18 ans après le naufrage du bateau Le Joola au large des côtes gambiennes, le débat sur la prise en charge des pupilles continue à faire rage. Dans cet entretien, Mamadou Saliou Diallo, Directeur général de l’Office national des pupilles de la Nation, fait le point sur leur prise en charge, «l’importance» de cette structure dans leur accompagnement psychopédagogique. Sans langue de bois, il exclut la disparition de l’office après que certains orphelins ont atteint l’âge de la majorité.

L’Office national des pu­pil­les de la Nation existe depuis 2012. Pouvez-vous nous parler de cette agence ?
L’Office national des pupilles de la Nation (Onpn) est une agence d’exécution de l’Etat du Sénégal mise en place en 2012, par le décret n°2011-299 du 02 mars 2011 en vue d’offrir un cadre structurel et règlementaire de prise en charge des orphelins déclarés pupilles de la Nation. La signature de ce décret fait suite à l’adoption de la loi n°2006-39 du 21 novembre 2006 instituant le statut de Pupille de la Nation, votée au lendemain du naufrage du bateau Le Joola. Ainsi, l’Onpn est placé sous la tutelle technique du ministère de la Femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants et prend en charge à ce jour 965 orphelins déclarés pupilles de la Nation.

Concrètement, comment s’effectue la prise en charge de cette frange de la population ?
La prise en charge des pupilles de la Nation se fait suivant trois axes. D’abord, dans le domaine de l’éducation, de la formation et de l’insertion, l’Onpn, grâce à son réseau de partenaires, octroie aux pupilles : des exonérations totales ou partielles sur les frais d’inscription et/ou de scolarité ; des bourses d’études et de formation ; des stages et emplois.
En outre, l’Onpn organise chaque année des sessions de préparation aux différents examens afin de permettre aux pupilles de mieux aborder les épreuves. Egalement, l’office promeut l’employabilité et l’insertion professionnelle des pupilles majeures à travers l’organisation de sessions de renforcement des capacités, l’orientation vers les secteurs porteurs et l’accompagnement dans la recherche du premier emploi.
Ensuite, en matière de santé, l’Onpn offre une couverture médicale complète aux pupilles à travers l’enrôlement dans des mutuelles de santé et la prise en charge des pathologies non couvertes par lesdites mutuelles.
Enfin, l’office veille à l’entretien et au bien-être des pupilles mineures en leur octroyant des allocations mensuelles jusqu’à la majorité civile. De plus, un suivi psychosocial est effectué lors de visites à domicile et dans les structures de placement.

Quel bilan peut-on faire des prestations de l’Onpn ?
Les interventions de l’Onpn sont destinées à améliorer les conditions de vie sociales, économiques et affectives des pupilles de la Nation. A ce titre, le bilan est positif au regard de l’accompagnement et du suivi apportés aux 965 orphelins titulaires de ce statut. En effet, de 2017 à 2019, l’Onpn a pu effectuer les réalisations suivantes : 158 exonérations sur les frais d’études ; 387 bourses pédagogiques et de formation ; 64 ordinateurs portables, 61 kits scolaires et 133 subventions remis aux pupilles admises au Bac, au Bfem et au Cfee ; 49 pupilles majeures accompagnées dans leur insertion professionnelle (stages et emplois). 668 pupilles sont enrôlées dans des mutuelles de santé, soit un taux de couverture nationale de 69,22 %. Notons également l’évolution des allocations mensuelles qui sont passées de 30 000 F Cfa en 2014 à 50 000 FCFA en 2020.

Combien de pupilles sont prises en charge ? Et comment se comportent-elles dans la vie scolaire ?
A ce jour, l’Office national des pupilles de la Nation prend en charge 965 orphelins déclarés pupilles de la Nation. C’est l’occasion de revenir sur les catégories de pupilles de la Nation au Sénégal. En effet, conformément à la loi n°2006-39 du 21 novembre 2006, peuvent bénéficier du statut de Pupille de la Nation : les enfants mineurs des personnels des Forces armées, des personnels des forces de la police et des autres corps paramilitaires, des fonctionnaires et agents de l’Etat dont les parents sont morts à l’occasion de guerre ou d’opération de maintien de la paix ou de la sécurité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national ou à l’occasion de l’exécution de mission de service commandé ou de service public, ou se trouvent du fait de ces évènements, dans l’incapacité de pourvoir à leurs obligations et charges de famille ; les enfants mineurs des personnes victimes d’accidents graves ou de catastrophes dont l’Etat accepte la prise en charge ou en cas d’engagement de sa responsabilité.
Sur le plan scolaire, les pupilles de la Nation ont de bons résultats. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle l’office organise chaque année la fête de l’excellence en vue de récompenser les pupilles ayant réussi aux différents examens. C’est également l’occasion de leur donner le matériel didactique et l’appui financier nécessaires pour bien démarrer l’année scolaire en vue.

Que sont devenues certaines générations de pupilles ?
En dehors des pupilles qui sont dans le circuit scolaire, beaucoup de pupilles diplômées sont confrontées aux problèmes de l’insertion professionnelle. Mais à côté de ces pupilles, certains ont choisi l’émigration, le commerce et l’enrôlement dans les Forces de défense et de sécurité.

A la veille de la commémoration du naufrage du bateau Le Joola, que sont devenues les pupilles qui en étaient issues ? Sont-elles toujours prises en charge ?
Les pupilles issues du naufrage du bateau Le Joola constituent la première génération de pupilles de la Nation au Sénégal. Effectivement, elles sont toujours prises en charge parce que l’accompagnement de l’office continue au-delà de la majorité civile (18 ans). Les pupilles majeures bénéficient de toutes les prestations de l’Onpn, exception faite du versement des allocations mensuelles.

Aujourd’hui, quels défis doit relever votre agence ?
L’Office national des pupilles de la Nation a comme principaux défis : La vulgarisation du statut de Pupille de la Nation au Sénégal. Il faut aussi noter la promotion de l’insertion socioprofessionnelle des pupilles majeures, le renforcement du volet partenarial.

Les moyens financiers sont-ils assez suffisants pour une telle mission ? 
Aujourd’hui, l’Onpn bénéficie exclusivement du concours de l’Etat du Sénégal, mais grâce à réseau de partenaires publics et privés diversifiés, lequel permet d’assurer un accompagnement constant et adapté dans les domaines de l’éducation, de la formation, de l’insertion et de la santé, entre autres.

Depuis quelques jours, on annonce la disparition de l’Office national des pupilles de la Nation… Si tel est le cas, pourquoi sa mission devrait-elle s’arrêter ou est-ce lié à l’âge de certaines pupilles qui ont atteint la majorité cette année ?
Il est utile de comprendre que la création de l’Office national des pupilles de la Nation répond à une démarche structurelle et non conjoncturelle soutenue par une vision clairement définie à travers un plan stratégique de développement et un contrat de performance signé avec, respectivement, le ministère de la Femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants, et le ministère des Finances et du bdget. A ce jour, l’office prend en charge 965 orphelins déclarés pupilles de la Nation dont 720 issus du naufrage du bateau Le Joola, sur le plan de l’éducation (bourses d’études, exonérations, renforcement des capacités…), social (allocations mensuelles) et de la santé (prise en charge médicale). En outre, 92% du budget d’investissement de l’Onpn sont consacrés à la prise en charge des pupilles de la Nation. Et cette prise en charge se poursuit au-delà de la majorité civile (18 ans), car les pupilles majeures continuent de bénéficier des prestations de l’Onpn sur le plan psychopédagogique. Pour ainsi dire, la mission de l’Onpn s’apparente au statut de Pupille de la Nation, et ce statut ne se perd pas à la majorité civile. Par conséquent, la mission de l’Onpn ne peut être caduque du fait de la majorité des pupilles de la Nation.