«La vie de pervers, le malheur du repli sur soi, l’isolement dans la tourmente, l’abandon des grands principes, la pauvreté des idées, l’insubordination, l’insolence du geste et du verbe et l’indiscipline sont des champs de bataille qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres.»

Le contenu du débat politique devient de plus en plus lamentable. C’est comme si nos acteurs politiques (ancienne comme nouvelle génération) naviguent dans les eaux dramatiques, fangeuses et obscures de la médiocrité idéologique et de la cécité intellectuelle. En paraphrasant Montesquieu, j’affirme que la meilleure manière de faire partager au peuple l’effet des richesses de son pays, c’est de mettre de l’ambition dans tous les cœurs. Et pour y faire demeurer à jamais l’effet de la pauvreté, c’est de faire naître, au sein de ce même peuple, le désespoir. La première option s’installe par le travail ; l’autre se consolide par la paresse, l’indigence, l’insolence et la vulgarité des opinions, même contradictoires, et la désinence des ego surdimensionnés. Parce que justement l’ignorance, l’insolence, la vulgarité et la pauvreté des idées ont les mêmes effets que la richesse, la moralité, l’apaisement, le patriotisme et le civisme sur le Peuple qui subit sans possibilité de fuir.
Ni aujourd’hui ni jamais, la richesse des idées -seule- ne suffit à classer un homme parmi les bienheureux mais aujourd’hui plus que jamais, la pauvreté, l’indécence et le grossier dans le raisonnement, le déclassent. En termes plus clairs, il ne s’agit pas de faire l’intellectuel hors normes mais plutôt de cogiter et décliner des positions dont la teneur englobe les germes d’une semence nourricière pour la bonne marche des affaires de la Nation, de l’Etat et du Peuple. L’arrogance, l’incivisme et la vulgarité n’ont jamais payé : c’est clair comme eau de roche. Je plains aujourd’hui ceux qui ont la chance d’animer les débats (dans nos radios, quotidiens, télévisions et les réseaux sociaux) pour leur rappeler que la pauvreté de l’esprit s’encombre rarement de principes et encore moins de contingences heureuses. Beaucoup parmi la classe politique s’entretuent et chaque entité (pouvoir comme opposition) pense de manière égoïste qu’elle parle pour le Peuple et au nom du Peuple. Je renvoie tout ce beau monde à la fameuse assertion moins humoristique que pertinente de Driss Chraïbi : «Le bœuf (les politiciens) traîne la charrue (l’intérêt national) et le paysan (le Peuple) suit la charrue. Tu mets l’ignorance, la suffisance et la vulgarité à la place du bœuf et tu trouves derrière, la misère et la pauvreté.» N’est-ce pas monsieur Barthélemy Dias ? Je ne pense nullement que les Dakarois aient fait de vous leur maire uniquement pour se situer en dehors de notre Nation, de notre République et de notre commun désir de vivre Un et Indivisible. A écouter le léger discours de nos boucaniers politiques sur l’amour qu’ils portent au Peuple, l’on se tordrait de rire : car je crois qu’ils ne saisissent pas que le vocabulaire de l’amour étonne trop souvent par sa pauvreté. Pensez, chers messieurs, à faire et dire autre chose, bon sang !
Le monde politique est en pleine mutation : hier on se disputait la richesse des idéologies ; aujourd’hui on s’arrache la pauvreté des idées et leur prosaïsme. Pourtant, ni la rusticité de l’apparence, ni l’inélégance du langage, ni la pauvreté des vêtements ne peuvent et ne doivent primer sur la beauté des âmes. Il suffit tout juste de parler vrai et juste, de penser vrai et juste, pour l’intérêt exclusif des populations. Je m’adresse malheureusement à ceux qui se définissent ou se prennent pour membres de la Société civile. Ma grand-mère m’a trop souvent martelé que «ndey ji seex, njaxanaay lay têddee». Je vois aujourd’hui mal un Guy Marius Sagna, un Dame Mbodji ou l’ex-patron de Y’en a marre battre à nouveau le macadam pour défendre une cause dite citoyenne. Le ralliement à une chapelle politique et le fait de briguer les suffrages des Sénégalais en juillet prochain vous l’interdisent dorénavant. Comme à l’Eglise et devant un mariage, écoutez la maxime : «Qu’il se taise à jamais.»
Chaque Nation (démocratique) confie le pouvoir à des hommes en qui elle a confiance pour un laps de temps déterminé. L’exercice du pouvoir n’est pas du folklore et ne peut se résumer à de la propagande où chaque acte posé (dans la gouvernance des affaires de la cité) passe et repasse dans les médias publics pour fidéliser ou conquérir un électorat. La Patrie passe devant le parti, mais cela ne doit pas seulement s’arrêter à la notion de vœu pieu. Il faut aller plus loin…..
Maintenant, la citoyenneté responsable et la perception strictement républicaine des choses exigent des membres de la Société civile, un rôle de veille, de donneur d’alerte et de défenseur des acquis démocratiques. Mais, il ne faut aucunement oublier que cette Société civile ne détient ni un mandat institutionnel ni un mandat administratif. Elle appelle, en toute chose, un équilibre adossé aux lois et règlements de notre pays et au seul bénéfice des citoyens, sans aucune sorte de discrimination.
C’est à ce niveau que je ne suis point en phase avec monsieur Birahim Seck, qui semble de plus en plus se cantonner à un simpliste rôle de subversion contre le gouvernement, de répondeur automatique et fantasmagorique du président de la République. Le langage populaire du «m’as-tu entendu, m’as-tu vu», avec son radotage obsessionnel, sa pauvreté de vocabulaire, sa manie fastidieuse d’énumérer des détails superflus et attentatoires, sa dépendance de l’événementiel burlesque et patibulaire, voilà d’où surgit soudain la pauvreté de l’esprit conquérant et constructif. Je vous aurai encore mieux aimé dans le débat du recrutement du capitaine Touré à la mairie de Dakar : un monsieur que notre Gendarmerie nationale a jugé inapte pour assurer convenablement la sécurité des citoyens dont vous dites protéger les intérêts. La science citoyenne, ou même politique, du citoyen avisé que vous êtes n’est jamais qu’un tricot stérile si aucune vocation éthique ne lui donne, ne lui insuffle son élan et son souffle.
Si vous n’êtes pas à équidistance des hommes politiques (pouvoir comme opposition), quel est l’apostolat de votre combat?
Cette Nation est appelée à faire progresser la raison du monde. Son devoir est donc de décliner clairement sa part dans le messianisme de l’intelligence. A ce titre, ce pays peut-il saluer les sorciers et autres farceurs politiques qui font vrombir les moulins. Ce qui est reproché au pouvoir comme mode de gouvernance, doit l’être encore plus pour ceux qui cherchent à assumer les mêmes charges. Le plus grand génie rationnel et philosophique de tous les temps, c’est-à-dire une «Justice qui rend Justice», fut-elle celle de l’opinion populaire, est un sacerdoce.
Une fois de plus, il ne faut proposer à un Peuple que l’on veut réellement forger et abreuver dans les sources nourricières de la citoyenneté responsable que le génie politique avec lequel le monde a assimilé les leçons qui mènent à l’émergence. On sait que, depuis nos deux alternances démocratiques, celles-ci sacralisent la liberté de choix du citoyen, puis lui retirent, l’un après l’autre, ses droits de «subir la pensée unique», de souffrir la crétinisation due à un verbe stérile. Du coup, le politique doit impérativement se soustraire purement et simplement des actes et autres débats dont l’utilité d’ordre citoyen n’a aucune valeur ajoutée. La politique n’est viable que lorsqu’elle est «politique de vérité» ; et cette vérité n’a besoin ni d’amis, ni d’assentiment, parce que neutre et impersonnelle. Dans un combat politique ou citoyen (attention, il ne peut qu’être démocratique), seul le Peuple Souverain est juge. Pour le convaincre, on n’a pas besoin d’offenser l’objet (le Président) de son choix pour un laps de temps déterminé. Le brave Peuple sénégalais serait-il en avance sur sa classe politique et sa Société civile ?
Je sais seulement qu’il est préférable de guérir l’offense plutôt que de la venger. La vengeance prend beaucoup de temps, elle expose à bien des offenses.

JOCK : la République est mienne