L’objectif poursuivi par toute société humaine, est d’atteindre le développement qui consiste à rechercher le mieux savoir, le mieux valoir et le mieux-être de tous ses membres, pour dire, à l’image de Senghor : «Le développement de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes.» A ce titre, tous les économistes et hommes politiques véritables prônent la croissance économique ou l’accroissement des richesses et leur accumulation par l’investissement productif et le travail, comme l’unique moyen d’atteindre le développement économique et social et, partant, le développement humain. Depuis l’origine de l’humanité jusqu’à nos jours, la recherche de la richesse des nations pour le bien-être des populations a été et continue d’être la préoccupation fondamentale de tous les gouvernants. Les objectifs à l’horizon 2030 des Nations unies pour le développement durable, définis depuis 2016, sont loin d’être atteints dans les pays en voie de développement alors que l’échéance s’approche à grands pas. L’investissement ou l’augmentation du stock de capital est essentiel à la croissance économique, a fortiori dans nos pays faiblement industrialisés. L’accumulation du capital étant le processus qui permet de transformer l’épargne en moyens de production ou en actifs financiers ; Avec le travail et le progrès technique et technologique, surtout à l’ère de l’Intelligence artificielle et de la ruée vers l’espace, l’accumulation du capital est le facteur au centre du développement économique. La mission fondamentale d’un gouvernement quel qu’il soit, c’est non pas de faire le gendarme par un interventionnisme fiscal débordant comme on le constate aujourd’hui avec les nouvelles autorités sénégalaises, mais c’est d’installer les conditions optimales pour un développement économique par des mesures d’incitation pour fouetter l’activité globale, c’est-à-dire permettre une croissance économique vigoureuse, inclusive et régulière pouvant générer des transformations structurelles. Il faut reconnaitre que depuis plus d’une décennie, le Sénégal était assis sur une croissance économique assez forte en dépit de sa vulnérabilité aux facteurs exogènes (inflation importée, crise sanitaire), laquelle croissance pourrait atteindre deux chiffres avec les effets d’une bonne accumulation du capital bonifiée par l’exploitation du gaz et du pétrole. Malheureusement, nous sommes en train de connaitre au Sénégal des reculs de la croissance économique, si l’on en juge par les replis constatés dans les secteurs tertiaire et primaire pour les mois d’avril, de mai et de juin 2024 résultant d’une conjoncture peu favorable consécutive à une de perte de confiance des investisseurs (dernières publications de l’Ansd sur la conjoncture économique au Sénégal). La politique fiscale, la politique monétaire ou budgétaire, avec l’instrumentation des taux d’intérêt, des taux d’imposition et de la fiscalité de porte, du déficit budgétaire et de l’endettement, peuvent induire des reculs de la croissance quand la pression fiscale est forte. La fiscalité, qui est une ponction sur les revenus des ménages et des entreprises, constitue un frein à l’accumulation du capital au sens où elle réduit la propension à épargner des agents économiques, donc à investir. Or, les nouvelles autorités ont une tendance trop forte de tout ramener à un interventionnisme fiscal pouvant créer une situation d’inquisition économique non propice au développement global de l’activité. La politique fiscale doit chercher à trouver un équilibre entre la garantie des recettes dont les gouvernements ont besoin pour financer leurs programmes sociaux et économiques, et la croissance économique inclusive et durable. Une politique fiscale efficiente doit rechercher prioritairement l’incitation au travail, à l’investissement et à l’innovation économique, à la redistribution des revenus et des richesses, ainsi qu’à la viabilité environnementale et le bien-être. A la place d’une pression fiscale forte pouvant obérer la croissance économique, il est plus efficient d’élargir la base de l’assiette qui est le principal défi à relever au Sénégal avec un secteur informel hypertrophié dont la plupart des acteurs échappent au fisc.
Plusieurs études sur la fiscalité, notamment celles de la Banque mondiale, confirment le rapport qui existe entre la pression fiscale et la croissance économique, au sens où une pression fiscale faible est censée stimuler la production en augmentant les incitations à épargner, à investir, à travailler et à innover. En effet, les pays faiblement industrialisés (l’épargne intérieure étant faible et les capitaux rares), qui ont le meilleur environnement des affaires, imposant notamment la charge fiscale effective moyenne la plus faible aux entreprises et ménages et sur les marchandises importées, ont enregistré un taux de croissance réel du Pnb nettement supérieur à celui des pays plus lourdement imposés. Il est clair, s’agissant du cas du Sénégal dans le contexte mondial actuel, que le relèvement du pouvoir d’achat des consommateurs par la baisse de l’impôt sur les revenus des travailleurs pouvant améliorer leur pouvoir d’achat et relancer de ce fait la consommation intérieure, ainsi que la baisse des prix sur l’énergie pouvant réduire les coûts de production, sont les variables essentielles à même d’occasionner un impact sérieux sur la croissance économique et une meilleure compétitivité de l’économie. Ce n’est pas en agissant sur les prix finaux aux consommateurs, par des meurettes administratives de déflation qui ressemblent plus à de la cosmétique qu’autre chose, que les prix vont réellement diminuer, mais c’est en agissant sur la baisse de la pression fiscale sur les revenus des sociétés et des travailleurs, et la baisse des coûts de production comme l’énergie que l’on pourrait aboutir à une croissance économique véritable et une amélioration réelle du pouvoir d’achat des consommateurs. Ce que l’on oublie souvent dans le relèvement des conditions de vie et d’existence des populations, c’est l’augmentation des revenus, qui en est le facteur essentiel pour le développement humain par rapport à la variation erratique des prix, mais qui est aussi facteur essentiel de compétitivité et de croissance.
Une pression fiscale faible permet également de stimuler l’attractivité progressive de l’économie par l’amélioration de l’environnement des affaires favorisant l’afflux de capitaux importants dans notre pays pour le développement des infrastructures et la création de parcs industriels et technologiques, ainsi que la détaxation sur le matériel et les intrants agricoles pour l’accroissement des productions agricoles et l’augmentation subséquente de la croissance économique avec les nombreux effets d’entraînement dans les autres secteurs. C’est pourquoi, en dépit du renchérissement de l’or noir dans le marché mondial (renchérissement qui nous profite aujourd’hui avec l’exploitation du gaz et du pétrole) et des nombreux défis à relever, le Sénégal est parvenu à stabiliser les prix intérieurs au cours des dernières années en agissant sur la diminution de la pression fiscale et la maîtrise des coûts en dépit d’une conjoncture inflationniste internationale (Covid, guerre en Ukraine, dérèglement climatique ). Ce cadrage macroéconomique pour une pression fiscale faible et une maîtrise de l’inflation, basé sur un modèle dynamique et adossé à la réalité et ses possibilités d’évolution, visait la transformation structurelle de l’économie par l’augmentation des richesses au moyen de l’investissement productif. Il faut faire remarquer que la démarche du tout fiscalisme des nouvelles autorités s’indexe dans le sens inverse, c’est-à-dire sur l’aggravation de la pression fiscale, sur la suppression des exonérations et des subventions, obérant quasiment la propension des agents économiques à exister, à épargner, à investir, à produire, à transformer, à consommer et à exporter. Au demeurant, les productions agricoles record enregistrées ces dernières années démontraient, si besoin en était encore, que la situation économique avait progressé sensiblement de façon inclusive, avec plus de trois millions de tonnes de céréales et un million cinq cent mille tonnes d’arachide, augmentant notablement la contribution du secteur primaire à la formation du Pib. C’est dire que l’approche du développement économique des nouvelles autorités est hors contexte, irréaliste, se basant non pas sur une analyse approfondie des situations, mais sur la stigmatisation pour susciter l’émotion, en utilisant la rhétorique simpliste pour s’exprimer.
Nous vivons dans une époque de pleine mondialisation dans laquelle le Sénégal, avec ses quatre millions de travailleurs émigrés dont la contribution au Pnb est proche aujourd’hui de la moitié de notre budget national, a été, de tout temps, depuis le commerce transsaharien de la gomme arabique, une économie ouverte, d’autant que nos situations de micro-Etats, dans un marché intérieur étriqué et non porteur, nous commandent à avoir des politiques intégratrices dans le cadre sous-régional, régional, continental et mondial. L’élargissement de l’échelle nous permet non seulement d’avoir des marchés porteurs, mais aussi et surtout, nous permet de réduire les coûts de production et de transaction, et d’améliorer la compétitivité. Nous pensions que les nouvelles autorités se trompent lourdement de bonne foi en voulant réduire l’économie pure à la fiscalité, en raison de leur formation de chasseurs d’impôts leur inculquant une déformation professionnelle «du tout impôt» qui nuit à l’économie. Mais, lorsque le politicien en position de conquête est tout tendu vers un agir sur l’autre à des fins d’adhésion en piétinant l’éthos de crédibilité et en privilégiant l’éthos d’identification par un jeu sur l’ignorance des populations, de sorte que le citoyen adhère non pas en toute connaissance de cause, mais par enthousiasme, il en résulte que la vérité se trouvera piégée et la manipulation de l’opinion devient une méthode. Toutefois, une fois au pouvoir avec l’aide de Dieu, nos nouvelles autorités doivent changer de comportement, non pas pour réinventer la roue, mais pour poursuivre les efforts déjà entrepris, afin d’impulser une croissance économique vigoureuse, inclusive et durable, la seule voie de sortie pour nos Etats.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque
» mesurettes deflationnistes ». Ça c’est quoi même? Le senegalais aime faire etalage de la demagogie et des gros mots vides, voice stupides. Des complexés de la langue de Moliere?