamed GUEYE / mgueye@lequotidien.sn