«Janmgi faamaali,
Faami janmgaali,
Janmgaali faamaali,
Ko be’e tato wonoyta fii
lanmugol Affriki.»
«Celui qui a appris sans comprendre,
Celui qui a compris sans apprendre,
Celui qui n’a ni appris ni compris, Ces trois-là provoqueront un jour la destruction de l’Afrique.»
Djibril DIALLO
A un moment de notre histoire où l’écart est très grand entre l’état du pays et notre état d’esprit, à un moment où la pensée et la réflexion sont sorties des étroits milieux que constituent les érudits, les écrivains et les intellectuels, nous regardons 2024, la rue et son mouvement avec curiosité, appréhension, doute et tout de même espoir.
Nul besoin de convaincre qui que ce soit de l’importance du Sénégal dans la région, et de l’intérêt que nous avons que ce pays, avec ses traditions au plan politique, reste une démocratie prospère. Née de luttes séculaires avec la volonté de la parfaire dans une croissance économique à rendre plus inclusive, elle n’en révèle pas moins des insuffisances que les jeunes, fortement marginalisés dans leur grande majorité, mettent à nu.
De ces jeunes, un grand nombre a choisi la culture, sous différentes formes d’expression, parce qu’elle est transversale et englobante. Ils la manifestent dans les arts plastiques en particulier, pour exprimer dans l’écriture propre à ce secteur ce qui est élevé, ce qui est beau, ce qui est prospectif et anticipe d’un meilleur monde.
Informer d’un report les participants et les visiteurs prévus à la Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, dans son édition de 2024, à vingt jours de l’ouverture officielle, relève d’une inélégance. Ma pensée a été envahie par un engourdissement nébuleux.
La Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, aurait dû se tenir le 16 mai 2024.
Quatrième plateforme culturelle mondiale, en sa 15ème édition cette année, rien ne peut justifier ce report. Il intervient surtout à un moment où de nombreux pays ont leurs regards voraces et envieux posés sur la Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art.
Rien ne peut justifier ce report dans un contexte où les pays en développement cherchent à doubler la valeur en dollars de leurs exportations culturelles : de 11,5 milliards de dollars à 25 milliards de dollars, en moins de dix ans.
Comme celles de 1994 et de 2020, la Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, de 2024 s’est heurtée à quelques résistances qui ont entraîné son report.
C’est acté après moult rumeurs, controverses, luttes intestines stériles et constat d’une impréparation manifeste.
Des phases successives qu’a connues la Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, les éditions qui s’attachent à celles de 1990, 1996, 2008, 2016 et 2018 furent celles de sa plus vaste étendue, de l’apogée de sa puissance et de son expansion.
Il convient aujourd’hui de s’arrêter et de réfléchir pour voir comment gagner les cœurs des femmes et des hommes de culture. Cela, en vue de les inscrire dans les espaces de la patience et de la lucidité.
La Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, se tiendra à partir du 7 novembre et nous avons le devoir de travailler à sa réussite.
Il faut tirer les leçons. Il faut que change la perception des forces vives de la Nation sur le monde de la culture et singulièrement des arts. Rappelons-le, la Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, est un outil de renforcement de la gouvernance de la culture, d’intégration de la culture dans les stratégies de développement durable, de promotion des droits humains et des libertés fondamentales.
La Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, offre un environnement qui facilite l’accès équitable à des échanges ouverts et équilibrés, renforce les capacités et améliore les infrastructures culturelles dans le pays.
Le monde dans lequel nous vivons l’exige. Ce même monde nous invite à la formalisation d’un dialogue entre femmes et hommes de culture, artistes, la Ville de Dakar et l’Etat.
Nous vivons dans un monde en évolution et en mutations exponentielles. Un monde dit d’innovation. Dès lors, le Sénégal doit offrir à ses enfants toutes les occasions possibles de découverte et d’expérimentation scientifique, culturelle et sociale esthétique, artistique, sportive.
Le savoir n’est pas une condition suffisante de la culture, mais une condition nécessaire. Il nous faut saisir l’opportunité de ce report, pour réfléchir sur comment soutenir les systèmes de gouvernance durables de la culture :
– Renforcer les moyens techniques et financiers des organismes gouvernementaux et ceux de la Ville de Dakar, responsables des politiques culturelles, afin qu’ils engagent une collaboration Etat/Ville de Dakar ;
– Décentraliser les compétences et les ressources pour favoriser la gouvernance à plusieurs niveaux, en délimitant clairement les responsabilités des uns et des autres ;
– Affecter des budgets appropriés pour une application concrète du programme de la Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, si nous voulons que le Sénégal soit du lot des pays en développement qui doublent la valeur en milliards de dollars de leurs exportations.
Des progrès ont été réalisés en termes d’intégration de la culture au sein des politiques et programmes de développement durable à l’échelle nationale qui entrecroisent les retombées économiques, sociales, environnementales et, bien évidemment, culturelles.
Personne n’est plus qualifié que les acteurs culturels pour nourrir cet exercice collectif d’invention d’un futur porteur d’une nouvelle humanité.
Pour ce futur qui se fera au service de l’humain ou ne sera pas, il est établi que la «Création» est la matière la plus efficace. Elle est le témoignage bouleversant de la seule dignité de l’Homme : la révolte tenace contre sa condition.
La promotion de la liberté d’imaginer et de créer me paraît essentielle. L’imagination et la créativité sont les manifestations les plus nettes de la liberté. Elles sont les intrants indispensables à l’innovation tant sociale, politique qu’économique. Elles sont les seuls ingrédients pouvant faciliter la mise en place des mécanismes de promotion continue de valeurs humaines, donc culturelles, et de confiance, de même que tout autre mécanisme de renforcement de l’échange dans les savoirs et connaissances, d’émulation réciproque donc de réciprocité, si réellement nous voulons meubler utilement les cerveaux de nos enfants et arracher nos peuples de la misère et de la pauvreté.
L’expression artistique fait partie intégrante de notre humanité qui repose sur notre capacité à peindre, à chanter, à danser et à jouer en spectacle qui nous distingue en tant qu’individus. Mais c’est également ce qui nous rapproche en tant que communauté et nous aide à dépasser nos différences linguistiques, géographiques, culturelles, religieuses et politiques. C’est dire que le Dak’Art doit aussi être à l’école et dans les universités, par l’art, c’est-à-dire tous les arts dans les expressions multiples (la poésie, le théâtre, la danse, la musique, le cinéma, le cousinage à plaisanterie, etc.).
La Biennale est une occasion de travailler à l’investissement dans le talent et à la quête d’excellence dans les quartiers.
Une pratique d’un ou de plusieurs arts peut relever les exigences de notre époque et forger le Sénégalais nouveau. Car le Dak’Art se situe, plus que jamais, dans la perspective de l’accouchement douloureux d’une société mondiale au cœur du développement de la personne et des communautés.
Notre humanité est faite de voyages et de rencontres. L’effort culturel est une valeur de civilisation. L’artiste, qui témoigne de l’état de cette humanité, avec un message d’espoir, doit pouvoir se sentir libre. La mobilité fait partie intégrante de sa vie et de sa carrière.
Les responsables culturels doivent développer et soutenir des moyens innovants permettant aux artistes et aux professionnels de la culture de voyager, et ce malgré l’aggravation des restrictions. Il est en effet essentiel que les artistes aient l’occasion de découvrir des milieux qui leur sont étrangers pour progresser professionnellement, mais aussi pour rencontrer d’autres communautés et élargir leur compréhension d’autres cultures.
Un des invités d’honneur de la Biennale de l’art contemporain africain, le Dak’Art, est les Etats-Unis d’Amérique (Usa). Il faut profiter de leur présence pour rappeler que la mobilité culturelle est depuis longtemps un élément essentiel des sociétés et la source de certaines des créations artistiques les plus célèbres de l’humanité, depuis l’Antiquité.
Actuellement, du fait des restrictions de plus en plus drastiques sur les déplacements des personnes et du renforcement des mesures sécuritaires aux frontières, les influences artistiques transculturelles sont menacées.
Fait au PÉNC 1.9/ atelier LebergerdelîledenGor
Abdoulaye DIALLO
LebergerdelîledenGor