Nathalie Yamb, activiste qui twitte sous la dictée de Moscou, de même que son compère Kémi Séba, cible depuis quelques semaines les nouvelles autorités sénégalaises depuis leur refus de rejoindre le Mali, le Burkina Faso et le Niger au sein de l’Associa-tion des Etats du Sahel.

Il faut dire que les premiers actes posés en matière de politique étrangère par le Président sénégalais ont été une douche froide pour tous les activistes pseudo-panafricanistes qui veulent une rupture brutale avec nos partenaires traditionnels européens et américains. Kémi Séba et Nathalie Yamb -l’un Français, l’autre Suissesse- ciblent la France d’une manière obsessionnelle.  Dernier acte : Nathalie Yamb fait un tweet pour fustiger le Général Pascal Ianni, nommé à la tête du nouveau commandement français en Afrique. Il s’agit du dispositif qui va coiffer le recalibrage de la nouvelle présence militaire française en Afrique. Dans le langage fleuri auquel elle a habitué son public, elle écrit : «On vous dit de partir, vous dites que vous allez être «moins visibles». Vous êtes de vrais morpions. Mais je vous promets : on va vous dégager d’Afrique, jusqu’au dernier, Djibouti inclus. Vos mensonge (sic), vos armes, vos bidasses, vos fake news, vos terroristes, vos attaques n’y pourront rien.» Mme Yamb est le symbole de cette génération d’Africains qui veulent en finir avec la France, jugée puissance impérialiste, pour placer l’Afrique sous le joug de la… Russie. Au-delà du ridicule de la démarche, des éléments factuels peuvent être posés pour montrer en quoi l’Afrique n’a besoin ni de maître ni de tuteur. Elle doit gagner les moyens de sa souveraineté par le parachèvement de la démocratie et l’émergence économique. L’horizon indépassable de l’Afrique, ce n’est ni la fermeture, ni la défiance vis-à-vis de ses partenaires, encore moins le remplacement de Jean par Sergueï, mais le renforcement de nos partenariats économiques actuels et l’ouverture à tout le monde dans une volonté de gain commun et de respect de notre souveraineté.

De Wagner à l’Africa Corps
La campagne manipulatrice des activistes proches de Moscou pose un sérieux problème démocratique, éthique et de transparence, car elle est truffée de discours qui sont contraires à la réalité des chiffres et des actes dans la relation entre la Russie et l’Afrique.

Moscou, dans sa guerre idéologique avec l’Occident, veut en finir avec la démocratie libérale et imposer le modèle illibéral, à l’image de la gouvernance brutale de Vladimir Poutine. A ce propos, il se dégage une certaine volonté de la Russie de créer de nouveaux pôles. L’idée d’«un monde nouveau» avec l’Afrique est ainsi vendue à des activistes et aux populations à travers un puissant outil de manipulation et d’ingérence dans les affaires intérieures des pays francophones d’Afrique. L’objectif derrière est de s’ériger en grande puissance opposée à l’Occident pour véhiculer les idées que la démocratie libérale est un non-sens et un contresens historique, et vanter le modèle autoritaire russe, chinois ou turc. Cette volonté de peser dans la géopolitique de l’Afrique a été mise en exergue au Sommet Russie-Afrique de Sotchi en 2019, et réaffirmée lors du Sommet de Saint-Pétersbourg en 2023. Mais les faits sur le terrain n’ont jamais confirmé l’enthousiasme des engagements russes vis-à-vis de l’Afrique. Moscou s’était engagée au sommet de Sotchi à favoriser le développement de la coopération pour combattre le terrorisme international, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants. Elle a renouvelé cet engagement lors du Sommet de Saint-Pétersbourg. Mais jusqu’ici, aucun résultat concret. Les 107 soldats tués par des groupes terroristes à Mansila, malgré la présence de Wagner dans le pays, constituent une preuve macabre de l’inanité de la présence russe, mais au-delà de l’irresponsabilité de vouloir confier sa sécurité à un groupe privé de mercenaires. En réalité, la Russie s’est contentée partout d’envoyer des mercenaires de Wagner dont l’action est entachée d’exactions contre les civils et guidée par la prédation des ressources naturelles. C’est le cas en Centrafrique, au Burkina Faso, au Mali, au Soudan… La détérioration du climat sécuritaire au Mali et au Burkina, et les abus sur les droits de l’Homme témoignent du climat de tension dans ces pays, malgré encore une fois le choix fait par les autorités de se placer sous le parapluie russe. Le 22 mars 2023, un rapport de l’Onu affirme que le nombre de civils tués au Mali a augmenté de 54% entre 2021 et 2022 ; passant de 584 personnes tuées à 1277.
Il y a eu également une hausse de 35% des violations des droits humains (blessés, disparitions, viols) due à l’Armée malienne et à ses «alliés», des mercenaires du groupe Wagner déjà impliqués dans de multiples exactions.
Ces chiffres n’incluent pas les violations graves dénoncées dans un massacre à Moura, au Centre du Mali, en mars 2022. Un an après le massacre, le Haut-commissariat de l’Onu aux droits de l’Homme conclut dans son rapport qu’au moins 500 civils dont une vingtaine de femmes et sept enfants, ont été massacrés par l’Armée malienne associée à des miliciens étrangers du groupe Wagner.

La transformation de Wagner en Africa Corps, après la rébellion de Prigogine et sa mort dans des conditions troubles, constitue un danger pour la souveraineté des pays dans lesquels cette milice exerce. Pourtant, l’exigence de garantir la souveraineté nationale a été un moteur de l’ascension des putschistes et le prétexte de rompre avec la France. Au Mali, même les Nations unies ont fait les frais du choix curieux et suicidaire des autorités de l’interminable transition, car elles ont mis fin au mandat de la Minusma. De toutes les façons, la Russie est un contributeur très faible des missions de l’Onu en Afrique, avec 19 personnels pour la Monusco, 29 pour l’Unmiss, 12 pour la Minusca et 12 pour la Minurso. Ces chiffres faméliques, comparés aux milliers de soldats envoyés pour envahir un pays souverain, l’Ukraine, renseignent sur l’engagement de Moscou envers le multilatéralisme et envers l’Afrique quand sa sécurité et celle de ses populations civiles sont menacées.

Un «rapport qualité/prix» désastreux
Le groupe Wagner coûterait 10 millions de dollars par mois, soit 6 milliards F Cfa, au Mali. Selon la Deutsche Welle, Wagner facture au gouvernement malien 103 millions d’euros par an pour sa présence, soit 45% du budget national de la santé.

Pendant ce temps, les attaques terroristes se multiplient dans le pays et les Maliens, qui ont environ 4h d’électricité par jour, voient leurs ressources limitées être dépensées pour préserver la pérennité du régime de Assimi Goïta.
C’est le même mécanisme partout. Les coûts du groupe Wagner dans les pays où la milice est présente sont faramineux : 400 millions de F Cfa par semaine en Centrafrique par exemple.

Le choix du Sénégal de s’ancrer dans la démocratie, matérialisé une nouvelle fois par le scrutin du 24 mars dernier, et son orientation de rester dans la Cedeao, malgré les sirènes de l’Aes, gênent aux entournures tous les entrepreneurs du chaos affiliés à Moscou, sur le continent et dans la diaspora. Ce n’est guère un hasard que l’ambassade russe à Dakar ait sorti un tweet virulent contre le Président sénégalais lors de son voyage en France ponctué par un déjeuner avec Emmanuel Macron.
Birane GAYE
Enseignant